Bonne Lecture ~♡
Samedi matin arrive, j'ai passé la semaine à cran. Après cet horrible interview, les regards semblaient encore et toujours plus pesants. Je suis partagée entre besoin de m'éloigner de cet établissement et la peur d'aller loin de chez moi.
Je me regarde dans le miroir de ma chambre, j'ai enfilé la longue robe soyeuse aux couleurs du lycée que ma mère a achetée, je me suis tressée les cheveux et ai posé mon chapeau carré à pompon sur ma tête.
Dans moins de dix minutes, je vais devoir me rendre à cette terrible cérémonie de remise des diplômes. Clôturant ainsi quatre années de labeur et d'hypocrisie.
« Ces robes sont terriblement moches » m'envoie Tobias, « Ça dépend qui la porte » répondis-je en rigolant.
Je récite mentalement mon discours dans ma tête, j'ai l'impression qu'il est bancal, je suis sensée féliciter tout le monde et faire un espèce de blabla bidon sur ces 4 dernières années, mais il est clair que je n'en retire que peu de bons souvenirs.
- On y va Scarlett, crie ma mère depuis le rez de chaussée.
Je me regarde une dernière fois, courage.
Dans la voiture un silence de mort règne, mon père ne me parle plus depuis près de deux semaines, ma mère ne m'intéresse pas et Sean n'a pas pu venir, il s'organise pour partir chez son ami.
J'expire, c'est le dernier pas avant d'abandonner ce lycée de tarés... La voiture garée, je sors et rejoins immédiatement Tobias. Ses parents ne sont pas là, ce qui n'est pas vraiment étonnant et moi qui m'attendais à voir Calvin (habillé cette fois-ci) ne le vois pas.
- Prête ? me demande-t-il.
- Est-ce que "prête" signifie que j'ai très envie que tout cela se finisse ?
- Pas vraiment, rit-il, j'ai très envie de me barrer moi aussi, mais ça me fait bizarre.
- Bizarre ? questionnai-je en le regardant.
- J'ai l'impression qu'une fois hors d'ici, on n'aura plus vraiment de raison de traîner ensemble, lâche-t-il le regard teinté de tristesse.
- J'espère que tu veux rire ?! Tu ne te débarrasseras pas de moi de si tôt ! m'exclamai-je en l'étreignant.
On reste un instant l'un dans les bras de l'autre, je crois qu'étant donné les circonstances de notre amitié, elle risque d'être quelque peu indestructible...
Nous partons vers le gymnase du lycée. Il est plein à craquer et c'est plutôt anxiogène...
Je reste proche de Tobias et nous allons nous installer dans la rangée de chaises destinée à notre classe. « Pomp and Circumstance » d'Edward Edgar résonne dans la salle, tout le monde prend place dans les gradins ou les rangées, sur l'estrade au milieu du terrain, les professeurs et le proviseur.
Les discours défilent, tous allant dans le même sens, nous avons tous fait du bon travail et nous devons maintenant nous préparer à l'université qui va être un grand pas dans nos vies...
La lassitude m'envahit, tout cela me rend malade, mais bientôt je me souviens que je vais passer dans moins de dix minutes devant cette assemblée bien trop grande à mon goût.
J'essaye de me calmer, je serre dans ma main droite, le bout de papier sur lequel j'ai inscrit mon discours, je sens mon cœur redoubler de battements.
- Et maintenant nous allons laisser la parole à la major de votre Promotion : Scarlett Foster !
Dans les rangées d'élèves, personne n'applaudit et je comprends à cet instant que je ne vais pas pouvoir dire mon discours...
Je me lève, me faufile le long de la rangée, on me fait un croche pied mais je me rattrape de justesse à une chaise avant d'arriver à l'estrade.
Je règle le micro, un silence étrange règne...
- Bonjour tout le monde, saluai-je pour commencer. Je suis, continuai-je avant que des huements commencent à se faire entendre...
J'essaye de ne pas paniquer, les professeurs s'agitent, essayent de calmer les élèves, mais rien n'y fait... Mince, j'aurais dû m'en douter... Je serre mes mains.
- Excusez-moi, hurlai-je dans le micro, ce qui eut le don de faire taire tout le monde d'étonnement. J'imagine bien que vous n'avez pas envie de m'entendre parler, moi, l'ex-reine de la promo et première au classement quatre années consécutives et vous savez quoi? Je comprends tout à fait, parce que je suis une grosse hypocrite, derrière ces deux caractéristiques, se cache une espèce de ratée. Pendant ces quatre années de réussite, j'ai pourri l'existence de dizaines de personnes, je vous ai peut-être déjà bousculé dans les couloirs, ou je me suis peut-être déjà moquée de vos habits. Oui, la fille friquée et superficielle qui a pu vous pourrir l'existence, c'était moi, avouai-je. Et vous savez quoi ? Quand j'ai réalisé ce que j'ai pu faire subir, je n'ai même pas eu le courage d'assumer mes actes. Mais les choses ont fait que je me suis retrouvée à me présenter de nouveau en cours. En revenant, j'ai découvert que j'étais devenue la cible. Bien fait direz-vous ? Vous avez raison, mais ça a été dur. On s'est moqué de moi, des rumeurs ont circulé, une page Facebook a été créé en mon honneur, j'ai été frappée à plusieurs reprises et j'ai failli être violée. Et le pire dans cette histoire c'est que la personne qui m'a aidée à m'en sortir fait partie des gens que j'ai injustement lynchés.
Mon regard se rive à celui de Tobias, le visage dans un sale état.
- Tout ça pour vous dire une chose, sur ces quatre années, j'ai fait plus de mal que de bien, mais je veux que vous reteniez quelque chose à l'issue de ce discours sans queue, ni tête, que je suis en train de vous improviser. Je veux que dorénavant, en vous levant le matin vous réfléchissiez un peu, que vous vous disiez que la vie est courte et que vous vous devez de la vivre à deux cent pour cent. Vous n'avez pas de temps à perdre en étant méchant préférez plutôt poursuivre votre quête du bonheur. Sur ce, bravo à tous pour vos diplômes, en espérant que mon discours vous ait aidés, autrement. J'ai vidé mon sac, j'expire, fais un pas en arrière puis un autre.
Le silence est brisé par les professeurs qui essayent de ne pas laisser le malaise persister en faisant un autre discours. Je descend de l'estrade, me dirige vers la sortie et cours vers les toilettes, je ne me sens pas bien du tout...
J'étais bien trop souvent remuée de l'intérieur ces derniers mois, pensai-je accroupie devant une lunette de toilettes. Je me relève tant bien que mal, j'aurais jamais dû tout lancer... Cette idée me frôle l'esprit et ma mère, comme messagère du karma, apparaît.
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Drowned
Teen FictionÀ Stuyvesant High School, dans l'Ouest de New York City, se développe une nouvelle génération d'adolescents. La plupart déjà blasés malgré leur jeune âge s'adonnent à des humiliations publiques et n'hésitent pas à lyncher pour se faire remarquer. Qu...