À peine rentrée, Adriana n'avait pas perdu une seule seconde pour retirer sa robe et enfiler un jogging. Elle avait ensuite filé sur la terrasse arrière, son majeur en l'air pour la sécurité avant de jeter le bout de tissu qu'elle avait porté toute la soirée dans la piscine. Elle ne voulait plus jamais voir cette tenue que Beto avait tripoté, sans cesse. Elle but une gorgée de vodka qui brûla sa gorge. Elle l'avait volé dans le bar du père Castellano après la tasse cassée et les mots blessants de Mirko. Elle était certaine de le regretter dans la matinée. Néanmoins, tout ce qu'elle voulait, c'était oublier la réalité.
« Va te faire foutre espèce de connard ! » Elle tapa du pied et cria comme si ses ennemis et bourreaux n'étaient pas dans la même maison. « J'te ferai bouffer cette robe de merde ! »
Mirko s'alluma une cigarette tout en se retenant de sourire. Il était là depuis plusieurs minutes déjà mais la pénombre avait su le cacher suffisamment pour voir le spectacle. « Même si j'adore quand t'es en colère, il est deux heures du matin. » Elle lui fit un doigt d'honneur avant de s'asseoir sur un transat, éloigné du sien, jambes et bras croisés pour montrer son mécontentement. « Et cet événement m'a donné un mal de crâne d'enfer. »
Elle le regarda alors qu'il fixait les étoiles. La nuit était claire et il adorait pouvoir s'y plonger, presque s'y perdre. Il arrivait parfois à y voir sa mère, souriante mais surtout réconfortante. Il avait pensé à elle toute la soirée parce que celle ci avait été dédiée à une vente aux enchères pour la prévention du cancer du sein. Ça l'avait touché et il avait même dépensé beaucoup trop d'argent pour compenser. Néanmoins, il gardait ce trou dans la poitrine que ni la fumée, ni la nicotine n'arrivait à combler. Même les étoiles avaient l'air terne.
Adriana le vit s'assombrir encore et encore jusqu'à presque disparaître mentalement dans la noirceur et pour une raison qu'elle ne comprenait pas, elle voulait le remonter à la surface comme il l'avait fait pour la négociation avec son père, pour ses biens ou encore pour son opportunité d'air ce soir.« T'as dépensé beaucoup d'argent ce soir. Trente mille euros. »
« Trente mille cinq cent, ouais. » Il quitta le ciel pour elle. « C'est pour la bonne cause. »
« C'est pour équilibrer ta balance du bien et du mal ? » Sa question était si innocente qu'il ricana. Elle vit ses prunelles briller pour la première fois depuis plusieurs heures. Elle ne put se retenir de penser qu'elle en était la raison. « Quoi ? »
« Il faudrait bien plus pour pas que j'aille en enfer, Adriana. » Il secoua la tête tout en reprenant son sérieux. « Mais le paradis, c'est sur-fait, on s'y ennuie certainement. »
« Qu'est-ce que tu en sais ? »
Il haussa les épaules. Il n'en avait aucune idée mais s'il avait été honnête, il ne croyait même pas au paradis ou à l'enfer. Alors qu'il avait perdu beaucoup de proches, il était certain qu'après, il n'existait rien, pas de réincarnation, pas de monde fantastique ou de fantôme. Du moins, il l'espérait pour lui-même.
Selon lui, l'existence de l'autre continuait grâce aux pensées et à l'amour des vivants. Ainsi, la mort n'avait pas la même signification, elle n'était qu'une fin physique mais l'esprit vivait dans le monde grâce à la souvenance de chacun. Il n'avait aucunement peur pour lui-même car malgré ses mauvaises actions, il savait qu'on effaçait souvent les horreurs des morts. Puis, de toute manière, il n'était pas certain de vouloir voir son souvenir perdurer. Il préférait être oublié ou partir en enfer parce que de toute manière, il était certain d'y vivre déjà.
En le voyant repartir dans ses pensées, la jeune femme préféra l'interpeller une nouvelle fois.
« Je pensais que tu allais me rejoindre dans les toilettes, toute à l'heure. »
« Sauf que pour souffler, c'est mieux d'être sans les personnes qui sont la raison de ton malaise. » Elle hocha la tête seulement, ne souhaitant pas le contredire, ne souhaitant pas qu'il se renferme dans sa carapace alors qu'elle discutait enfin avec quelqu'un depuis des jours. Pourtant, il était loin de la rendre mal à l'aise lorsqu'il était ainsi mais elle connaissait aussi l'autre pôle de sa personnalité, celle cruelle et terrifiante. « Et je n'avais aucune envie de te rejoindre. » C'était un mensonge mais elle ne le comprit pas, fronçant seulement les sourcils tout en plissant les lèvres, touchée. C'était lui le monstre, pas elle. Tout le monde l'appréciait.
« Tu as bien fait. Je n'avais aucune envie que tu me rejoignes. » Il secoua la tête tout en pouffant discrètement. « Parle-moi de mon père. »
« Je ne le connaissais pas. »
« S'il te plaît. Tu sais forcément quelque chose. » Elle quitta sa chaise longue pour rejoindre celle à côté de Mirko. « Qui était-il vraiment ? »
« Ton père.. On lui a proposé de faire des paris frauduleux pour nous parce qu'il en faisait déjà pour lui-même. Les courses équestres sont... » Il souffla, il n'avait aucune envie de lui expliquer que sa propre famille avait tout orchestrée, jusqu'à sa mort. « Elles rapportent énormément d'argent, c'est très facile de les truquer. Sauf que ton père a été gourmand. Il n'a pas suivi notre plan et ils nous devaient énormément d'argent. Il a voulu prendre la fuite mais il n'aurait jamais dû. Il aurait dû suivre ce qu'on lui avait dit, il aurait dû... »
« Ne jamais vous faire confiance. » Il vit le menton d'Adriana trembler. « Vous êtes tous horribles. Toute ta famille. Vous utilisez les gens pour votre propre profit et quand ils ne vous rapportent plus rien, vous les tuez. »
« Le monde n'est pas rose. Bienvenue. Et que tu l'acceptes ou non, ton père n'était pas innocent. Il connaissait les conditions d'une collaboration avec nous. En plus, on lui avait laissé le choix de rembourser ses dettes en travaillant pour nous, puisqu'il était juge, mais il a refusé de nous aider à sortir un membre de la famille de prison. » Il plissa les yeux, hésitant à donner le couperet. Il quitta son siège mais elle balbutia avant qu'il ne parte. « Quoi ? » Elle se pinça les lèvres. « Écoute, il savait ce qui allait arriver et il a décidé de t'emmener avec lui, de te mettre en danger. Si tu veux un coupable à ta situation actuelle, c'est lui. »
« Je sais. »
« Mais ça me pose aucun soucis que tu nous détestes ou que tu penses qu'on est de la pire espèce. J'préfèrerai même que tu ne m'adresses plus la parole. »
« Arrête ! » Elle se redressa à son tour et il fit les gros yeux, surpris de sa réaction. Il s'approcha, prêt à lui montrer que ce ton était loin de lui plaire. Elle baissa les yeux tout en reprenant d'un murmure. Il appréciait sa colère et ses rébellions mais lorsqu'il clôturait la conversation, elle devait se taire, c'était simple. « S'il te plaît. T'es la seule personne à qui je parle alors même si je te trouve... » Elle préféra se retenir pour reprendre. « S'il te plaît. Continue de me montrer mes portes de sortie, continue de me regarder ou de me parler parce que t'es la seule personne qui le fait ici. Réellement. Si tu veux je suivre le contrat, si tu veux que je ne saute pas par la fenêtre de ma chambre... n'arrête pas d'être toi. »
Il inspira profondément tout en regardant le ciel. Il était certain qu'elle serait sa perte. « D'accord. Mais ça ne signifie rien. Je le fais pour ma famille et pour le contrat. »
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Cosmos
Romance« Je me battrai jusqu'à mon dernier souffle. » Elle se retira, se retenant de gémir alors que le fil arrachait sa peau. Le sang se mit à couler de nouveau, encore plus abondamment. « Alors, crois-moi, c'est moi qui ai l'avantage. » Cette fois, le ca...