Ignacius prend les choses en main

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« Professeur Marty, vos enfants sont sur une liste des jugements du Magenmagot, au courant? »
Gilda avait l'impression de soudainement manquer d'air. Elle étouffa un hurlement en se mordant la main jusqu'au sang. Dans sa panique, elle ne vit pas Ignacius entrer dans la pièce.

Ayant pris connaissance de la situation Ignacius l'avait fermement enjointe au calme, après avoir amorti sa chute sur le plancher et l'avoir ramenée à elle au moyen d'une vigoureuse paire de gifles. Cependant Gilda semblait extrêmement déterminée à mener sa propre guerre. Il avait fallu tout le sens diplomate d'Ignacius, assorti à quelques maléfices d'entrave pour la faire tenir tranquille.

Quelques heures après cet entretien, Ignacius partit en annonçant qu'il resterait absent pour le reste de la journée car il avait fort à faire, mais Gilda ne put en profiter pour s'échapper car Jaody remplit consciencieusement ses devoirs en ne lui ménageant aucune issue et en ne la quittant pas des yeux.
Elle était bel et bien coincée au château et devait s'y faire, mais l'idée même que ses enfants se trouvent entre les griffes des rafleurs et qu'elle reste impuissante était si insupportable qu'une violente migraine la terrassa en milieu de matinée. Voyant son état, Eris lui conseilla d'aller s'allonger mais la jeune femme refusa et s'assit sur une chaise du salon. Sa tête brûlait et la vision de son œil gauche en était altérée, il fallait qu'elle le ferme pour y voir.
Pouvait-elle agir d'une manière ou d'une autre? Rien n'était moins sûr, elle envisagea d'écrire à quelqu'un d'influent, mais à qui?
Ses parents refuseraient d'intervenir comme tout le reste de sa famille, ses collègues de Poudlard ne pourraient rien faire... à moins que...
Non, Severus était un mangemort, jamais il ne l'aiderait. Il les avait tous trahis quelques mois auparavant et devait même l'avoir totalement oubliée à l'heure actuelle. Gilda se demandait encore comment elle avait pu en venir à s'attacher à lui, et pourquoi il lui arrivait encore de rêver de le revoir...
Elle ne pouvait vraiment rien faire et lorsqu'à onze heure, le maître de musique d'Eris se présenta à la porte du manoir, elle dut se faire violence pour se lever. Le vieil homme la salua avec une amabilité tellement surfaite qu'il en devenait grotesque, et Gilda répondit avec plus de froideur qu'elle ne l'aurait voulu.
En temps que belle-mère de la fillette, elle était tenue d'assister à toutes ses leçons: Littérature et histoire le lundi; danse et mathématique le mardi; chant, maintien et conversation le mercredi; piano le jeudi; magie théorique, équitation et récitation le vendredi. Le tout pouvait se révéler fort ennuyeux et il fallait de plus qu'elle veille au travail personnel d'Eris.

Gilda s'assit donc dans un fauteuil de la salle d'étude et attendit que les deux heures de cours veuillent bien passer, calculant le rapport qu'elle devrait faire à Ignacius le soir. Eris s'était très bien tenue, très peu de fausses notes aujourd'hui mais elle avait eu un peu de mal à se concentrer jusqu'à la fin.
Rien d'étonnant songea t-elle en son for intérieur, cette leçon était d'un ennui...

Une heure de l'après-midi arriva, et le repas avec ainsi que le début des cours de maintien qui dureraient tout le reste de la journée pour ne s'arrêter qu'après le repas du soir. Eris détestait ce moment-là et Gilda aussi car elle était sensée montrer l'exemple. La grand-mère Malefoy venait pour dîner ce jour-là et tout le monde devait alors suivre les plus strictes règles de politesse durant toute la demi-journée qu'elle passait au château. Nephtis détestait sa nouvelle bru plus que n'importe qui d'autre et Gilda était sans cesse rappelée à l'ordre ou insultée en langage soutenu.
- Votre colonne vertébrale pourrait être plus droite mon amie... Savez-vous que de mon temps on jugeait également le maintien d'une dame au faible bruit de ses couverts, ainsi qu'au fait qu'elle s'abstienne de manger gloutonnement.
- Du mien, on jugeait les gens à leurs véritables qualités. Finit par répliquer Gilda, à bout de nerfs et encouragée par l'absence d'Ignacius.

Outragée, la vieille femme se leva et quitta la table en jurant qu'elle s'entretiendrait avec son fils.
- Bon débarras, marmonna Gilda.

Malheureusement, Nephtis Malefoy finit par revenir et resta avec sa petite fille toute l'après-midi. Sa bru dut bien faire acte de présence malgré les élancements douloureux de son crâne. Normalement elle s'en tirait en brodant assise près de la cheminée, activité tout à fait acceptable pour une jeune femme de son rang. Mais ce jour-là, la migraine altérait tellement sa vue que cela devenait impossible, tout comme la lecture. Faute de mieux il ne lui restait plus qu'à faire semblant de se pencher sur un ouvrage tout en répondant d'une voix distraite aux joutes verbales de la grand-mère.
Lorsque celle-ci finit par s'agacer de sa « nonchalance », Gilda se fit cependant le plaisir d'une réponse à peine ambiguë :
- Il y a des maux qui ne touchent que les femmes bien que donnés par les hommes, belle-mère...

Nephtis écarquilla les yeux et sembla vouloir la questionner davantage, avant de se raviser car la conversation menaçait de toucher des domaines qu'il était inconvenant d'aborder devant une enfant. Aussi elle garda le silence tout le reste de l'après-midi s'abstint d'autres commentaires.


Ignacius de son côté jouait un jeu encore plus délicat. Il s'était fait conduire dans le quartier d'Azkaban réservé aux nés-moldus, quartier qui accueillait aussi bon nombre de cracmols et d'autres personnes dont le seul crime était d'avoir vécu à la mauvaise époque et au mauvais endroit. Ici, les prisonniers étaient regroupés en deux parties : hommes d'un côté, femmes et enfants de l'autre. C'est vers ce deuxième quartier qu'il se dirigea tandis que son cœur battait d'anxiété.
Le geôlier chargé de l'accompagner faisait preuve d'une froideur qui confinait à l'inhumanité. Il avait un visage dur et un regard insensible qui se teintait par instants de cruauté.
Ignacius n'avait guère eu de mal à faire entendre sa requête de pouvoir acheter une dizaine d'esclaves, nombre assez important pour dissimuler le vrai but de son action. Restait à espérer que les petits vivent encore, et rien n'était moins sûr. Il devait attendre l'appel de six heure pour en avoir le cœur net.
Lorsque l'heure sonna enfin, il attendait depuis près d'une demi-heure sur la place principale de la prison et le spectacle qu'il eut bientôt devant les yeux suffit à le bouleverser profondément. Environ un millier de femmes, de vieillards et d'enfants se pressaient sur la place pour se mettre en ordre le plus vite possible, tandis que des sorciers à l'allure cruelle parcouraient les rangs en frappant violemment les plus lents. L'appel commença, interminable pour les pauvres êtres obligés d'attendre debout dans le froid de l'île battue par les vents qui balayaient la Mer du Nord.

Ignacius cherchait désespérément des yeux ceux qu'il était venu chercher, mais il était trop éloigné pour distinguer les visages, en particulier ceux du fond. De plus il n'avait aperçu Sebastian et Moon qu'une seule fois et cela remontait à deux ans. En admettant qu'ils soient encore vivants il avait peu de chances de les reconnaître. À part cela, le seul élément à sa disposition était leur date d'arrivée qui remontait à un mois et les faisait situer entre les matricules 2230 et 2395. Les détenus étant rangés de gauche à droite, il lui fallait regarder à droite...
Il aperçut bientôt deux petites silhouettes au fond des rangs, dérisoirement fines et serrées l'une contre l'autre. Il s'agissait de deux enfants dont l'aîné semblait âgé de huit à dix ans et le plus petit (ou la plus petite) n'avait pas cinq ans et se blottissait contre l'autre.
Ignacius fit signe à un garde-chiourme de les lui amener, en effet il n'avait pas le droit d'aller dans les rangs.

Sebastian le reconnu le premier:
-Monsieur Malefoy... Murmura t-il d'une voix rauque qui sentait bien une bronchite.

La petite Moon, complètement terrifiée et tremblante de froid, se blottit un peu plus contre son frère. Et Ignacius de se demander par quel miracle ils avaient survécu jusqu'ici.
Il avait envie de vider sa fortune, de soustraire tous ces gens à leurs bourreaux, mais c'était impossible, alors qui emmener? Il y avait tant d'êtres à sauver...
Il fixa son choix sur les quinze plus jeunes enfants encore vivants dans cet enfer, ainsi qu'une femme hâve et épuisée. Oui, les plus jeunes car son entreprise demandait des personnes encore maléables pour les éduquer à la docilité. Et il souhaitait être prévenu de tout arrivage d'enfants de douze ans ou moins...

Lorsqu'il parvint devant les grilles de son manoir son plan était totalement forgé, il lui faudrait juste le secours de Gilda... Il allait créer une « école de domesticité pour sorciers de classe inférieure ou d'origines douteuses ». Il rachèterait ainsi la réputation de son épouse et ferait la paix avec sa conscience... D'une pierre deux coups. Il sortirait ainsi de cet enfer le plus grand nombre de personnes possible et... Est-ce qu'il le pouvait vraiment? Une autre idée germait dans sa tête....

Mais avant tout, il lui fallait organiser correctement l'arrivée de ces seize individus, ce matin-là il avait déjà chargé un elfe d'aménager deux combles dans l'aile droite, c'est là qu'il les fit conduire avant de se rendre lui-même dans la salle principale.
Gilda vint à sa rencontre lorsqu'il entra et le salua aussi courtoisement que cela lui était possible après la dispute qui les avait déchirés la veille. Elle avait l'air extrêmement fatiguée et anxieuse.
Ignacius adressa également un salut à sa mère et à sa fille puis demanda cérémonieusement à son épouse de le suivre au plus vite.
Hasard ou intuition salvatrice, Nephtis Malefoy ne releva ni ne demanda à en être.

Aussi il passa un bras autour des épaules de Gilda et traversa le hall avec elle pour gagner un escalier dérobé qui montait aux combles.
Lorsqu'ils furent parvenus à l'étage, il l'arrêta quelques instants et se tourna vers elle.
- Vous allez m'attendre ici quelques minutes, et je vous demande deux choses:
- Qu'est-ce qui se passe Ignacius? Demanda Gilda.
- Premièrement, lorsque je reviens je veux que vous restiez extrêmement discrète et je ne veux pas d'émotions excessives. Et deuxièmement, j'attends que vous m'obéissiez ensuite au doigt et à l'œil.
- Mais...
- Avez-vous compris?

Gilda l'observait, interloquée et presque furieuse mais elle finit par hocher la tête à l'affirmative, Ignacius monta dans les étages supérieurs. Lorsqu'il parvint aux combles, un elfe nommé Chanaël l'accueillit avec une courbette cérémonieuse.

- Maître, les humains sont presque installés, la plus âgée finit d'aider les plus jeunes.
- Sont-ils en bonne santé? Demanda Ignacius, ou y en a t-il de malades?

L'elfe fronça le nez avec une vague contrariété et répondit d'une voix prudente:
- Mal nourris et transis de froid maître Ignacius, ils sont très fatigués pour la plupart, mais aucun n'a de maladie grave, à part des rhumes et des bronchites.
- Occupe-toi alors de les soigner, tu donneras un remède à ceux qui en ont besoin, laisse-les se coucher et donne-leur jusqu'à demain huit heure. Si certains deviennent très malades, prévient-moi!

L'elfe hocha la tête et Ignacius poussa la porte du comble où dormaient les huit garçons, Sebastian était parmi eux, assis pensif sur son lit de camp. Il comptait parmi les plus âgés des garçons, Ignacius entra dans la pièce et tous se figèrent. Il fit signe à l'aîné du groupe:
- Toi! Dit-il, comment t'appelles-tu?

Le petit brun qui pouvait avoir onze ans au maximum répondit d'une voix un peu tremblante.
- Marc Monsieur...
- Très bien Marc, tu vas aller aider Chanaël à porter le repas.

L'enfant hocha la tête et sortit, Ignacius fit signe à l'elfe de ne pas emprunter l'escalier par lequel lui était venu. Il fit mine de chercher quelques instants et désigna Sébastian:
- Toi là-bas! Tu as fini de t'installer?

Sebastian se leva et fit signe que oui.
- Alors tu viens avec moi... Et toi avec le pull-over bleu ciel, tu descends en suivant l'elfe qui vient de partir. Il y a un tas de bûches en bas, tu en prendras trois pour alimenter le feu la nuit.

Il ajouta à l'adresse des deux appelés:
- Vos noms?
- Jonathan, répondit le garçonnet au pull-over bleu ciel.
- Sebastian, ajouta le fils de Gilda comme s'il ne le connaissait pas déjà.
- Bien.

Ignacius passa dans le comble réservé aux filles suivit de Sebastian qui l'attendit à la porte. Sur les sept fillettes, seules deux avaient plus de sept ans et l'aînée n'en avait pas neuf. Deux étaient plus jeunes que Moon à qui il fit signe de le suivre.
La fillette courut se réfugier dans les bras de son frère et pleura, ce qui fit également pleurer deux autres gamines par contagion. Ignacius soupira et ordonna aux deux enfants Marty de le suivre tout en adressant un regard à la femme qui était aussi dans la pièce. Maigre et frigorifiée encore, elle portait une longue robe bleue plus qu'usée et par dessus, un châle troué d'une couleur brune-grise, elle pouvait être un peu plus jeune que lui mais ses traits tirés par l'épuisement lui faisaient gagner dix ans... Toutefois elle se leva courageusement et alla consoler les deux petites pendant qu'Ignacius se retirait en compagnie de Moon et Sebastian qui le suivirent silencieusement. Il les précéda dans l'escalier.

Gilda s'était appuyée sur une balustrade et leva les yeux vers lui avec un regard interrogateur, avant de se figer brusquement. Ignacius s'écarta pour laisser passer Moon et Sebastian devant lui...


La nuit sembla courte à Ignacius et lorsqu'il se réveilla il lui sembla n'avoir dormi que quelques minutes. Une fois n'est pas coutume, il avait dormi d'un trait malgré l'agitation de la soirée, toutefois l'aube pointait à peine. Il jeta un regard à Gilda, encore endormie près de lui, son visage était soucieux jusque dans le sommeil mais il était fort peu probable que cela la réveille immédiatement. L'émotion l'avait terrassée en fin de soirée et il avait véritablement craint une dégradation de son état de santé. Cela aurait été d'autant plus dramatique que Nephtis venait juste d'être mise au courant et, pour une fois, avait tenu sur sa bru des propos indulgents.

Ignacius lui caressa doucement le visage et elle frissonna sans s'éveiller, il ramena les draps sur ses épaules et se leva le plus silencieusement possible. Lorsqu'il se fut habillé, coiffé et rasé, il appela un elfe à qui il demanda comment les nouveaux arrivants avaient passé la nuit:
- Pas de problème majeur. Ils sont en train de se réveiller maître. Et les plus matinaux se préparent avec les vêtements que votre mère à cousu hier soir pour eux.
- Très bien, tu les feras descendre aux cuisines pour huit heure. Déjeuner puis je viendrais moi-même leur donner mes premiers ordres.

Derrière lui, Gilda remua et se redressa avec peine.
- Je viens aussi, dit-elle d'une voix douce mais ferme. Il est temps que je prenne part à ce plan d'envergure.
- Vous êtes très pâle, lui fit remarquer l'elfe.
- Je suis toujours pâle lorsque je me lève tard, répliqua t-elle.
- Il n'est pas sept heure, lui fit remarquer Ignacius. Et votre état doit vous inciter à la prudence, surtout à présent que notre famille a été mise au courant.
- Je me sens parfaitement bien. Je viens.

Gilda avait prononcé ces mots sur un ton qui n'admettait pas de réplique.

Severus et la rose blancheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant