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Mirko connaissait toutes les règles de sa famille. Son père les lui avait instruites lorsqu'il avait eu sept ans. Bien entendu, il avait insisté sur les valeurs tout en l'effrayant sur les conséquences d'un non respect. Toutefois, alors qu'il rêvait encore de liberté et d'études, il avait retenu une chose. Il n'avait le droit de quitter le clan, quoiqu'il en coûte. Les autres membres avaient le choix et une bonne motivation leur permettait de partir sous garanti de garder secret leurs activités. Néanmoins, lui avait la place du fils et n'avait cette chance de tourner la page si aisément. Il avait seulement entendu quelques rumeurs sur un rituel de désaffiliation. Il avait toujours pensé que c'était une histoire pour l'effrayer depuis petit mais aujourd'hui, il était prêt à prendre le risque.

Il entra dans le bureau sans toquer, impatient. Le patriarche releva le menton de ses feuilles. Leur relation était toujours au plus bas et ils passaient leur temps à s'éviter, se contactant seulement pour le stricte minimum. Mirko trouvait que c'était déjà bien trop. Il ne l'avait jamais réellement considéré comme un père mais dorénavant, il n'était plus qu'un simple inconnu. Malgré les chaînes encore présentes, il s'était délié de lui mentalement jusqu'à ne plus rien ressentir, ni haine, ni amour pour lui.

« J'veux me désengager. »

Son père ria jaune tout en secouant la tête. « Dans la famille Castellano, on ne se désengage pas. »

« J'assumerai chaque étape. »

« J'ai dit non, Mirko. Arrête maintenant avant que je perde patience. »

Il ne recula pas malgré le ton colérique de son père. Il n'abandonnerait pas. Il avait trop à gagner en partant définitivement plutôt que maintenant. « Tout le monde est au courant. Ils sont tous prêts. Tu ne peux pas refuser. »

« Tu n'y arriveras pas. » Il haussa les épaules avec une nonchalance superficielle. « D'accord, je vais organiser ça. Tu as terminé ? » Il ne prit pas la peine de lui répondre avant de s'éclipser.

Du côté d'Adriana, la situation était bien plus calme. Celle-ci avait trouvé un emploi dans un restaurant de la ville. Grâce à son salaire, elle avait trouvé un petit studio afin de se procurer un peu d'indépendance. Elle allait voir sa famille tous les week-ends mais appréciait vivre avec sa fille. Malgré tout, la douleur était bien présente. Elle la cachait au mieux en travaillant et en s'occupant de ses proches mais le manque tiraillait sa poitrine dès lorsqu'elle fermait les yeux tandis que l'inquiétude rangeait son estomac dès qu'elle regardait l'horizon. Elle n'avait cherché aucune nouvelle de Mirko, n'avait regardé l'actualité de la ville. Elle tenait sa promesse, se rendant compte du danger que cela pouvait être pour Maria comme pour Mirko.

« Adriana, tu m'écoutes ? »

« Oui, bien sûr que je t'écoute. » C'était complètement faux car depuis ce matin, elle n'arrêtait pas de se perdre dans ses pensées. Elle ôta le haut parleur pour se concentrer. « Je suis juste fatiguée. La semaine a été longue. »

« Maria va bien ? »

« Oui, maman, tout va bien. » Caroline lui demanda comme elle, elle allait et cette fois, elle ne répondit pas. Cela faisait bien longtemps qu'elle ne prenait plus la peine de se dévoiler. Elle ne s'étalait plus sur ses insomnies, cette impression de sentir le souffle de Mirko dans son cou ou ses mains contre ses hanches. « J'dois te laisser. Il faut que je la change avant de la coucher. »

« D'accord, fais lui des bisous de ma part. Et repose-toi. Si tu as besoin, appelle-moi. »

Elle la remercia le plus chaleureusement possible avant de faire le tour de l'appartement une énième fois. Depuis qu'elle vivait seule, elle s'assurait encore et encore que la porte et les fenêtres étaient closes. Seule, elle se rendait compte à qu'elle point cette histoire avait laissé des traces. Néanmoins, elle les affrontait progressivement, se rendant compte de ses capacités et de ses forces.
Elle attrapa Maria, papillonnant des baisers sur ses joues avant de la déposer sur le lit à côté d'un sac rempli d'affaires pour bébé. L'appartement était rustre et il n'y avait que peu de place ou encore de matériels. Néanmoins, ça lui suffisait amplement. Toute ce dont elle avait besoin était devant ses yeux.

« T'es la plus jolie des bébés, tu le sais ? » Elle embrassa ses mains tout en l'admirant. Il n'y avait selon elle pas plus beau spectacle. « Tu ressembles à ton père, il n'y a aucun doute. Tu as ses longs cils, ses yeux sombres en amande. » Elle passa tendrement son index contre l'arrête de son nez. « Je te promets de te parler de lui, de tout te raconter. Il est l'homme le plus merveilleux que je connaisse mais il est aussi... menotté par cette famille. » Elle secoua la tête, « Je t'épargne cette histoire mais il est important que tu saches qu'il est certain qu'il pense à toi, le connaissant. Il est inintéressé, généreux et... » Elle souffla. « Maman est encore amoureuse de lui, pas de doute. »

Maria la regardait avec de grands yeux, ne comprenant aucunement ses propos mais intéressée par sa voix douce. Mais c'était terminé et la pilule restait impossible à avaler tant leur relation ne semblait pas avoir eu une fin satisfaisante. Elle restait sur sa faim, attendant presque de le voir au bout d'une rue. Après tout, ils s'étaient retrouvés, agissant dangereusement, parfois impulsivement.

« Mais maman ne va rien faire de stupide cette fois. Elle va attendre patiemment que le destin fasse son travail. Et avec un peu de chance, notre cher Mirko va apparaître comme il a l'habitude de faire. »

Elle était prêt à l'attendre jusqu'à en perdre son dernier souffle.
Mais en attendant, elle offrirait la plus belle vie possible à Maria, tout en la protégeant du danger du père Castellano.

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