Fin de résistance

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Note: Nous sommes presque un ans après le dernier chapitre.

Elle ne sait pas comment elle en est arrivée là. Devant elle, les centaines de personnes qui l'ont écoutée dans un quasi-silence lui semblent totalement irréelles. Ces derniers mois, sa notoriété a connu une envolée extraordinaire et cela fait longtemps qu'elle n'a plus croisé ces regards poliment ironiques qu'elle avait l'habitude de susciter.

Il y a au moins cinq cents personnes dans cette pièce : cinq cents sorciers, sorcières ou moldus qui leurs sont proches pour telle ou telle raison. Cinq cents visages qui l'observent avec gravité et qui l'ont écoutée, littéralement suspendus à ses lèvres au milieu de cette lande écossaise en ce soir de juin. Jamais elle n'a été aussi célèbre, influente, respectée.

Pourtant, elle sait. Ses heures sont comptées. Une attaque lors de sa dernière conférence a échoué, la seconde lui sera probablement fatale. Pourtant l'audience est toujours plus nombreuse, donnant l'illusion que la peur n'existe pas.
Elle croise le regard tendu de Charity, sa cointervenante. Derrière la fine silhouette du professeur d'étude des moldus, leur sloggan semble un peu sinistre : « L'Homme est l'Homme, peu importe ses facultés ». Paradoxalement, elle avait peu discuté avec Charity avant de quitter Poudlard. Ce n'est qu'au moment de son départ que l'enseignante l'a prise à part. Gilda a d'abord cru à un stratagème de Dumbledore pour la retenir. Mais la passion de Charity pour les moldus est sincère et son histoire touchante.

Charity vient d'une famille de sang purs assez conservatrice. Mais, elle le dit elle-même : quand on dit sang pur, c'est à peu près.
En fait, Charity a été élevée dans ces idées conservatrices mais son absence de pouvoirs avant l'âge de douze ans a conduit sa famille à la confier à un internat moldu dès ses dix ans. Elle le dit elle-même : arriver là-bas avec un mélange de mépris et de colère (mépris pour ses camarades et colère d'être privée de ce qu'elle croyait un dû) ne l'a pas arrangée.
Plus intéressant encore : Charity croyait à cette idée qui recommence à circuler au ministère et dans le monde des sorciers, selon laquelle les sorciers nés-moldus auraient volé leurs pouvoirs à de jeunes sorciers. Elle attribuait son statut de cracmol à cela. Pourtant, elle a fini par devenir amis avec eux et par apprendre à les connaître. Lorsque ses pouvoirs se sont révélés, deux ans plus tard, partir à Poudlard a été un véritable déchirement.

Gilda frémit : Charity a payé au centuple son engagement pour la tolérance. Son mari a été tué pendant la première guerre contre Voldemort, son fils lui a tourné le dos car « il a honte qu'elle se donne en spectacle » et elle a aussi reçu des menaces. Gilda remarque qu'elle semble profondément troublée, comme si quelque chose qu'elle venait de voir l'avait destabilisée.
L'assistance commence à transplaner, quelques personnes viennent les féliciter pour « leur parole courageuse », « leur analyse profonde »... Ou d'autres. Elles savent aussi que certains sont juste là pour espionner, ridiculiser, bâtir un contre-discours... Ou pire. Les protections dont elles sont entourées ne sont pas infaillibles. La nouvelle chaîne de radio animée par les frères Weasley sur les fonds de leur commerce a popularisé leur discours, et a fait d'elles des cibles de choix.

Gilda profite d'un intermède pour glisser à Charity :
- Tu as l'air tendue, quelque chose ne va pas ?
- Mon fils est là... Murmure l'enseignante. Je... Je crois qu'il veut que me voir.

En effet, un jeune homme regarde Charity avec insistance. La protection du lieu empêche l'usage de Polynectar, une idée de Dumbledore. Mais Gilda ne peut s'empêcher d'avoir un pressentiment.

- Tu veux que je t'accompagne ?
- Non, s'il veut me voir, qu'il vienne.

La voix de Charity sonne avec une dureté qui rassure un peu Gilda : sans oser se l'avouer, elle éprouvait une véritable répugnance à approcher ce garçon qu'elle observe à la dérobée. Un détail attire son attention : ce type est au centre d'un groupe d'autres garçons de son âge, il parle de temps en temps à l'un et lui jette un regard entendu, généralement suivi du départ de la personne en question. Quelque chose est en train de se passer, elle en est sûre à présent.

Elle se retourne vers Dawlish pour l'alerter, mais celui-ci a disparu. Son cœur s'emballe lorsqu'elle comprend qu'il est trop tard pour sauver la situation. Des cris retentissent. A côté d'elle, Charity hurle à l'assistance :

- Fuyez ! Fuyez tous, vite !

Ce qui suit est trop précipité et confus pour qu'elle comprenne : explosions, hurlements. Puis une pression sur le bras et elle se sent aspirée dans un tourbillon avant de tomber brutalement sur un sol dallé :

- Charity ?! Hurle t-elle avec effroi.

Et puis elle reconnaît les lieux et une goutte froide de sueur glisse le long de son dos. Un rire retentit derrière elle.

- Ne compte pas sur elle, le Seigneur des Ténèbres s'en occupera personnellement.

Gilda se retourne et lève les mains en évidence devant la sorcière qui la tient en joue. Bellatrix a un rictus et prononce d'une voix à peine audible la formule fatidique:

- Endoloris!

Gilda tombe en hurlant sur le sol de pierre, la douleur est telle qu'il lui semble être enfermée dans son propre corps. Sa peau brûle et la douleur explose dans sa colonne vertébrale. Va t-elle devenir folle? Ou mourir?
Mais Bellatrix s'arrête aussi soudainement qu'elle a commencé et la douleur refflue. Gilda ne met guère longtemps à comprendre. Des picotements dans sa nuque et sa tête qui tourne lui indiquent que le sortilège retors se réactive, lorsqu'elle passe la main dans son cou, celle-ci s'humidifie de sang.

En face d'elle, Bellatrix semble fortement contrariée. Visiblement le contrôle du maléfice lui échappe et elle n'est plus en mesure de torturer Gilda sans la blesser. La mangemort s'est elle-même sabotée. La jeune femme ne peut contenir un sourire victorieux :

- C'est clair que ça ne va pas être pratique...

Elle sait très bien qu'elle est totalement folle de dire cela, mais narguer Bellatrix est tout ce qui lui reste à présent. Et en la mettant en colère, elle pourrait même espérer mourir plus rapidement.
Pourtant la mangemort se ressaisit rapidement :

- Ne t'en fait pas, gronde t-elle d'une voix sourde. Je vais m'y prendre autrement.

Et elle bondit sur Gilda, la renverse et commence à la passer à tabac.

Severus et la rose blancheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant