Chapitre 83

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Jimin sortit de sa torpeur brutalement. Immédiatement il leva la tête et la tourna du côté du mur qui ne présentait pas de hublot. Les oreilles dressées, immobile, à l'affût de la moindre odeur, il attendit de longues secondes durant.

« Hyung, » murmura-t-il d'une voix fatiguée.

Il en était certain, c'était l'odeur de Hoseok : il l'avait beaucoup trop sentie pour la confondre. L'apothicaire avait une odeur bien différente de celle des autres habitants de la ville : son odeur corporelle était sans cesse influencée par son environnement. Puisque Hoseok travaillait avec de nombreuses plantes, ses vêtements étaient imprégnés de ces parfums agréables mais forts. Et cette odeur si particulière, il était certain de la sentir à présent.

Est-ce que Hoseok venait le chercher ? Pourtant Jimin lui avait fait comprendre qu'il ne voulait pas qu'il se mette en danger pour lui. Son amant aurait-il l'audace d'aller contre sa volonté ? Dans un sens c'était vexant, mais d'un autre côté Jimin retrouvait l'espoir de quitter rapidement cet endroit oppressant qui n'avait d'agréable que le murmure des vagues et la faible houle qui berçait la coque.

Jimin, dans de lents mouvements, se redressa et s'avança dans la pièce autant que sa chaîne le lui permit. Il n'en pouvait plus de ces entraves mais celle-ci était, il fallait l'avouer, moins encombrante que celles qu'il avait auparavant. Hoseok... lui il s'arrangerait pour qu'il retrouve la liberté. L'hybride en était sûr, il venait le sauver. Planté à quelques pas du mur – car sa chaîne ne lui permettait pas un pas de plus –, il écoutait attentivement et ne se lassait plus de humer l'odeur qui venait à lui par le jour sous la porte de sa prison dorée.

À partir de là, le temps sembla passer différemment. Est-ce qu'il avait ralenti ou accéléré ? Ça, Jimin n'en avait pas la moindre idée mais sa notion du temps, il l'avait perdue. Ses souvenirs lui revenaient en cascade. Depuis leur rencontre jusqu'à leur récente séparation, il revoyait tout. Et il ne voulait plus partir, il voulait rester dans cet endroit qu'il avait toujours connu. Il voulait d'une vie paisible dans sa horde, il voulait descendre régulièrement de sa montagne pour aller retrouver Hoseok en secret à la serre et qu'ils s'y aiment, qu'ils s'y montrent leurs sentiments les plus forts.

Mais il ne se permettrait pas de faire risquer quoi que ce soit à son aîné pour réaliser ce rêve. Il n'avait pas changé d'avis : si ça impliquait que Hoseok prenne des risques, alors il préférait encore rester là, heureux malgré sa peine car il saurait qu'alors il le protègerait et rembourserait tout ce qu'il devait à son amant.

L'odeur se fit plus ténue, les oreilles du petit hybride se baissèrent comme s'il était peiné et il demeura droit comme un piquet, les yeux rivés sur la porte. Hoseok s'éloignait. Hoseok partait. Hoseok ne l'avait pas sauvé. Les yeux de Jimin étaient pleins d'incompréhension. Il savait que son aîné avait tenté de le voir, mais avait-il simplement voulu le voir ou bien avait-il tenté de le faire libérer ? Reviendrait-il ?

L'odeur de Namjoon se fit plus importante que celle de Hoseok et Jimin reconnut sa démarche. Ses semelles claquaient sur le pont du navire, le bois neuf n'émettait pas un seul grincement mais le bruit de pas avec cette cadence caractéristique était une preuve de l'arrivée imminente du marchand.

Jimin ne bougea pas et la porte s'ouvrit. Namjoon eut immédiatement une expression étonnée : Jimin se levait très rarement, encore plus pour venir se planter le plus près possible de la porte. Les deux jeunes hommes échangèrent un long regard et finalement le jeune marchand soupira.

« Tu sais qu'il est venu, hein ? C'est pour ça que tu es là, tu espérais qu'il vienne te voir ? »

Jimin hésita quelques instants avant de finalement acquiescer timidement sans avoir le courage de soutenir le regard de son aîné. Ce dernier soupira une fois de plus et murmura un « j'en étais sûr » que l'hybride fit semblant de ne pas avoir entendu.

« Tu es ma propriété, j'ai payé cher pour t'avoir, alors ce n'est pas après trois jours que je vais laisser tomber. Je sais qu'on finira par être sur la même longueur d'ondes, toi et moi, et même si c'est un peu long je serai patient. Je sais que tu me rapporteras une petite fortune. Et bien sûr tu pourras en profiter aussi : avec moi, tu auras tout ce que tu désires. »

Sa liberté, sa horde, Hoseok.

Namjoon ne pourrait jamais rien lui acheter de tout ça. Le marchand avait beau paraître bien intentionné, il voyait la vie à travers le prisme de l'argent. Tout était déformé comme s'il regardait à travers un précieux diamant. Leur vision du bonheur n'avait strictement rien de commun.

Lorsque l'hybride fronça les sourcils, Namjoon comprit qu'il avait dit quelque chose qu'il ne fallait pas. Et quand Jimin lui tourna le dos pour aller se rasseoir il en fut certain. N'importe qui devrait être heureux de pouvoir vivre dans l'opulence à cette époque où la pauvreté était monnaie courante. Alors pourquoi Jimin s'y refusait-il de façon aussi marquée ? Il semblait sans aucun doute le mépriser pour ce qu'il avait dit, mais qu'avait-il dit de mal ?

« Je suis bienveillant avec toi, je suis patient, je ne cherche pas à te forcer à quoi que ce soit, pas même à me parler, et toi tu continues de t'entêter. Tu es fermé alors que je te laisse tout l'espace nécessaire pour t'ouvrir. Qu'est-ce que tu as contre moi ? Je suis prêt à t'offrir une vie de bourgeois aisé : de la bonne nourriture, de beaux vêtements, et si tu me prouves que je peux avoir pleinement confiance en toi je serai même heureux de pouvoir te retirer tes chaînes. Alors quand est-ce que tu vas te décider à être un peu obéissant et poli ? »

Jimin le défia du regard. Obéissant ? Lui ? Il était un hybride adulte et libre, il n'avait d'ordre à recevoir de personne et surtout pas d'un homme qui prétendait avoir tous les droits sur lui sous prétexte qu'il l'avait acheté une petite fortune. Pour qui se prenait-il, ce petit bourgeois prétentieux ? Croyait-il sincèrement que du métal brillant valait une vie ? Qui était-il pour acheter sans remords un être vivant qu'il devrait considérer comme son égal ?

Namjoon serra la mâchoire quand pour la première fois, sans détacher son regard sévère de lui, Jimin ouvrit la bouche pour prendre la parole.

« Jamais, » répondit-il avec aplomb avant de se murer de nouveau dans son silence.


Les créatures du Nord [Hopemin]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant