Désertion massive

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Idiot et faible, voilà comment il s'était senti. Cornelius n'avait jamais rêvé d'être un héros, non. C'était un bon gestionnaire, bon père de famille qui menait ses petites affaires comme il l'entendait.

Naître dans une bonne lignée et un petit peu d'ambition l'avaient propulsé à un poste en vue au ministère, l'époque était alors sombre et on le dépréciait un peu moins que les autres.

Et puis il y avait eu la chute, cet Halloween 1981, le réveil soulagé de la communauté sorcière.

Un grand ménage par le vide s'était fait au ministère, une succession de scandales qui avaient écarté les candidats à la succession au poste suprême: Barty Croupton, Abraxas Malefoy...

Milicent Bagnold avait tenu plus d'années qu'elle ne l'aurait du, attendant désespérément un successeur digne de tenir dans ses mains la communauté magique. Las, la maladie avait fini par l'obliger à renoncer à ses fonctions.

Il ne restait alors plus que lui, bon papa un peu emprunté, mais au moins qualifié d'intègre. Le pouvoir lui faisait peur au début, il n'était pas sûr de lui, craignait les regards des autres.

Et puis, il y avait pris goût, comme à un venin d'ailleurs, il avait aimé se sentir puissant, respecté... Et pourtant tellement méprisé au fond...

L'épisode de la chambre des secrets l'avait mis à mal, le soutien de Malefoy était devenu suspect et le nom d'Albus Dumbledore s'était trouvé sur toutes les lèvres. Il avait récupéré un semblant de gloire en retrouvant sain et sauf Harry Potter, mais le garçon était à la botte du directeur de Poudlard, du moins c'est ce qu'il avait cru...

La cabale hétéro-chromatique, haute en couleurs n'aurait décidément pas convenu à qualifier ce procédé à la fois criant et sinistre, qu'il avait déclenché contre le survivant avait dépassé ses espérances les plus folles. Le monde sorcier s'y était plié avec une facilité déconcertante. Il se sentait alors tout-puissant.

Mais sa bêtise lui avait fait fermer les yeux durant une précieuse année, il avait gâché ce temps capital et le réveil n'en avait été que plus dur. Il avait du démissionner du poste suprême.

Son successeur n'était pas tout blanc, loin s'en fallait, mais au moins s'était-il montré un peu plus courageux que lui, même s'il n'avait jamais percé le secret de l'élu.

Quand Scrimgeour était tombé, Fudge avait eu la certitude d'avoir lui-même planté un poignard dans le dos de la société sorcière, en fragilisant l'élu et le plus grand sorcier de tous les temps par cette campagne ignominieuse dont il était l'auteur. C'était incontestablement la pire décision qu'il ait prise dans sa vie.

Mais à présent, fini de pleurer sur son sort, le temps de l'action était venu.

Dolores Ombrage n'eut que le temps de le voir pointer sa baguette dans sa direction. Le premier sortilège la désarma par surprise, le second la projeta par la fenêtre de son bureau dans un fracas de vitres brisées.

Fudge avait décidé de couvrir la fuite des autres après sa découverte. Il n'aurait pu assumer de débarquer chez le frère de Dumbledore en personne, c'était beaucoup trop pour son orgueil.

Son épouse Filia passa devant lui et s'engouffra la première dans la cheminée du bureau :

- La Tête de Sanglier ! Cria t-elle, tandis que son mari jetait un sortilège d'impassibilité sur la porte du bureau.

Percy Weasley, Augustus Pye, Joan Edgecombe, Doris Crockford, Tiberius Ogden et Mafalda Hopkrik se jetaient à présent tour à tour dans la cheminée.

Leur plan d'évasion se basait sur le fait que la cheminée de Dolorès Ombrage n'était pas surveillée par le ministère de la magie, en raison de son grade élevé. C'était donc un des seuls moyens qu'ils avaient de rejoindre Poudlard sans trahir la position du dernier passage secret que Cornelius était sûr d'avoir découvert. Il avait en effet fait directement le lien entre les manifestations magiques de Pré-au-Lard qui s'étaient produites durant les dernières semaines, et Abelforth Dumbledore, même s'il s'était bien gardé de faire part à qui que ce soit de ces découvertes et avait même fait disparaître plusieurs dossiers d'information sur l'homme.

Entre-temps, il avait rejoint avec l'aide de Percy Weasley le réseau de résistance constitué par Mafalda Hopkrik depuis quelques mois. Ne supportant plus de participer à la chasse aux nés-moldus, elle avait en effet entrepris de dissimuler certaines informations au ministère en les retirant des dossiers à posteriori, voire quand elle le pouvait, en omettant de les noter. Les autres membres, tous impliqués de près ou de loin dans la dite-chasse se couvraient les uns les autres jusqu'à ce que l'un des leurs, le vieux Perkins, soit arrêté et jeté à Azkaban trois semaines plus tôt. Ils avaient attendu dans l'angoisse que le couperet tombe sur eux aussi, avant d'apprendre avec un mélange d'horreur et de soulagement que leur vieil allié avait passé l'arme à gauche sans lâcher aucune information, prétendant jusqu'à la fin avoir agi seul et donnant l'impression de l'avoir fait « pour la gloire ».

Et la nouvelle de la sécession de Poudlard, arrivée dans l'après-midi, les avait décidé à fuir dans les plus brefs délais, mais non sans d'abord faire du dégât au ministère.

Le bruit d'une course effrénée avertit soudain Cornelius que les aurors étaient en train de gagner l'étage pour les appréhender. Depuis le bureau de ce crapaud ambitieux qu'était Ombrage, sa baguette cingla l'air et le sortilège percuta une colonne du couloir. Celle-ci s'effondra sur les partisans des Mangemorts qui tournaient juste à l'angle avec un bruit sinistre.

Il ne savait pas combien il en avait touché, il ne voulait pas le savoir, tout ce qu'il voulait, c'était que cette folie s'arrête enfin. Un regard en arrière, sur la cheminée, faillit lui coûter sa propre vie car un éclair vert le frôla. Mais il ranima la révolte qui brûlait dans son cœur depuis des mois et il attaqua de plus belle tout en reculant et barricadant la porte derrière laquelle il ne restait plus que Tiberius et Mafalda.

Avec cette dernière, ils avaient convenu sans rien dire aux autres, qui s'y seraient opposés, d'un plan d'action qui faisait froid dans le dos, mais qui était le seul à pouvoir assurer que leur fuite ne laisse aucune trace.

Cornelius savait déjà qu'il ne sortirait pas vivant de cette soirée. Les partisans de Voldemort qui avaient survécu à la chute de la colonne se regroupèrent autour de lui de manière à l'abattre en coordonnant leur attaque : ils étaient bien trop nombreux et le terrasseraient sans problème une fois réorganisés.

Deux maléfices fusèrent et il les para avec difficulté. Dawlish lui cria :

- Rendez-vous Cornelius ! Première et dernière sommation !

Le ronflement et la chaleur qui émanait du bureau lui appris que le plan de Mafalda avait fonctionné. Il espérait juste qu'elle-même n'y soit pas passée. Ce n'était plus qu'une question de secondes avant que...

La porte du bureau d'Ombrage vola en éclat, l'effet de blast jetant tout le monde à terre et le Feudeymon conjuré par la greffière ravagea le couloir, tuant tous ses occupants en quelques secondes, Cornelius le premier.

Severus et la rose blancheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant