Bonne Lecture ~♡
- Tu peux m'expliquer pourquoi tu n'as pas répondu au téléphone, s'énerva mon père, alors que j'ouvrais tout juste la porte.
- Parce que je n'ai plus de batterie, mentis-je éhontément en me retournant.
Un face-à-face... J'avais pas besoin de ça...
- C'est quoi ce cirque ? enchaîne-t-il en se frottant la tempe du bout de l'index, tu nous humilies avec tes conneries.
- J'ai un sacré don, n'est-ce pas ? ironisai-je en le fixant.
Il a de vieilles lunettes. La monture date au moins de 2006 et ça c'est pas humiliant pour un gars aussi friqué, de se trimbaler avec ces horreurs sur le bout du nez ?!
- Ce n'est pas drôle, arrête de faire tes idioties, ou, commença-t-il.
- Vous me coupez les vivres ? Ah, merde ! On me dit dans l'oreillette que ça se présente mal, lançai-je.
- Scarlett, arrête ça maintenant, s'emporte-t-il perdant patience.
- Je vais faire ça, dis-toi que tu n'as plus qu'à tenir jusqu'à demain avant de te débarrasser de moi.
Je vois qu'il est à deux doigts de tout casser, mais souris avec toutes mes jolies dents bien alignées. Je monte les marches deux à deux, et quand j'arrive dans ma chambre, je réalise que ce n'est que le début de la catastrophe.
- Qu'as-tu fait de tes habits ?! s'égosille ma mère en sortant du dressing.
- Je les ai vendus, lançai-je franchement.
Ça lui en aura pris du temps pour découvrir le pot aux roses.
- J'hyperventile, répond ma mère en agitant ses mains devant son visage. Tous?
- Tous jusqu'au la dernier.
- Qu'est-ce qu'on va faire de toi...
- M'envoyer chez ma tante ? soupirai-je en radotant.
- Te rends-tu seulement compte de ce que tu as fait ? Pour quoi ? Pour t'acheter ces habits hideux ! répugna-t-elle en montrant du doigt les habits que j'ai achetés à la suite des enchères, entassés sur la chaise de mon bureau.
- Tu comprends vite. Pourquoi es-tu dans ma chambre ? enchaînai-je dans l'espoir qu'elle sorte.
- Je voulais faire ta valise, explique-t-elle en désignant du menton le bagage sur mon lit.
Ils ont si hâte que ça de se débarrasser de moi ?!
J'attrape le monticule d'habits sur ma chaise, pose tout dans la valise et me retourne.
- C'est fait, merci.
Je vois son visage se décomposer et elle sort. Je crois que tout compte fait, j'ai aussi hâte de partir qu'eux de me voir quitter leur maison. Je respire un coup et me retourne pour regarder ma robe sur un cintre. Elle est toujours là.
Bon sang, il faut croire que je vais réellement devoir aller à ce bal, pensai-je en l'attrapant avant d'aller dans la salle de bain. Je me dis la même chose trente minutes après, lavée, la robe enfilée, en appliquant du mascara sur mes cils.
Et si on me faisait un autre sale coup ? N'y pense pas, me rappelai-je à l'ordre. C'est juste pour Tobias, on reste une petite heure, je fais un caprice et on va à starbuck. Je me regarde dans le miroir, j'ai l'air d'une godiche.
J'ai l'impression d'être de nouveau l'ancienne Scarlett, il y a pas à dire, je suis magnifiquement superficielle.
La reine du paraître semble de retour.
Je mets du vernis noir sur mes ongles et soudain une réflexion me vient à l'esprit : « pourquoi je me fais aussi belle ? ». Je veux dire, les années précédentes, c'était seulement pour être reine de la promo, mais là, j'imagine que je vais juste passer pour une fille bien trop apprêtée.
J'ai envie de tout enlever et de mettre un sweat... Trois coups sont tapés à la porte. Je lève les yeux vers l'horloge murale, 19 heures 30, ça ne peut pas être Tobias... J'ouvre la porte, il est là.
- T'es au courant que tu as trente minutes d'avance ? lançai-je en le détaillant du regard.
Mais il ne répond pas, il me regarde de haut en bas un sourire approbateur sur le visage.
Ses cheveux sont parfaitement coiffés, pas une mèche ne s'échappe de sa houppette et ses magnifiques yeux verts brillent de malice. Il a une cravate de la même couleur que ma robe et un joli smoking qui aurait certainement pu être cousu sur son corps tant il était saillant.
- J'ai l'impression que la Scarlett qui m'a lynché est de retour, grince-t-il en rigolant.
- Je suis sensée le prendre comment ? rétorquai-je. Tu as mon corsage ?
- Corsage ? répéta-t-il comme si j'avais parlé une autre langue.
- Oui, l'espèce de bracelet à fleur qu'on a acheté en même temps que la robe, ris-je en voyant son visage interrogatif, c'est ton premier bal, ou quoi ?
- Ah, oui, je l'ai, s'exclame-t-il en le sortant de sa poche.
Nous en avions acheté un très discret, orné d'une rose artificielle blanche. Je l'accroche tant bien que mal.
- Et oui, pour ta gouverne c'est le premier bal auquel je vais, ronchonna-t-il, pardon madame « je suis la reine de la promo depuis une décennie ».
- Gnagnagna, piaillai-je en le mimant ce qui eut le don de déclencher un fou rire. Pour un novice, t'es vraiment beau, dis-je à côté de la plaque.
Il me regarde étrangement, glisse doucement « toi aussi » et nous sortons de la salle de bain.
Nous y allons en taxis, dans un silence quelque peu sacré, « c'est notre dernier moment ensemble ». Face à la banderole du lycée, nous attendons un instant, la musique résonne.
- C'est parti, souffle-t-il en attrapant ma main.
On va vers le gymnase, la fête a déjà commencé, la porte est ouverte, il fait sombre à l'intérieur. Nous passons le pas de l'entrée, tout le monde danse frénétiquement, le buffet est au fond à gauche, la scène sur la droite, l'un des groupes du lycée interprète une musique qui m'est inconnue.
Tobias s'atelle à écrire nos noms sur la liste de présence, alors que je regarde autour de nous. Une grande banderole "choisissez la royauté" est étirée à côté du DJ au fond de la scène.
La musique me vrille les tympans, je sens une goutte de sueur glisser le long de mon dos, je n'aime décidément pas cette ambiance.
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Drowned
Teen FictionÀ Stuyvesant High School, dans l'Ouest de New York City, se développe une nouvelle génération d'adolescents. La plupart déjà blasés malgré leur jeune âge s'adonnent à des humiliations publiques et n'hésitent pas à lyncher pour se faire remarquer. Qu...