3 octobre 2020
– Vous savez quoi ? Ce qui va me tuer c'est ni la muco ni le Covid, c'est une putain de syncope ! À force de m'énerver contre ces putain d'abrutis de cons de leurs morts !
J'avais rarement vu mon frère jumeau aussi énervé.
Deen et moi mangions en vidéoconférence avec Inès et lui depuis une bonne demi-heure, tous les deux assis sur notre canapé alors que les garçons étaient couchés, et Raphaël était en train d'exprimer toute sa colère contre les personnes qui ne respectaient pas le port du masque et les autres gestes barrières. Et je ne pouvais que le comprendre : lui qui devait porter un masque depuis tout petit en période de grippe, en cas de pic de pollution, ou alors tout bonnement à l'époque où il devait partager son espace vital avec notre mère, il avait toutes les raisons du monde d'être énervé. En plus, il pétait clairement un câble à force d'être enfermé chez lui : nous étions en septembre, et Raphaël était confiné depuis sept mois. Je commençais à m'inquiéter réellement pour sa santé mentale.
– Enfin bref, j'arrête de me plaindre, souffla-t-il presque aussitôt sans nous laisser le temps d'en placer une alors qu'Inès caressait tendrement son dos. Comment ça va vous ?
– Frère continue de te plaindre si ça te soulage, fit Deen. T'as tous les droits en plus.
– Ouais mais flemme de me transformer en Papé avant l'heure.
Deen et moi rigolâmes : c'est vrai que question grognon, notre arrière-grand-père était un professionnel dans le domaine, pour le plus grand désespoir de notre arrière-grand-mère.
Mangeant une bouchée de nos repas respectifs chacun de notre côté, nous marquâmes une petite pause dans notre discussion. Puis Inès aborda un sujet totalement différent :
– Du coup ça en est où votre recherche d'appartement ? demanda-t-elle.
Mon mec et moi nous lançâmes un regard complice : devions-nous leur en parler ? Ou cela nous porterait-il la poisse ?
Car oui, depuis que Deen et moi nous étions rabibochés et avions redécouvert le fait que nous ne pouvions pas imaginer un avenir l'un sans l'autre, nous étions à la recherche d'un appartement plus grand dans lequel les garçons auraient leurs propres chambres, et qui contiendrait une chambre supplémentaire pour accueillir plus facilement nos familles lorsqu'elles monteraient sur Paris. Nous avions déjà visité quatre appartement, dont deux se situaient à Aubervilliers, un à Pantin, et un autre dans le 19e arrondissement. Nous avions visité ce dernier appartement sans grande conviction, ayant tous les deux déjà flashé pour un duplex à Aubervilliers : petit immeuble au milieu d'une résidence récemment construite entourée de verdure, l'environnement changerait totalement du vieil immeuble en bas duquel dealaient certaines de nos connaissances. Cette atmosphère dans laquelle j'avais grandi et avec laquelle Deen avait vécu toute sa vie de Parisien allait très certainement nous manquer, mais l'appartement que nous avions trouvé ne nous avait vraiment pas laissés indifférent, et nous préférions que nos fils grandissent loin du milieu de la drogue. Je nous voyais aisément partager des moments en famille dans notre salon - salle à manger de trente-cinq mètres carré, Deen enregistrer certains de ses morceaux dans le petit bureau en face de notre chambre d'amis et de la salle de bain en bas, mon rappeur et moi fumer un joint de temps en temps sur le petit balcon sur lequel donnait la porte fenêtre du salon, et nos deux garçons traverser sans cesse le couloir à l'étage pour aller jouer dans la chambre de l'un et de l'autre, mettant parfois le chantier dans la nôtre au passage.
Ce fut finalement Deen qui, après un regard approbateur de ma part, se tourna de nouveau vers l'écran pour tenir mon frère et ma belle-sœur au courant de ce que nous comptions faire :
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Jim Morrison
FanficÀ la base, j'avais pas envie de me retrouver à Paris. Mais bon, j'allais pas cracher sur l'opportunité. Je laissais presque toute ma vie derrière moi, mais je me doutais pas qu'il suffise d'une côte fêlée et d'une cheville cassée pour me trouver une...