Mirko regarda sa montre pour la énième fois depuis qu'ils étaient à la gare. Malgré son agacement sur la terrasse, il l'avait accompagnée jusqu'ici, une envie irrépressible de rester près d'elle rongeant son tempérament de feu. Il avait trouvé l'excuse de sa sécurité qu'elle avait acceptée, ne souhaitant pas non plus le quitter si rapidement. Ils s'étaient tout deux assis sur un banc, l'un à côté de l'autre, sans qu'aucun deux ne fassent l'effort de discuter, appréciant seulement l'électricité dans l'air. Tout du moins, jusqu'à ce que le brun est l'impression de pouvoir la ressentir les yeux clos. Il se pencha en avant pour rompre ce lien et s'alluma une cigarette.
« Si t'as quelque chose à faire, tu peux y aller, tu sais. » Adriana ne cacha pas son ton blessé. « T'as l'air impatient que je parte, c'est pas très agréable. Et je dirai pas que tu es quelqu'un d'agréable mais là, vraiment, tu deviens pire que d'habitude. » Il jeta un coup d'œil vers elle sans pour autant se redresser. Néanmoins, le contact visuel ne dura pas tant il avait besoin de retrouver son apathie habituelle. « Tu m'écoutes ? »
« Bien sûr que je t'écoute. » Il inspira sur sa cigarette pour combler le vide entre eux. Il sentait les non-dits et ça le rongeait complètement. Elle devait s'en aller, disparaître pour de bon, elle et ses effets avant qu'il ne termine par perdre complètement pied. « J'veux juste que tu rentres chez toi, saine et sauve. »
« Arrête de dire ça. Tu ne dis pas toute la vérité, je le sens. » Elle tira sur son épaule pour qu'il se redresse et qu'il l'affronte. Il se laissa faire, lui qui pourtant aurait habituellement rejeté ce contact, il était bien trop vulnérable pour le faire en cet instant. « Regarde-moi et dis-moi qu'il ne se passe rien dans ta tête, là, toute de suite. » Il bloqua sa respiration, l'air remplissant ses poumons, avant de le faire. Néanmoins, c'était vague, comme si la barrière émotionnelle devenait physique. Il voyait flou et son apnée lui permettait de ne plus sentir son parfum. « Qu'est-ce qu'il y a ? » Il haussa les épaules nonchalamment et ce fut de trop pour elle. « Laisse tomber, j'en ai marre. »
Elle l'abandonna sur le banc et se dirigea à l'intérieur pour prendre un café au distributeur. Elle s'était ouverte, une nouvelle fois, ce matin alors qu'elle parlait de sa mère tandis que lui était incapable de faire de même, gardant ce visage impassible et ses yeux sombres. Seuls quelques mouvements erratiques montraient son malaise et Adriana ne prenait que ses gestes contre elle. Pourtant, elle avait toujours été compréhensive malgré leur attache incompréhensible.
Elle sentit une présence dans son dos, bien plus grande qu'elle et si l'odeur de tabac froid et de whisky n'envahissaient pas ses narines, elle aurait sûrement pris peur. Sachant que c'était Mirko, elle continua à choisir sa boisson, l'ignorant volontairement alors que toutes les cellules de son corps semblaient vouloir se diriger en arrière.« Boude pas, pulcino. »
« Tant que tu joueras comme ça, je refuse de rester à côté de toi. »
« Mais je ne joue à rien. »
« Alors, c'est pire. » Elle attrapa son gobelet avant de repartir à l'extérieur. Mirko dut se retenir de l'attraper, de peur qu'elle ne se brûle, et la suivit seulement jusqu'à ce qu'elle reprenne place sur le banc. « Rentre chez toi ou va te bourrer la gueule quelque part. J'ai pas besoin que tu sois là. T'as raison, si je veux être saine et sauve, vaut mieux que tu sois loin de moi. T'attires la mort et toute l'horreur qui va avec. Depuis que je t'ai vu dans le restaurant, mon monde ne fait que de s'écrouler. »
« C'est toi qui m'a demandé de rester. Au cimetière, tu m'as demandé et même là pour venir ici. J'ai fait ce que tu m'as demandé. » Elle leva les yeux au ciel avant de regarder l'horizon, incapable de l'affronter. « Tu sais quoi ? Vivement que tu te casses et que tu ne reviennes pas. T'as aucune raison de revenir, ton père est six pieds sous terre et moi, je m'en bats les couilles de toi. » Il la pointait de son index de colère, pourtant, son ton était calme et fermé comme s'il pesait tous ses mots. « Si tu reviens, Adriana, si tu reviens, je te ramène à Beto. T'entends ? Ça te suffit comme honnêteté ou t'en veux plus ? »
« J'ai touché ta putain de fierté. »
« Va te faire foutre. »
« Toi aussi. » Elle croisa ses bras comme une enfant. « Va t'en Mirko. »
« Avec plaisir. »
Il s'éloigna sans un mot de plus, du moins, jusqu'à ne plus être perceptible pour la brune. Il était incapable de partir sans s'assurer qu'elle était bien montée dans le bus en direction de sa famille mais surtout d'un environnement bien plus sûr. Il la regarda, voire la scruta elle ainsi que l'espace qui l'entourait. Il suffisait qu'une personne s'approche de trop pour qu'il se tende et prenne le manche de son couteau. Néanmoins, s'il était perturbé et sur les nerfs pour sa sécurité, il l'était tout autant de l'avoir blessée. Il pouvait voir son regard fixé sur le sol, ses lèvres pincées et ses sourcils froncés. Toutefois, il était certain d'avoir fait le bon choix parce que dans sa colère, elle avait peut-être énoncé une vérité, il amenait la mort.
Au bout d'une demi-heure, son bus arriva enfin et elle y entra. Il en fut soulagé mais attendit qu'il parte avant de commander un uber. Contre toute attente, le véhicule fit demi-tour et passa devant lui, le mettant a vu d'Adriana. Leurs regards se croisèrent jusqu'à ce qu'elle se lève de sa place pour maintenir le dernier contact jusqu'à être trop loin pour ne voir que sa silhouette. Elle retomba sur son siège, de nouvelles larmes sur ses joues alors qu'elle avait l'impression d'une injustice perpétuelle.
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Cosmos
Romance« Je me battrai jusqu'à mon dernier souffle. » Elle se retira, se retenant de gémir alors que le fil arrachait sa peau. Le sang se mit à couler de nouveau, encore plus abondamment. « Alors, crois-moi, c'est moi qui ai l'avantage. » Cette fois, le ca...