47

337 10 8
                                    

« Je t'écoute. »

« Je sais. » Elle tira sur leurs mains entrelacées pour les rapprocher de ses lèvres. Les paupières closes, elle espérait trouver le courage de lui dire. Elle n'avait pas peur de sa réaction mais seulement de revivre ses horreurs jusqu'à en oublier qui elle était. « J'étais tellement soulagée que tu viennes me protéger ce jour-là que je n'ai pas réfléchit et j'ai ouvert la porte. Je les ai tout de suite reconnus mais j'ai pas su refermer qu'ils rentraient déjà de force. Ils m'ont d'abord installée dans un motel. » Lorsqu'elle ouvrit les yeux pour le percevoir rapidement, elle fut surprise de la voir concentré complètement sur elle et sur ses mots. Elle fuya son regard et se renferma de nouveau dans sa bulle. « Il y avait beaucoup... de passages d'hommes qui venaient voir des femmes pour... Elles travaillaient pour les trafiquants, je crois. J'ai eu peur qu'ils me demandent de faire la même chose mais finalement...finalement Beto est venu me chercher. Il était accompagné. »

« Quoi ? » Sa voix fut plus brusque qu'il ne le souhaitait. Néanmoins, le choc avait inhibé toute logique. « Beto ? »

Elle acquiesça avant de reprendre. « J'pensais peut-être que vous vous étiez réconciliés mais j'ai vite compris que ça n'était pas le cas. Il m'a frappé si fort que j'ai perdu connaissance. » Mirko eut envie d'être celui qui tirait la balle dans la tête de son frère et non Sacha. « Je me suis réveillée dans son coffre. Il m'a emmené dans l'entrepôt, là où tu m'as trouvée. La plupart du temps, j'étais enfermée dans le pièce. Parfois, il venait nous chercher et certaines ne revenaient jamais. » Il inspira profondément alors qu'il eut l'impression de recevoir un coup de poignard dans le ventre. « Je me suis faite toute petite et je me suis cachée dans le fond mais... parfois, ils m'appelaient. »

« Qu'est-ce qu'ils te faisaient ? » Il murmurait seulement mais elle put sentir la douleur dans sa voix. « Si tu veux me dire, j'veux pas que... » Elle secoua la tête, un léger sourire sur les lèvres qui s'efface en à peine une seconde.

« Ils m'ont détaillée et scrutée. J'ai eu le droit aux pires caractéristiques. Je ne... valais pas assez chère, blanche, brune, yeux marrons, pas très grande, pas très sportive ni avec des formes... » Mirko dut se retenir de la couper. Pour lui, elle avait tous les traits les plus splendides et hypnotiques. « ...mais étant... étant vierge et bien... je valais bien plus que les autres. Ça a été une bonne nouvelle pour moi car ils ne m'ont pas touchée. »

« Qu... comment est-ce qu'ils en sont venus à cette conclusion ? » Il était effrayé à l'idée qu'ils lui aient fait subir des examens machistes et traumatiques.

« Ils m'ont posée des questions sur absolument tout... même mes possibles problèmes de santé. J'ai pas osé mentir, j'avais trop peur qu'ils devinent et qu'ils me fassent du mal. »

« Ça a du être un cauchemar. » Il pinça entre son index et son majeur une mèche de ses cheveux pour les mettre derrière son oreille dans un geste tendre. « J'aurai aimé arriver plus tôt et te sortir de cet enfer avant. J'suis désolé, pulcino. T'as été courageuse. »

Elle haussa les épaules avant de se laisser à se renfrogner contre lui. Il fut tout d'abord surpris, se contractant de tous ses muscles tout en retenant son souffle. Mais finalement, la chaleur du corps d'Adriana, son odeur ainsi que ses mains contre sa nuque l'apaisèrent et il s'abandonna contre elle à son tour. C'était simple, telle une embrassade pudique. Pas de gestes charnels, de mains baladeuses mais juste le calme de leur respiration et la sérénité d'être au bon endroit, au bon moment. Et pour eux, c'était si rare qu'ils comptaient en profiter.

« Je me sens bien, là, tout de suite et c'est ça qui compte. » Elle susurrait contre son cou, le laissant frissonner sans pudeur. « Et... je vais bien. Je suis seulement terrifiée d'y retourner un jour, qu'ils me retrouvent, que... cette fois, j'ai eu de la chance... mais toutes les filles n'en ont pas eu et je crois que c'est ça le plus dur. J'ai été spectatrice. J'ai rien fait. Et je me suis pas défendue non plus. »

« T'as fait comme tu pouvais, avec les moyens que t'avais sur le moment. Tout le monde n'est pas entraîné pour ce genre de situation. »

« Toi, tu l'es. »

« Et crois-moi, c'est pas beaucoup mieux. » Il la resserra un peu plus contre lui, tant pour se rassurer que pour apprécier un peu plus le contact. « Ça ira mieux, je te l'assure. Il faudra du temps pour que t'aies moins peur, que t'y penses moins, mais t'as ta famille, ils te feront oublier tout le reste. » Elle se recula à ses mots, se redressant comme s'il venait de lui donner une décharge électrique. « Qu'est-ce que j'ai dit ? »

« Tu viens de dire t'as ta famille. » Elle s'était assise en tailleur tandis que lui s'installait sur le dos. « Mais je t'ai toi, aussi, non ? » Il regarda au-delà d'elle, le mur derrière elle pour la fuir. Les arguments du beau père et le peu d'estime qu'il avait pour lui même l'avaient convaincue qu'il ne pouvait rester plus longtemps ici. Il n'était aidant que temporairement mais avec le temps, ils finiraient pas s'attacher l'un à l'autre d'un lien indélébile et il deviendrait si nocif qu'Adriana resterait dans une position fœtale dans un lit, jusqu'à mourir d'apathie. « T'es entrain de fuir, non ? » Elle posa sa main sur son torse et joua avec les galons de son sweater puis tira dessus pour attirer son attention. Il n'eut le choix que de la regarder. « A toi d'être honnête. »

« Comment veux-tu aller mieux avec moi autour ? Je n'ai peut-être pas participer à tout ça mais... »

« J'suis en droit de choisir. Tais-toi. » Il haussa les sourcils, étonné. « Je suis assez grande pour prendre mes propres décisions et personne n'a à me dire quoi faire. »

« Ta famille a leur mot à dire sur tes relations. » Il attrapa ses mains pour qu'elle arrête de s'acharner sur son pull. « Allonge-toi. Profitons seulement de cette nuit et nous verrons plus tard. De toute manière, je dois revoir mon père et je ne sais même pas si je vais en sortir vivant. » Il haussa les épaules mais elle resta immobile, refusant sa nonchalance. « J'suis crevé. » Elle souffla avant de se rallonger à ses côtés, au plus proche de lui. « Tout ira bien, quoi qu'il arrive. »

« Tu te souviens du baiser ? »

« Pulcino, arrête. Fais pas ça. »

« J'veux que tu m'embrasses. Si ça doit être la dernière fois qu'on se voit, je veux que tu m'embrasses. »

Il hésita de peur d'être incapable de s'éloigner mais ce fut impossible pour lui de retenir son envie et à peine il eut temps d'hésiter qu'il se tournait pour déposer ses lèvres sur les siennes. Ce baiser resta chaste et seulement leurs lèvres bougèrent les unes contre les autres. Pourtant, ça leur suffisait tant c'était rassurant, comme s'ils volaient dans les étoiles, rien que tous les deux.

CosmosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant