Nouvelles effroyables

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Gilda se levait toujours la première. La vie était devenue horrible.
Bien sûr, elle savait que cela irait de mal en pis en acceptant d'épouser Ignacius. Seule sa promesse de protéger son secret l'avait décidée à se sacrifier.
Pourtant, rien n'aurait pu la préparer à ce qu'elle subissait tous les jours. Et chaque soir en s'effondrant sur le lit, elle espérait ne pas se réveiller.
Sa cicatrice au cou ne se rouvrait plus, cependant elle chauffait régulièrement et des visions se mettaient alors à l'assaillir. Souvent des événements horribles survenus dans son enfance ou d'autres scènes d'horreur. Certains faisaient partie de ses souvenirs, d'autres surgissaient d'on ne sait où. Durant ces moments, c'était comme si elle était victime d'une énorme migraine tout en voyant défiler les images. Ces crises se produisaient surtout lorsque la famille d'Ignacius arrivait au château, peu avant ou la nuit suivante.

Dans cette famille, la matriarche Nephtis Malefoy était tout sauf engageante. La première fois que Gilda avait rencontré sa belle-mère, celle-ci l'avait injuriée en langage soutenu durant tout un repas.
Afin de ne pas l'entendre, la jeune femme avait pris l'habitude de penser à ses enfants ou à Severus lorsqu'elle se trouvait en sa présence. Ses souvenirs aidant, elle en venait à ne même plus répondre à Nephtis lorsque celle-ci la questionnait ou la sollicitait.
A présent, si sa belle-mère s'avisait de mal lui parler, Gilda ne répondait plus rien et l'ignorait totalement si elle insistait. Faire comme si la vieille femme n'était pas là était une des rares résistances qu'elle pouvait se permettre. Ignacius n'aurait pas toléré qu'elle réponde à sa mère sur le même ton, mais l'ignorer semblait un compromis raisonnable.
Outre sa mère et la famille de son frère, Ignacius avait une petite fille de sept ans : Eris. C'était une enfant aux cheveux noirs et à l'air intelligent, très perspicace sous ses dehors sages.

Eris et Gilda n'avaient pas le droit de se côtoyer sans surveillance, Ignacius craignant que le côté subversif de son épouse ne nuise à l'éducation de sa fille. La fillette commençait à manifester ses pouvoirs magiques et Gilda la soupçonnais de les contrôler mieux qu'elle ne l'affichait.
Nephtis était partout, sauf dans la chambre du couple. Elle venait quotidiennement au manoir, surtout lorsque Ignacius s'absentait, et imposait sa présence à sa bru.
Qu'à ne cela ne tienne, Gilda ne s'enfermait que plus souvent dans ses souvenirs. Elle s'étonnait d'ailleurs qu'on ne lui en tienne pas rigueur. N'importe qui aurait du pouvoir lire dans son esprit et penser à ses enfants ou à Severus aurait dû lui valoir de sacrés ennuis.

D'ailleurs, pourquoi pensait-elle à Severus après ce qu'il avait fait à l'Ordre ? Et pourquoi se laissait-elle flotter ainsi, prise dans des pensées et des rêveries sans aucun sens ?
Gilda le savait : elle n'était pas d'un naturel mélancolique et préférait largement l'action. Pourtant, l'impuissance qui la rongeait depuis plusieurs semaines semblait changer son caractère de manière totalement irrémédiable.
Dans le château, il n'y avait qu'un être avec qui elle s'entendait à peu près : Jaody, l'elfe personnel d'Ignacius. C'était une créature fine et intelligente qui avait gagné l'estime de son maître.
Ignacius le respectait beaucoup plus que les sang-purs n'avaient l'habitude de le faire avec leurs elfes. Jaody était d'ailleurs chargé d'une mission de confiance : surveiller Gilda mais également lui tenir compagnie. La jeune femme s'y était résignée et appréciait l'elfe. Elle s'étonnait simplement de le voir lui apporter très souvent de la lecture et la conseiller de manière très pertinente sur les chapitres intéressants de tel ou tel ouvrage.
Chose plus troublante encore, la plupart de ces lectures portaient sur la légilimencie, l'occlumencie ou la divination.

- Est-ce Ignacius qui te demande de me divertir ainsi ? Demanda t-elle au bout de deux semaines de lectures quotidiennes.

Jaody lui répondit sur un ton égal :
- Non maîtresse, mais je pense que ces lectures pourraient vous aider à mieux vous connaître.

Gilda ne comptait pas le laisser s'en tirer ainsi, elle poursuivit sur sa lancée :
- J'ai l'impression que tu essaies de me faire passer un message quand tu m'apporte ce genre de livre, et je me demande bien pourquoi.
- Je n'ai rien à dire, se contenta de répondre l'elfe. Mais vous, vous avez de la lecture.

Restée seule, Gilda se pencha sur un premier livre traitant d'occlumencie. Étrange qu'Ignacius possède cela dans sa bibliothèque, au vu de son orientation politique. L'ouvrage était très récent et reprenait une théorie considérée comme fantaisiste il y avait encore quelques années. Cependant, Gilda avait de bonnes raisons de croire qu'il y avait du vrai à l'intérieur. Personne n'arrivait plus à pratiquer la légilimencie sur elle. Se pouvait-il vraiment que les modifications de mémoire qu'elle avait subies aient provoqué une immunisation contre la légilimencie ? Cela expliquerait que personne ne la réprimande pour sa manière de « s'évader ». Et également la contrariété de Bellatrix lorsqu'elle avait essayé de pénétrer son esprit.

Quoiqu'il en soit, Gilda resta plus d'une heure à lire l'ouvrage. Alors qu'elle venait de terminer un chapitre, sa blessure commença à chauffer désagréablement. En même temps, elle entendit plusieurs « crac ! » sonores en bas dans la cour et la voix de Bellatrix résonna.
N'y tenant plus, Gilda enfila une large et épaisse veste de laine grise, puis descendit en catimini se cacher dans l'entrée de service du salon. Espionner les conversations des mangemorts était également devenu une activité privilégiée depuis la chute du ministère. Elle avait déjà récolté ainsi plusieurs informations qu'elle avait transmises à ses anciens élèves par l'intermédiaire de leur gallion d'or. La plus cruciale avait probablement été celle concernant la mise en place imminente d'un statut du sang, évitant ainsi à plusieurs élèves de se retrouver piégés dans le train et expédiés à Azkaban.
Le « merci professeur Marty, vous nous avez sauvé la vie » de Colin Crivey lui avait réchauffé le cœur pendant plusieurs jours.
A présent blottie dans un renfoncement de l'entrée de service, Gilda écoutait une conversation entre Bellatrix, Rabastan, Lucius et Ignacius. A priori, rien de bien intéressant si ce n'est le récit de la tentative infructueuse de tuer Harry lors de son transfert par Bellatrix.
- Le maître était dans une colère terrible, je sais que je n'aurais pas du mais...

La blessure de Gilda se mit soudain à chauffer au rouge et un souvenir qui n'était pas le sien défila devant ses yeux. Elle dut se faire violence pour ne pas s'effondrer et trahir ainsi sa cachette.

« - Il est mort Bella.

Bellatrix se rapprocha du cadavre brisé qui gisait sur le sol. Elle avait de toute façon perdu tout espoir de revoir Rodolphus vivant, dès l'instant où il avait basculé dans le vide, frappé de plein fouet par le maléfice d'un Harry Potter. Elle n'avait pas pu le rattraper, s'étant trop éloignée de lui car elle poursuivait la Tonks.
Elle s'assit près de lui, ignorant la présence de Lucius et Travers, et fit disparaître d'un coup de baguette les gouttes de sang qui maculaient son corps tout entier.
En vérité, elle se sentait complètement vidée, après le violent combat contre l'Ordre du Phoenix cela faisait des heures qu'ils sillonnaient la campagne à la recherche de Rodolphus. Entre-temps, plusieurs mangemorts s'étaient arrêtés près du cadavre de Maugrey Fol-Oeil et, tels des vautours, s'acharnaient sur leur proie à présent inoffensive.
Bellatrix haïssait Fol-Oeil autant qu'elle l'estimait: c'était un auror puissant et coriace. Aussi, jamais elle n'aurait pu faire de telles choses à son cadavre, c'était la lutte à mort et point final.

Elle ne savait pas vraiment quoi faire à présent, ni ce qu'elle ressentait. Elle n'avait jamais éprouvé pour Rodolphus qu'une amitié sincère et un profond sentiment de respect.
Un puissant claquement de cape se fit entendre derrière eux mais elle n'y prêta aucune attention, à la différence de Lucius et Travers qui s'inclinèrent immédiatement devant le Seigneur des Ténèbres.
Bellatrix n'ignorait pas qui venait d'arriver, seulement ce n'était pas le moment, quelque chose en elle venait de bloquer le processus classique de ses émotions. Elle n'éprouvait à ce moment aucun sentiment pour Lord Voldemort. Ni désir, ni dévotion, ni fanatisme, elle regrettait simplement Rodolphus, réalisant seconde après seconde ce qui venait de lui être arraché : son compagnon de toujours, le seul soutien qui l'avait gardée en vie à Azkaban, le seul qui s'intéressait un minimum à ce qu'elle pensait et ressentait.
Pas qu'ils aient vécu une histoire romantique, non. Ils avaient vaguement consommé leur mariage entre deux raids au service du maître, prenant plus d'intérêt dans des discussion passionnées sur le statut du sang ou dans des élaborations d'attaques, que dans une forme quelconque d'attirance charnelle.
Disons qu'ils avaient formé une équipe, polarisant autour d'eux plusieurs autres mangemorts. Ils s'étaient toujours respectés, toujours estimés et toujours entraidés, cela durait depuis que ces deux enfants trop matures avaient fait connaissance à la bibliothèque de Poudlard.
« Lève-toi Bella, et rejoins les autres ».
Le ton du Seigneur des Ténèbres n'admettait pas de réplique, Bellatrix savait que l'ordre signifiait : le maître contrarié laisserait son serviteur sans sépulture, à la merci des charognard, ou pire: des moldus.
Bloquant ses pensées, la mangemort fit mine de s'appuyer sur le sol pour se relever, et déposa un baiser sur le front de son époux. Pensant être obéi, le Maître avait tourné les talons, il n'aurait pas le temps de réagir.
« Mosmordre ! » Hurla Bellatrix.
Et alors que la marque des ténèbres se déployait dans le ciel, et que Lord Voldemort, furieux, se retournait, Bellatrix pointait sa baguette sur le corps de Rodolphus qui s'embrasa aussitôt, avec des flammes de la taille d'un géant. splendide hyperbole flamboyant dans les ténèbres.
Elle n'eut pas toutefois le loisir d'admirer son œuvre, car un Doloris la projeta au sol et lui fit perdre toute notion du temps et de l'espace. »

- N'empêche qu'il aurait pu te tuer, disait à présent Lucius dans le salon.
- Inutile de rappeler cela à Bellatrix, elle le sait très bien.

La voix d'Ignacius acheva de ramener Gilda dans le monde présent. Il s'exprimait toujours de cette voix profonde lorsqu'il s'adressait à Bellatrix et Gilda avait découvert qu'il avait la faculté de la calmer, en dépit de leurs très nombreux différents.
- En attendant, répliqua simplement la mangemort. Rodolphus ne méritait pas de subir le sort d'un traître, point. La discussion est close. Mais si je pouvais seulement étrangler cette enflure de Rogue...
- Ne parle pas comme cela de lui ! Gronda Lucius. Cette discussion là aussi est close, il a fait ses preuves. Tu ne peux pas continuer à le dénigrer alors même qu'il a rempli cette mission capitale de tuer Dumbledore ! Et Sans lui je ne sais où Drago serait à présent.
- J'en parle comme je veux, répliqua Bellatrix. Même cela ne peut garantir sa loyauté à mon sens.
- Si tu le prends comme ça... Grommella Rabastan.
- Il y a du vrai dans ce que dit Bellatrix.

L'intervention d'Ignacius jetta un froid soudain :
- Je ne dis pas que tu as forcément raison, tempéra t-il. Mais un scénario n'impliquant pas sa loyauté est possible selon moi.
- Qu'est-ce que tu vas encore nous raconter ? S'agaça son frère.
- Je parle de sa blessure. Maléfice mortel contenu dans une partie du corps. Même soignée ainsi, la personne frappée a une espérance de vie de seulement quelques mois, un an pour un grand mage.
- Et ?
- Dumbledore se savait condamné de toute manière. Et s'il devait laisser derrière lui l'ordre du phœnix, il pouvait avoir besoin d'un agent double. De plus, s'il se savait à la fois visé par des complot et condamné à une mort dans d'affreuses souffrance, il aurait pu faire d'une pierre trois coups en commanditant son propre assassinat avec Severus.
- C'est un peu tiré par les cheveux ton truc. Râla Lucius.
- Mais pas à prendre à la légère, répliqua vertement Bellatrix. Je pense qu'il nous faut le surveiller de prêt.

Gilda se recroquevilla un peu plus dans sa cachette tandis que la migraine gagnait en intensité, malgré la colère qu'elle éprouvait à l'égard de Severus, la suspicion extrême de son mari et de Bellatrix lui paraissait à la fois grotesque et effroyable.
Lorsque se levèrent et qu'Ignacius les raccompagna dehors, Gilda put enfin se lever et regagner ses appartements. Elle se rassit et prit son livre mais ses yeux ne voyaient plus les lettres.
Elle avait mal partout et tout ce qu'elle venait d'entendre et de voir tourbillonnait dans sa tête : Bellatrix Lestrange avait défié les Seigneur des Ténèbres pour enterrer (incinérer plutôt) dignement son mari ? Cela semblait complètement fou. Et nombre de mangemorts soupçonnaient encore Severus de traîtrise malgré les apparences ? Songeant qu'elle n'avait de toute manière aucune information intéressante à transmettre à l'AD, Gilda alla s'allonger, espérant que la migraine passe. Moins d'une heure plus tard, ce fut cependant son propre gallion qui chauffa. La lecture du message défilant lui arracha un cri d'horreur :
« Professeur Marty, vos enfants sont sur une liste des jugements du Magenmagot, au courant? »
Gilda avait l'impression de soudainement manquer d'air. Elle étouffa un hurlement en se mordant la main jusqu'au sang. Dans sa panique, elle ne vit pas Ignacius entrer dans la pièce.

Severus et la rose blancheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant