Le patronus

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Potter se tenait devant lui, le regard abattu et serrant toujours dans sa main le flacon vide qui avait contenu ses souvenirs. On aurait dit un vieil homme brisé et son visage blême laissait apparaître ses veines. Il avait la respiration haletante et rien ne pouvait dissimuler l'angoisse qui achevait de s'emparer de lui, pourtant aucune colère ne se lisait dans son regard lorsque celui-ci croisa celui de Severus.

Ils restèrent silencieux à se regarder l'un l'autre durant plusieurs secondes. La tension entre eux était si forte que l'air paraissait chargé d'électricité. Potter semblait avoir envie de dire quelque-chose mais sans le pouvoir, et Severus sentait lui-même sa gorge se nouer au fur et à mesure que le temps passait.

Au delà de la révélation terrible qu'il avait du faire au survivant, il s'était pour la première fois livré sur ses sentiments, et de la plus crue des manières lui semblait-il.

Mais cela n'était rien face au choc que le garçon venait d'encaisser et il le savait très bien :

- Est-ce que ça va aller Potter ? S'entendit-il murmurer, presque avec compassion.

Mais, par Merlin, qu'il était bête aujourd'hui ! Bien sûr que non, cela ne risquait pas d'aller ! Comment avait-il même pu poser cette question ?

- Oui, répondit le garçon dans un murmure. Je... Je dois y aller donc.

La voix tremblait, cassée et presque privée de timbre. Pourtant Severus y sentait une froide détermination et une résignation qu'il ne pouvait s'empêcher d'admirer :

- Courage, dit-il doucement à l'adolescent.

Ces mots lui semblèrent aussitôt complètement ridicules, creux et presque hypocrites dans le contexte. Il les regretta immédiatement :

- Professeur, lui répondit Potter qui cherchait visiblement à reprendre contenance. Il y a une dernière question que j'aimerais bien vous poser...

Severus lui renvoya un regard qu'il essaya de ne pas rendre trop dur, bien qu'il redoute ce que Potter s'apprêtait à lui dire en cet instant.

Toutefois, les paroles de l'adolescent l'étonnèrent encore plus que ce qu'il ne pensait :

- Pardonnez-moi, mais... Comment se fait-il que votre patronus soit encore une biche, comme celui de ma mère... Alors que vous et Mrs Marty... ?

Severus écarquilla les yeux, complètement abasourdi par le côté incongru d'une telle demande en de pareilles circonstances, et contrarié par la gêne profonde qu'il éprouvait soudain à devoir expliquer sa vie affective à un ancien élève, pas n'importe lequel en plus :

- Vous avez décidé de mourir Potter, répondit-il d'une voix blanche. Et la seule chose que vous me demandez... c'est cela ?

L'adolescent acquiesça et poursuivit d'une voix plus assurée :

- Oui, professeur. Comme Dumbledore, j'ai une dernière faveur à vous demander et c'est celle-ci. Et, dans l'affaire qui nous occupe, ce n'est pas si décalé...

Severus comprit, Potter avait encore du mal à le croire.

Bien qu'à ce moment, cela soit particulièrement problématique, il ne pouvait que le comprendre et même l'approuver. Lui-même se souvenait de sa propre colère lorsqu'il avait appris le point final du plan de Dumbledore. Alors, le premier concerné avait bien le droit (ainsi que le devoir!) de douter et Severus ne songea pas un seul instant à le blâmer. Au contraire, il répondit sur un ton presque paternel :

- J'imagine que je vous la dois alors, cette explication. Mon patronus était une biche jusqu'à il y a environ deux mois. Je... J'ai aimé votre mère durant des années, c'était quelque-chose de puissant, terriblement puissant, suffisamment en tout cas pour me servir de motivation à combattre le Seigneur des Ténèbres quand bien même mes sentiments évoluaient doucement. Cependant lorsque j'ai choisi de sauver Mrs Marty du manoir Dolohov. J'ai clairement dévié du plan de Dumbledore et pris le risque de le mettre en péril. Mon patronus a donc changé. Maintenant c'est un...

Gêné et incapable de le dire sans éclater d'un rire qui n'aurait rien de délicat, Severus fit tournoyer sa baguette et Potter resta bouche bée lorsque la lumière apparut, avant de s'écrier :

- Votre patronus... C'est un âne ?

La situation virait totalement au tragi-comique et Severus se sentait de plus en plus ridicule. Soupirant, il répondit de la voix la plus neutre possible :

- C'est un mulet Potter. Et laissez-moi vous dire qu'aucun autre animal ne saurait convenir mieux à Mrs Marty. Si la situation n'était pas si grave, j'en rirais même.

Il avait prononcé ces paroles d'une voix tendre quoi que pince-sans-rire et Harry esquissa un pauvre sourire. Severus lui demanda :

- Que décidez-vous Potter ?

- A votre avis ? Répliqua le jeune homme soudain abattu et le maître des potions regretta aussitôt d'avoir posé cette question indélicate.

- Personne ne peut choisir pour vous une option Potter, répliqua Severus. Vous avez le droit et le devoir de faire votre choix seul.

Et sur ces mots, il quitta le bureau sans se retourner. Il ne pouvait tout simplement pas rester là à attendre que Potter se décide, il n'en avait pas le droit. Autrement, autant l'attacher comme un saucisson et l'amener directement au Seigneur des Ténèbres.

Si le garçon flanchait, Severus savait qu'ils n'auraient aucune chance et tout serait à refaire. Mais il ne pouvait tout simplement pas aller plus loin. Il avait délivré le message qu'il devait délivrer, le reste était dans les mains du destin.

Ou peut-être était-ce sa lâcheté. Est-ce qu'il n'aurait pas tout simplement du livrer Potter au Seigneur des Ténèbres ? Lancer au garçon un puissant sortilège d'Imperium ou de confusion et l'amener à pénétrer dans cette forêt ?

Non, ceci était largement au-delà de ses forces.

Maudissant son manque de poigne, il s'engagea dans le couloir et direction de la Grande Salle, d'où il comptait donner les consignes pour l'affrontement final avant de retourner dans la Tour d'astronomie. Une détermination nouvelle l'animait, il vaincrait le Seigneur des Ténèbres et n'aurait pas de repos avant de l'avoir vu disparaître.

Comme il venait de descendre un escalier, un bruit de pas légers le fit se retourner et tomber aussitôt nez à nez avec Padma et Parvati en larmes :

- Que se passe t-il ? Leur demanda t-il alarmé, que ce soit par leur mine bouleversée ou par l'absence de Lavande à leurs côtés.

Un cube de glace se formait dans sa poitrine à l'idée de ce qui aurait pu arriver à la jeune fille qu'ils n'avaient pas revue après qu'il l'ait lui-même envoyé demander du renfort à Kingsley.

- On l'a retrouvée... Bredouilla Parvati. Mais elle a été mordue par Greyback... Mme Pomfresh vous fait dire qu'elle a besoin de vous en urgence dans la Grande Salle... Il y a des corps partout.

Severus n'en écouta pas plus, il accéléra le pas. Par Merlin, comment pouvait-il se permettre de s'abîmer dans des réflexions mélancoliques alors que le château et les élèves qu'il s'était engagé à protéger, était à feu et à sang ?

Il avait tout simplement l'impression de ne pas avoir assez de lui-même pour tout faire.

Severus et la rose blancheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant