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« Je te donne ma liberté pour les leurs. » Le brun baissa le menton, vaincu. Les chaînes qu'il avait été bien trop épaisses et aucun mot doux susurré sous les draps par Adriana ne lui donnaient suffisamment d'espoir en l'instant. Il restait ce danger, imprévisible, avide de sang et de pouvoir. « Tu sais que je vaux bien plus en vie et à tes services. Laisse-les partir. »

Le patriarche prit quelques secondes de réflexion. Néanmoins, il n'avait en réalité aucun choix. Soit il se trouvait seul, soit il retrouvait son fils. Adriana, elle, avait fermé les paupières et priait qu'une autre issue s'impose à eux. Toutefois, elle ne fit aucun mouvement et n'essaya pas d'attirer l'attention. Mirko pouvait la sentir dans son dos mais lui-même resta immobile, certain qu'une parole ou un geste le ferait changer d'avis. Il avait besoin de la protéger ainsi que de protéger le bébé. Il se refusait de choisir l'amour, au risque que sa progéniture devienne l'héritier. Il en connaissait la souffrance et aucun être, encore moins un futur être, ne méritait ce destin.

« D'accord. »

« Laisse-moi les raccompagner jusqu'à la porte. Sacha emmènera Adriana chez elle et je ne les verrai plus jamais ensuite. »

Il hocha la tête et Mirko ne se fit pas prier pour attraper le bras de la jeune femme pour l'emmener vers la sortie. Malgré son envie de se rebeller, elle ne pipa aucun mot et se laissa guider, presque hébétée du choix pris. Sacha suivit tout aussi silencieux, incapable d'agir alors qu'il pensait seulement à rejoindre ses proches. À peine ils furent seuls que le brun prit Adriana dans ses bras. Il se réfugia dans son cou, inspirant son parfum une dernière fois, s'enivrant de sa chaleur et se réconfortant de ses bras. Elle était sa plus belle faiblesse, celle dont on est heureux d'avoir tant elle humanise. Il ne regrettait rien, pas même ce futur sombre tant il avait apprécié ces instants.

« Prends soin de toi. » Adriana le serra contre lui de toutes ses forces. « Fais attention et ne te laisse pas marcher dessus seulement parce que c'est ton père. Tu vaux tellement plus que lui, que n'importe qui. J'aurai tant aimé être plus forte pour toi, être de celle qui t'aide à te libérer de ses chaînes. » Elle s'éloignant seulement pour attraper son visage en coupe afin de le regarder. « N'oublie jamais qui tu es, je t'en supplie. N'oublie jamais que des gens t'aiment, que... que je t'aime sincèrement. »

« Tout ira bien pour moi, ne t'en fais pas. Tu sais que je m'en sors toujours. » Il déposa tendrement un baiser sur sa joue. « Toi, fais attention, ne laisse personne te dire quoi faire. Rappelle-toi que t'as besoin de personne. » Elle acquiesça sans y croire, trop effrayée de ne plus jamais le voir. « Sacha va te ramener. Ne cherche pas à revenir ici, ok ? Si tu veux pas le faire pour toi, ou moi, fais-le pour le... bébé. Je te fais confiance alors ne me déçois pas. Il ne peut pas devenir un héritier, je t'en supplie. »

« J'le ferai pour toi. »

Il hocha la tête, lui non plus n'en avait aucune envie mais il ne pouvait plus se permettre de jouer avec le feu. Il embrassa ses lèvres avant de rentrer dans la maison, évitant de croiser une dernière fois son regard, certain qu'il s'enfuirait alors avec elle. Néanmoins, lorsqu'il referma la porte, il ne put s'y résoudre et la rouvrit en un instant. Elle était encore là, immobile à regarder la maison d'un air riche de regrets. Il se précipita vers elle pour l'interpeller et lui susurrer quelques mots avant de ne plus jamais la revoir.

« Je t'aime aussi. » Il embrassa son front, s'y arrêtant longuement. « Tu seras pour toujours mon pulcino. La seule. »

Elle acquiesça, le menton tremblant et les yeux larmoyants. Cette fois, il s'en alla sans un mot de plus et elle prit la route avec Sacha jusqu'à l'appartement. Sa valise était déjà prête et n'attendait plus qu'à être close. Ce fut l'ancien second qui le fit tandis qu'elle faisait le tour pour s'assurer de ne rien oublier. Elle s'attarda quelques minutes devant la vue qu'elle avait à la fois tant apprécier mais parfois détester de ne voir rien d'autres que celle-ci. Pour sûr, cet endroit allait lui manquer, mais surtout, Mirko allait lui manquer. Celui qui était dans cet appartement était doux, vulnérable et attachant. Elle gardait en tête ses tendres mots ainsi que ses gestes adorateurs.

« On y va ? »

« Oui, tout de suite. » Elle regarde une dernière fois la pièce. « Ça va me manquer cet appartement. Mirko va me manquer. »

« A moi aussi, crois-moi. »

Ils rejoignirent la voiture sans ajouter un mot, ces derniers suffisant amplement à leur peine.

Du côté des Castellano, Mirko rejoignit son ancienne chambre pour s'y réfugier. Il prit place au bord du lit et regarda les alentours.  Sur son bureau, il pouvait encore voir ses anciens dessins d'architecture. Il n'y avait pas touché depuis des mois et l'envie d'y mettre le feu fut grande. À la place, il leva les yeux au plafond pour y regarder le grenier toujours camouflé. Adriana était sortie de cette cachette pour le sauver. À cet instant-là, leurs sentiments étaient sans aucun doute présent même s'ils se donnaient l'excuse d'une attraction toxique.  Il se retourna pour voir le portrait de lui et sa mère et ce fut suffisant pour déclencher une vague d'émotion. Il n'avait pas pleurer depuis son décès mais en la voyant ainsi, souriante et bienveillante, alors que le monde s'écroulait autour de lui, lui donna le couperet. Il étouffa son sanglot dans son poing, priant pour ne pas être entendu.

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