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Mirko n'avait jamais été un bon dormeur. S'il devait en décrire la raison, il n'aurait su en donner une seule. Tout d'abord, lorsqu'il était encore enfant, son père venait le réveiller, lui et Beto, afin qu'ils soient toujours prêts, à se défendre, à se battre et ça à tout heure. À peine à ses dix ans, le peu de sommeil qu'on lui accordait était perturbé par les actes de son patriarche. Pour le désensibiliser, ce dernier le forçait à regarder encore et encore jusqu'à ce qu'il n'ait qu'à fermer les paupières pour les revoir. Par la suite, à peine quelques années plus tard, ce fut à son tour de faire preuve de violence. Il arrivait encore à se souvenir du premier homme qu'il avait tué. Il se souvenait de ses paroles implorantes, ses yeux exorbités, du sang qui coulait de ses lèvres puis de son teint violet et de son odeur.

Adriana réveilla lorsqu'elle sentit le brun se tordre dans tous les sens. Elle ouvrit les paupières puis se frotta les yeux, essayant d'émerger pour comprendre l'agitation à ses côtés. Elle se redressa et toucha son épaule, espérant que ce seul contact l'apaiserait. Néanmoins, à la place, il se crispa un peu plus et se retourna pour grimper au-dessus d'elle et serrer sa gorge. Elle attrapa son poignet de ses deux mains tout en se débattant, espérant que sa défense le ferait revenir à la réalité. Néanmoins, ce fut seulement ses supplications et ses larmes qui le firent arrêter. Il la relâcha brusquement, la regardant comme si elle agit une sorte de fantôme.

« Merde. » Il se recula, ses ongles dans sa propre nuque. Il commença à faire les cents pas devant la jeune femme qui s'était recroquevillée sur elle-même. « Merde. Merde. Merde. » Il tira sur ses cheveux tandis qu'elle se retenait de pleurer. Ce n'était pas la première fois qu'il agissait ainsi, toutefois, Adriana en restait toujours effrayée. C'était comme faire face au double de Mirko, celui sombre et sans limite. « J'ai.. Je... J'suis désolé, putain, j'suis désolé. » Il s'arrêta finalement devant pour la regarder. Elle fermait les paupières, espérant qu'il fasse un pas vers elle tant elle en était incapable. « Hey hey pulcino... » Il se précipita vers elle, accroupi tout en murmurant. « Hey, regarde-moi. » Il attrapa son visage en coupe pour lui faire relever le menton. Il fut rassurer de ne voir aucune larme. « Te voilà, pulcino. Tout va bien, c'est moi, tout va bien. » Il se glissa de son côté du lit tout en gardant une main sur ses genoux contre elle comme si rompre le contact briserait un peu plus leur lien. « Viens. Viens t'allonger avec moi. Doucement. » Elle le fit, se retournant pour le rejoindre. « Repose ta tête contre moi. Tout va bien. T'es dans mes bras, tout va bien. Je suis là. C'est moi. » Elle laissa un souffle se glisser entre ses lèvres alors qu'elle retrouvait le Mirko qu'elle préférait, celui protecteur et bienveillant. Il embrassa son crâne. « J'suis désolé de t'avoir fait peur. Je suis vraiment désolé. »

« J'vais bien t'inquiète pas, ça va. »

« C'est de ma faute. Tout est de ma faute, je suis désolé. » Il s'installa de profil seulement pour la regarder et embrasser sa pommette. Il caressa son visage tout en l'admirant. « T'es beaucoup trop belle. T'es beaucoup trop douce. Et j'suis là, brute, violent... »

« ...arrête. Tu ne voulais pas. »

« J'veux pas que tu te sentes en danger avec moi. » Elle attrapa sa nuque, glissant ses doigts sur les plaies qu'il créait avec ses ongles. « Parce que t'es mon... eldorado... et je ne veux pas être un monstre à tes yeux. Je le supporterai pas. Je supporterai pas que tu me vois comme les autres. »

« T'es pas un monstre. » Elle déposa un baiser entre ses sourcils froncés avant de le pousser pour monter à califourchon sur lui. Il déposa ses mains sur ses hanches tout en la regardant de bas en haut. Il l'adorait ainsi, au-dessus de lui, ne le scrutant que lui, sans gêne. Ainsi, il avait l'impression de valoir tout l'or du monde. Elle toucha de son index certaines cicatrices de son abdomen, toujours aussi surprise de voir ce corps si torturé. Il attrapa sa main, mal à l'aise et entrelaça leurs doigts. Personne n'avait été si tendre avec lui, même les femmes qu'il avait connu auparavant ne semblaient qu'attirer par l'image qu'elles se faisaient de lui. « Tu m'empêches de te toucher. »

« Il n'y a rien de très intéressant à toucher. » Elle secoua la tête.

« Il y a toute une histoire sur toi. Et malgré la douleur que ça me donne de voir que tu as tant souffert, je te trouve beau. » Elle embrassa son poing. Celui-ci restait constamment abîmé et gonflé mais pourtant, elle en appréciait le contact. Elle se demanda un instant comment ce corps si apte à faire du mal pouvait aussi doucereux avec elle. Il se libéra en la voyant épier. « J'ai amplement conscience de ce que tu as vécu, même si je ne sais même pas le quart... Je sais que tu ne veux pas me faire de mal, je n'ai aucune inquiétude là-dessus. Et j'espère qu'un jour, tu te sentiras en sécurité quelque part. »

« Avec toi. »

«  Ou sans moi, peu importe. Tout ce que je veux c'est que tu puisses effacer ses cernes et ses traits froncés de ton visage. » Elle embrassa ses paupières tendrement. « Et si on se rendormait maintenant que nous nous sentons un peu mieux ? »

« Alors reste allongée sur moi. Peut-être que... mon sommeil sera plus calme. » Elle accepta, posant sa tête contre son torse. Lui, passa une main dans son dos tandis que l'autre caressait ses cheveux inlassablement. « Tu sais... » Il murmurait si faiblement qu'elle entendait mieux sa voix contre sa cage thoracique que dans l'air. Elle sentait chaque vibration comme mélodie. « T'es la seule avec qui j'ai dormi, la seule en qui j'ai confiance, qui je sais ne s'enfuira pas aux premières difficultés. »

« On a de loin passé les premières difficultés. »

« Effectivement. »

« Mais tout n'est pas terminé, pas vrai ? Je crois que le plus dur est à venir. Je le sens. »

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