Les tasses s'inversent

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Gilda n'en doutait pas: Ombrage lui tendait sûrement un piège, mais restait à savoir de quelle nature. Tout en suivant l'inquisitrice dans son bureau elle réfléchissait et tenait prête sa baguette magique au cas où, mais il ne s'agissait visiblement pas d'une embuscade.

-Que désirez-vous boire? Lui demanda aimablement Ombrage une fois qu'elles se furent attablées devant un assortiment assez impressionnant de boissons diverses et variées ainsi que de petits biscuits.
Gilda fit mine de réfléchir à ce choix, l'inquisitrice devait immanquablement avoir glissé quelque-chose dans ses boissons pour la forcer à parler, elle disposait d'un stock de véritaserum important.
-J'avoue que du café me ferait plaisir Dolores. Finit-elle cependant par répondre.
Ombrage la servit avec une amabilité obséquieuse, lui proposa du sucre et Gilda s'en servit après l'avoir remerciée, une minuscule cuillère comme à son habitude. À sa grande surprise, Ombrage se servit également de café, alors que la jeune femme savait pertinemment qu'elle préférait le thé de beaucoup et en but une gorgée assez rapidement.
Agissait-elle ainsi pour la mettre en confiance? C'était probable étant-donné que Gilda ne l'avait jamais vu boire autre chose que du thé ou des tisanes bien sucrées...

Attend une minute... Sucré? Ombrage était particulièrement friande de sucre, or elle n'en avait pas mis dans son café et ce n'était sûrement pas un hasard. Gilda sut immédiatement qu'il s'agissait d'un piège, mais comment s'en tirer maintenant?
Leurs deux tasses étaient identiques, les breuvages également et l'inquisitrice était tellement habituée à sucrer ses boissons chaudes à l'excès qu'elle...
Il fallait juste qu'elle trouve un moyen d'échanger leurs deux tasses...

Pour ne pas attiser la méfiance d'Ombrage, Gilda fit mine trouver son breuvage brûlant après avoir simplement porté sa tasse à ses lèvres, elle souffla légèrement dessus.
Le sourire d'Ombrage s'élargit à en devenir carnassier tandis que la jeune femme repérait un pot de fleur très ouvragé posé près de la fenêtre ouverte. Elle pointa sa baguette par dessous la table dans la direction de l'objet. Le plus dur était qu'Ombrage ne repère pas son manège.
Gilda reprit sa tasse en main et la porta à ses lèvres pour dissimuler leur mouvement lorsqu'elle prononcerait la formule, alors qu'elle faisait mine de boire un bruit de chute et de brisure se fit entendre, elle rangea immédiatement sa baguette dans sa manche.
L'inquisitrice se retourna d'un bond et constata « l'accident » avec un cri de stupeur, il s'agissait visiblement d'un objet auquel elle tenait car elle se précipita pour en ramasser les morceaux et le réparer.
Gilda de son côté mit ce moment à profit pour inverser les deux tasses, Ombrage n'avait rien vu.
-Rien de grave Dolorès? Fit mine de s'inquiéter la jeune femme.
-Non non, par chance tous les morceaux étaient là... Mais quel vent traître...
Elle revint s'assoir tandis que Gilda prenait une gorgée de café, à son grand soulagement elle ne ressentit pas l'effet de perte de contrôle de soi caractéristique du véritaserum (car on l'avait déjà forcée à en boire enfant).

Ombrage de son côté venait également de boire et l'effet ne se fit pas attendre: ses yeux se voilèrent légèrement et son visage devint inexpressif. Elle jeta à Gilda le regard le plus mort que celle-ci n'avait pas vu depuis le décès de Yannick.
Vivement mal à l'aise, Gilda lui demanda:
-Dolorès, vous vous sentez bien?

L'inquisitrice opina,
-Oui, je me sens très bien Gilda, dit-elle d'une voix monocorde. Et vous? Êtes-vous heureuse à présent que vous avez réussi à me piéger?

La jeune femme feignit de ne pas comprendre et répondit par un regard à la fois inquiet et interrogateur.
-C'était très habile, continua Ombrage, c'est vous qui avez cassé ce vase n'est-ce pas?
-Dolorès vous êtes sûre que ça va? Demanda Gilda sur un ton faussement innocent.
-Oui, tout va très bien, répondit l'inquisitrice, si l'on exclut que je suis maintenant obligée de vous dire la vérité sur tout ce que vous me demanderez. Vous avez donc compris pour le véritasérum.

Gilda comprit qu'elle pouvait peut-être y gagner, après tout Ombrage était en difficulté. Aussi elle fit mine de ne toujours rien comprendre et répliqua:
-Dolorès je ne comprends rien, quel véritasérum? .... Vous êtes sûre que vous ne voulez pas que j'aille chercher madame Pomfresh?
-Non je ne veux pas Gilda, je parle du véritaserum que j'avais mis dans le sucre dans l'espoir de vous extorquer quelques informations.
-Des informations? Demanda Gilda, vous avez essayé de me piéger afin de me poser des questions indiscrètes? Mais vous êtes folle! L'usage du véritasérum est interdit hors domaine judiciaire! Je pourrais porter plainte contre vous si je voulais.

Ombrage eut un sourire absent:
-Je suis bien protégée contre ce genre d'attaque Gilda, vous n'auriez aucune chance dans un tel procès.

La jeune femme haussa les épaules en signe de dédain, posa sa tasse et sortit de la pièce d'un pas décidé.
-Vous pouvez toujours jouer les princesses offusquées Gilda! Lui cria Ombrage depuis sa place. Mais j'espère pour vous que vous allez vite vous décider à vous trouver une protection suffisante ainsi qu'à vos enfants! Par les temps qui courent il pourrait bien vous arriver la même chose qu'à leur moldu de père!

Cette phrase lourde de menace arrêta net Gilda, celle-ci stoppa sa course dans le couloir et serra les poings. Sous l'impulsion de la colère, elle tourna les talons et regagna le bureau d'Ombrage encore ouvert.
-Dolorès dit-elle, si je vous entends encore une fois insulter Yannick je vous jure que vous allez en baver! Lui n'est peut-être plus là mais moi si, et il va vous falloir faire avec.
-Vous! Répliqua Ombrage, et le dédain était perceptible dans sa voix malgré la potion, vous ne tiendrez pas plus que lui devant un sorcier digne de ce nom. Dommage que celui qui a été mandaté pour cette affaire n'ait pas eu le courage de finir le travail cette nuit là. Il nous aurait débarrassé d'une petite chieuse encombrante... Mais votre famille espérait que cela vous forcerait à rentrer dans le rang.

Gilda était devenue blanche comme un linge, elle répliqua d'une voix sourde:
-Qu'est-ce que vous entendez par là Dolorès?
-Que la personne, et ne me demandez pas qui je n'en aie aucune idée, enfin celui que votre famille a chargé de tuer ce moldu aurait pu aller plus loin. Certes il avait ordre de vous laisser en vie...
-Cessez de dire des bêtises Dolorès, répliqua Gilda, Yannick est mort d'infarctus pendant la nuit, c'est ce que les médecins ont dit.

Ombrage éclata soudain d'un rire sardonique, signe que les effets de la potion s'estompaient, et regarda Gilda dans les yeux:
-Pourriez-vous le jurer? Demanda t-elle.

La jeune femme tressaillit à cette question, mais avant qu'elle n'aie pu esquisser la moindre ébauche de réponse, on toqua à la porte...

Severus et la rose blancheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant