les menaces se renouvèlent

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Ma très chère Mlle Selwyn,
au risque de vous importuner, j'ai décidé de vous faire parvenir ce courrier, non que j'éprouve du plaisir à vous mettre dans l'embarras, j'espère d'ailleurs que ma missive ne vous en donnera aucun, mais parce que j'aimerais entretenir avec vous un contact amical.
Si nous nous étions déjà côtoyés plusieurs fois, il est vrai que jusqu'à l'autre soir, lors de la réception donné par mon frère, nous n'avions jamais eu l'occasion de nous rencontrer et d'échanger. Veuillez croire que cette rencontre m'a fait grande impression et que je souhaite vivement me retrouver à nouveau en votre compagnie car vous êtes une femme charmante et votre intelligence vive ainsi que ces petites pointes d'ironie dont vous égayez vos propos vous donnent un charme tout particulier.........
.......Au plaisir de vous revoir, avec mes meilleurs sentiments.

Ignacius Malefoy.


Gilda n'avait jeté qu'un vague coup d'œil à ce courrier, juste le temps d'en saisir le sens et les premières lignes, mais la vague de contrariété qui l'envahissait à présent dépassait tout ce qu'elle aurait pu penser.
Elle faillit jeter la lettre au feu mais se ravisa à temps, non, avant toute chose il fallait qu'elle réfléchisse à la suite à donner aux évènements.
Sûrement se montra t-elle un peu sévère face aux première années qu'elle avait en cours ce matin-là, mais il faut dire qu'elle n'avait pas réellement le cœur à la nuance et la présence d'Ombrage, revenue comme par miracle dans ses cours, ne pouvait la calmer. Ce n'est qu'une fois sortie qu'elle en eut quelques remords, la petite Milésia Scott était certes un peu turbulente, mais de là à aller à deux heures de retenues....
« Il faut vraiment que je me calme et que je résolve vite ce problème, avant de finir complètement tarée! » pensa t-elle.
Mais visiblement, le gentleman pot de colle n'était pas décidé à lâcher prise et il allait falloir jouer fin. Puisqu'il ne voulait rien comprendre...
Elle saisit la lettre qu'elle avait emportée avec elle, et tout en travaillant à la bibliothèque, y jeta quelques coups d'œil afin de trouver une faille qui lui permette d'éconduire Ignacius d'une façon suffisamment cinglante pour qu'il comprenne qu'il valait mieux lâcher l'affaire. Il lui apparut rapidement que cela allait être assez difficile, le courrier était rédigé avec soin et elle n'avait pas vraiment à répliquer sur le fond, ç'aurait été se montrer bien pédante.
Finalement, elle saisit un morceau de parchemin et y rédigea deux lignes d'une écriture soignée:

Monsieur,
Je crois que vous faites largement erreur sur ma personne et sur mes intentions, je n'ai pas toutes les qualités que vous me prêtez. Et je souhaite que vous cessiez de m'envoyer des correspondances car vous m'importunez à vrai dire.

Respectueusement,

Gilda Marty.


En regardant le hibou s'envoler avec son message, Gilda se sentit un peu mieux... Jusqu'à ce que Rusard déboule devant elle, prêt à la prendre sur le fait.
-Ah! Mais qu'est-ce que vous....
Gilda avait porté la main à son cœur sous l'effet de la surprise.
-Professeur Marty. Dit simplement le concierge, vous êtes venue envoyer un courrier?
-Oui en effet monsieur Rusard.
Gilda détestait cet homme depuis qu'elle était élève, même si à présent elle n'en avait plus peur du tout et même le plaignait un peu à vrai dire...
-Par ordre de l'inquisitrice, je dois inspecter le courrier, veuillez me le montrer s'il vous-plait.
-Je suis désolée monsieur Rusard, mais c'est trop tard, je viens de l'envoyer. À vrai dire j'ignorais qu'il était nécessaire de faire contrôler sa correspondance...

Rusard sembla furieux mais parvint à se contenir:
-Très bien dit-il, ce n'est pas très grave mais je vais devoir établir un rapport pour l'inquisitrice.
-Je vous en prie, faites.

Sur ces mots, Gilda tourna les talons et quitta la volière. Elle se sentait proche de la migraine, d'abord ce gentleman casse-pieds, ensuite les révélations d'Ombrage et maintenant cette surveillance...
Alors qu'elle empruntait un couloir isolé, quelque-chose explosa soudain devant ses pieds, envoyant des étincelles jaunes un peu partout. La jeune femme poussa un cri de surprise et bondit en arrière de peur que le bas de son pantalon ne prenne feu.
Ce qu'elle découvrit sur le sol la laissa interloquée, il s'agissait d'un bracelet de perles rares, noires et blanches alternées et liées entre elles par des crochets d'argent.
Gilda tira sa baguette et la pointa sur l'objet:
-Wingardium Leviosa!

Le bracelet s'éleva à hauteur de ses yeux et elle put ainsi mieux le contempler, il s'agissait d'un travail d'une finesse remarquable, sûrement gobelin, mais à quoi servait-il?
-Les perles sont de mauvais conducteurs de magie noire... Se murmura t-elle à elle-même pour tenter de se rassurer, mais cela ne veut pas dire... Avec la quantité...

En observant les arabesques des attaches d'argent, elle découvrit une écriture qui ne lui était pas inconnue quoique peu familière, il s'agissait de caractères à grands enroulements et inclinés vers la gauche:

-Ven'm-diana... Parvint elle à déchiffrer, mais elle n'en fut pas beaucoup plus avancée car, si elle savait déchiffrer l'écriture gobeline, son lexique dans cette langue restait extrêmement limité. Tout juste se souvint-elle que le terme ven'm était l'équivalent de « damnatio memoriae » en gobelin. Et cela n'eut pas pour effet de la rassurer.

Damnatio Memoriae, le supplice infligé à la mémoire de Néron après sa mort, afin que plus personne ne se souvienne de lui... Quant au mot qu'elle ne connaissait pas, il était peu probable qu'il soit amical. Elle ne se souvenait pas de l'avoir rencontré dans toutes ses études, mais un lexique assez ancien du langage gobelin se trouvait à la bibliothèque, cela devait pouvoir l'aider...

Elle défit le foulard qu'elle portait autour du cou, le plia en deux pour qu'il soit plus épais et s'en servit pour enrouler le collier dedans, simple mesure de précaution.

Losqu'elle arriva dans la bibliothèque, elle reçut l'accueil sec de Madame Pince et ne s'en formalisa pas, ce n'était pas tant que cette femme avait mauvais fond en fait, mais elle était bourrue et solitaire et communiquait plus facilement avec des livres qu'avec des humain.

-Voyons... Runes... Langages des créatures de l'eau... Langages moldus non parlés... Tiens... formules chamaniques.... Signaux de fumée, formules vaudou... pourquoi n'y a t-il rien sur le langage gobelin?

La jeune femme chercha au rayon médiéval mais n'y trouva rien à part du latin et de l'Occitan, pas plus au rayon antique...
Avec résignation elle se dirigea vers le bureau de l'austère bibliothécaire.

-Hum... Madame Pince?
-Quoi!?
Gilda sursauta face à ce ton presque agressif mais ne se démonta pas.

-Veuillez m'excuser mais je cherche le dictionnaire du langage gobelin ancien, et je ne le trouve pas...
-Il est dans la réserve.
-Je vous remercie.

Gilda se dirigea vers la pièce adjacente et y entra, il faisait sombre mais lorsqu'elle alluma la lanterne suspendue au plafond, elle ressentit un tel choc qu'elle pâlit brusquement.

Son propre double l'observait avec un air catastrophé, comme celui qu'elle devait afficher à présent, mais lorsque que l'homme qui se tenait derrière elle l'enlaça, elle se mit à sourire.
Gilda n'en fit pas moins et porta la main à sa taille, mais elle ne sentit rien d'autre que le tissus de sa robe sous ses doigts.
Pourtant, son reflet continuait de sourire, appuyé sur Yannick presque de tout son poids, mais elle-même ne pouvait que rester droite comme un I et sentir le vide derrière elle.
Tremblante, elle s'approcha de l'imposant miroir, tout cela semblait si réel... et pourtant...
Ses propres doigts ne purent toucher que le verre froid qui recouvrait le métal, derrière cette barrière infranchissable, son propre double continuait de sourire d'un air absent.
Des larmes se mirent à rouler sur les joues de Gilda, elle s'effondra et lâcha son écharpe qu'elle tenait toujours à la main.
L'image continuait d'apparaître et elle ne parvenait pas à s'en détacher, tout tourbillonnait autour d'elle mais cela...
Elle leva la tête, et aperçut des lettres gravées autour du miroir, normalement elle n'aurait pas dû pouvoir lire mais...
On dit souvent que le cerveau n'est que très partiellement utilisé par son propriétaire, mais ici sans s'en rendre compte, Gilda lut le message écrit à l'envers et dans une langue qu'elle ne maîtrisait pas parfaitement...
« Je ne montre pas ton reflet mais de ton cœur le désir... »

Gilda baissa la tête et se mit à sangloter lamentablement.
Jusqu'à ce qu'une main se pose sur son épaule...

-Relevez-vous Gilda.

La jeune femme se retourna.
-Severus... Mais...

son collègue n'attendit pas qu'elle lui obéisse, ce que de toute façon elle n'aurait pas fait d'elle-même, il la saisit par le bras et la remit sur ses pieds sans ménagement.
-Je suis entré pour chercher un livre, dit-il simplement, vous m'avez fait peur... Surtout avec...

Il désigna quelque-chose à terre et Gilda en se baissant découvrit qu'il s'agissait du bracelet de perles qui était sorti de l'écharpe en tombant.
-C'était juste à côté de votre main. Mais aussi bizarre que cela puisse vous sembler, ce n'est pas le plus dangereux dans cette pièce...

Elle lui lança un regard interrogateur et il répondit:
-Le miroir de Rised.. Gilda, depuis combien de temps?
-Combien de temps quoi? Demanda la jeune femme.

Elle remarqua au passage qu'il semblait dans une fureur immense

-Depuis quand vous venez le voir?

Gilda secoua la tête:
-Je... Je ne l'avais jamais vu auparavant... C'est la première fois que... Cela m'a tellement surpris.
-Hé bien autant que cela ne se reproduise pas alors!

Il saisit sa baguette si vite que Gilda n'eut que le temps de crier:
-Non! ne faites...

Un jet de lumière jaillit de la baguette du maître des potions et frappa le miroir en son centre, celui-ci explosa en mille morceaux. La jeune femme hurla.
-Qu'est-ce que vous avez fait?! Pourquoi....

Lorsqu'elle se retourna vers lui, elle pleurait, sûrement de rage et d'incompréhension.

-Pourquoi!? Répéta t-elle d'une voix perçante.

La colère déformait son visage et des plaques s'y formaient, témoins de l'afflux d'émotion dont elle était victime. Severus en revanche resta parfaitement calme et répondit d'une voix douce:
-Au moment même où je vous ai relevée, vous étiez déjà à calculer comment vous alliez faire pour pouvoir coucher tôt Moon et Sebastian ce soir, afin de pouvoir revenir ici, ou si vous auriez le temps d'y passer avant les repas de midi, avant d'aller chercher vos enfants à l'école... Avant vos cours du matin peut-être.

Surprise, la jeune femme resta silencieuse, mais sa colère n'était pas encore calmée, loin s'en fallait.

-Je l'ai détruit pour ne pas que vous y retourniez. Parce-que vous comptiez revenir, et revenir encore, vous replonger dans le passé sans mesure.
-Vous exagérez! Répliqua t-elle d'une voix acide, et je fais ce qui me plait! Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué Severus, je suis une de vos collègues! Une adulte! Qui est libre de ses actes!
-Ah bon?

Le sarcasme de sa voix figea sa collègue juste le temps qui lui fallait pour répondre:
-Elle est où l'adulte, quand vous vous êtes lamentablement écroulée devant cette chose comme une ado face à un bouton d'acné? Je vais vous dire Gilda, devant moi en ce moment j'ai l'impression de voir une fillette de dix ans, une ado attardée et complètement hystérique. Vous savez, de ces jeunes filles à problèmes complètement colériques qu'on doit envoyer se faire soigner.

Gilda était devenue blanche, hormis ses joues encore en feu, il poussa encore plus loin:
-Vous êtes vraiment sûre d'être une adulte Gilda? Et lorsque vous n'attendrez plus que le moment où vos enfants se couchent pour pouvoir y aller? Lorsque vous deviendrez irritable, accrochée à ce genre d'objet au point de calculer tous vos temps et vos journées pour le voir. Lorsque vous vous mettrez à rechercher la moindre photo de votre compagnon, lorsque vos enfants resterons seuls pendant que vous serez... En train de vous mirer aux alouettes? Dîtes-moi donc Gilda, pensez-vous que vous serez une adulte et une mère alors?

La jeune femme secoua la tête, c'était le moment où le désespoir remplaçait peu à peu la colère, des plaques rouges et des crispations sur tous son visage, Gilda ne gardait plus qu'une mine abattue et un visage extrêmement pâle. Honteuse, elle baissa les yeux et Severus se radoucit:

-Pardonnez-moi Gilda, je sais que je ne suis pas des plus délicats mais il fallait que vous compreniez.

Elle pleurait et enfouit sa tête dans ses mains, Severus la saisit fermement par les épaules:
-Je ne veux pas que vous fassiez les mêmes erreurs que moi Gilda, je veux que vous viviez et que vous vous reconstruisiez après ce que vous avez vécu. Si j'avais laissé cet objet intact, vous cous seriez sûrement rendue esclave, comme moi.
La jeune femme leva vers lui un regard interrogateur:
-Dix ans Gilda, et si Dumbledore ne l'avait pas enlevé parce qu'il en avait besoin il y a quatre ans, j'y serais encore. Lui en est toujours dépendant... Quant-à moi si ce n'est plus le cas, des fois disons que c'est difficile...

Il se sentit soulagé lorsqu'elle hocha la tête:
-Je sais que c'est difficile, mais il faut y arriver. Je vais aller annoncer à Dumbledore ce qui s'est passé, voulez-vous en être?
-Je dois aller le voir aussi, murmura la jeune femme d'une voix rauque.

Elle se baissa et ramassa le collier en prenant garde de ne pas le toucher, ni de se couper avec les éclats éparpillés partout.
Lorsqu'elle sortit de la salle, elle se sentait vide, elle entendit vaguement Severus expliquer à madame Pince qu'en raison des dégâts, il valait mieux fermer la réserve, qu'elle aurait très vite des explications...

Puis plus rien jusqu'au moment où elle toqua elle-même à la porte de directeur.

Severus et la rose blancheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant