Il l'a fait

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Il est parvenu au sommet de la tour d'astronomie, le cœur au bord les lèvres et les tempes battantes. Et rien ne pourrait davantage le dégoûter que le meurtre qu'il s'apprête à commettre. Mais surtout, il est profondément troublé. Il se souvient de chaque mot du directeur ce matin :

« Lorsque je rendrai mon dernier souffle Severus, des souvenirs que j'ai bloqués en vous ressurgieront brutalement. Il se peut que vous m'en vouliez, que vous vous sentiez profondément meurtri... Mais avant tout, vous serez probablement extrêmement surpris. Et c'est pour ça que ce moment sera particulièrement dangereux pour vous, surtout si cette chère Bellatrix se trouve à proximité. Alors autant que possible, il faudra veiller à ce qu'elle-même ne parvienne pas en haut de la tour. »

Il a insisté auprès du vieil homme et cela n'a pas été une mince affaire. Mais il a tout de même obtenu les explications qui lui étaient dues. Encore qu'il a du mal à y croire :
A vrai dire, il a déjà du mal à croire ses souvenirs des derniers mois : flirter et coucher occasionnellement avec une connaissance ne lui a jamais ressemblé, pourtant il n'a pas pu s'en empêcher.
Essayer de se la péter devant une femme au risque de la tuer ? Il ne s'en serait jamais cru capable (ni assez con pour ça). Sans les marques sur la nuque de GiIda Marty, il aurait juré avoir rêvé.
Alors, apprendre qu'il aurait aimé cette femme, qu'il se serait battu avec Lucius Malefoy de manière beaucoup plus sérieuse que ce qu'il ne le pensait et que les blessures contractées par Gilda Marty viendraient d'un maléfice de Bellatrix combiné à un des siens ? Impensable. Et dangereux.
Il n'a pas laissé Bellatrix arriver comme lui en haut de la tour. Si ce que dit Dumbledore est vrai, alors elle le perce à jour bien plus qu'il ne le croyait. La laisser le côtoyer au moment de la mort du vieil homme serait un pur suicide, d'ailleurs la laisser le côtoyer tout court.
Bellatrix serait-elle capable de discerner ses sentiments grâce à la legilimencie ? Que ferait-elle si ceux-ci fluctuaient et qu'elle s'en rendait compte ? Autant d'incertitudes qui rendent sa mission déjà périlleuse presque suicidaire.

Une goutte de sueur froide coule le long de sa tempe alors que le temps s'égraine et que Drago hésite. Pris de nausées, il espère jusqu'au bout, quoiqu'il sache très bien qu'il n'aura pas le choix. Dumbledore sait qu'il hésite.

De tout ce que peut dire Bellatrix, il y a au moins une chose de vraie : on ne peut utiliser un impardonnable sans vraiment le vouloir. Si Severus parvient à abattre celui qui est à la fois un ami et un père, c'est parce qu'au moment où Dumbledore le supplie, il ne désire plus qu'une chose : ne plus l'entendre parler.
Ce qui suit se déroule comme dans un rêve furtif : il fuit en emportant Drago, affronte Harry Potter et cela lui fait tout drôle, dépasse la limite magique et s'enfonce dans les bois. Lui et Drago ne s'arrêtent qu'après avoir transplanné sur une montagne voisine. Drago est terriblement pâle et ne peut s'empêcher se retourner en direction de l'école. Severus suit machinalement son regard et c'est là que tout bascule. Il se souvient et tout est pire qu'il ne l'avait imaginé.

Il revoit Gilda dans toute sa simplicité et son bon sens, Sebastian, Moon, il se revoit avec les gestes tendres qu'il a donnés et reçus.
L'aventure inexplicable de ces derniers mois prend maintenant tout son sens : Non, Gilda Marty n'est pas simplement une ancienne collègue tête brûlée avec laquelle il a entretenu une liaison sans réels sentiments ces derniers mois, contrairement à ce qu'il a cru. A présent l'attirance qu'il éprouve pour la jeune femme lui semble totalement naturelle et le fait que sa disparition un mois plus tôt l'ait ébranlé s'explique totalement.

Pendant les douze mois qui viennent de s'écouler, il a vécu comme un célibataire endurci s'octroyant quelques petits plaisirs de temps en temps avec une partenaire qui semblait suivre la même philosophie que lui. Il n'arrive pas à expliquer qu'il n'ait rien vu, même à travers l'esprit de la jeune femme alors qu'ils ont été extrêmement proches... En fait, n'a t-il vraiment rien vu ? Ou alors des bribes de souvenirs captés dans le vent ont passé pour des rêves chimériques...

A présent Gilda a disparu et ce n'est pas le fait du Seigneur des Ténèbres, plutôt un règlement de compte familial. Il sait qu'il ne peut plus rien pour elle, quand bien même elle serait encore en vie ce serait un coup à provoquer leur mort à tous les deux, et la victoire du Seigneur des Ténèbres.

Severus n'a pas le droit à l'erreur, aussi seul et désespéré soit-il. Il doit protéger Poudlard et Harry Potter, il doit même le conduire exactement là où il pourra être le plus déterminant dans la bataille contre le Seigneur des Ténèbres.
Songer qu'il n'est qu'un pion et qu'il l'est en pleine connaissance de cause le révolte. Il sent la colère monter dans son esprit et ne trouve pour l'évacuer qu'un :

- « con de vioque... ».
- Pourquoi y a t-il des lumières dans la cour ? Lui demande Drago.
- Des Lumos on dirait.

Comment le sait-il ? Mystère et c'est sombrement qu'il se détourne du château.

- Partons Drago, je vais vous déposer chez vous.
- Vous ne restez pas ?
- Non, je ne tiens ni à être retrouvé, ni à vous mettre en danger.

Il tend son bras au jeune homme qui s'y accroche et ils disparaissent dans un crac sonore.

Severus et la rose blancheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant