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Malgré la demande de Catherine, Mirko ne put s'empêcher de rester dans la rue, nuit comme jour, s'accordant une heure par jour pour se doucher à l'hôtel et se changer. Il souhaitait seulement voir Adriana, à travers une fenêtre, marchant, peut être même, le regardant et lui faisant un geste pour lui dire que tout allait bien. Néanmoins, tout ce qu'il voyait, c'était sa mère, lui lançant des regards noirs tous les matins alors qu'elle allait chercher son courrier. Il n'en prenait peu compte tant il voulait apercevoir la brune.

Toutefois, celle-ci était tout aussi immobile que lui, dans son lit dans la même position qu'il l'avait laissée. Elle était entourée de toutes les peluches de Luisa qui lui avait déposé tout en espérant que ça la guérisse. Son beau père lui la portait inlassablement entre son lit et la salle de bain. Tous les soins pudiques et essentiels étaient réalisés par sa mère. Et c'est ainsi qu'Adriana restait silencieuse, passive et incapable de réagir. Malgré tout, elle était en capacité d'entendre et les mots de ses proches furent peu aidants. Tandis qu'elle était assise au bord de la baignoire, sa brosse à dent dans la bouche, elle put les entendre derrière la porte.

« Ça peut pas durer. Elle dépérit de jour et jour. »

« Je sais bien mais qu'est-ce que tu veux que je fasse ? La secouer ? » Catherine haussait légèrement le ton, frustrée de l'apathie de sa fille. « Je crois pas que ça va aider. On a tout essayé mais on a aucune idée de ce qu'il s'est passé. »

« Le jeune homme est toujours là. Ils avaient l'air d'avoir une bonne relation, elle avait réagi à sa présence... peut-être qu'on devrait... »

« Hors de question. » Adriana ferma les paupières pour chasser ses larmes tout en se laissant glisser jusqu'au sol pour se reposer contre ses genoux. Mirko était encore dans les alentours, elle en avait maintenant la confirmation. « Ce garçon est... mauvais. Est-ce que je te dois te rappeler qu'il a pointé une arme sur toi ? »

« Parce qu'il voulait partir. Il a retrouvé ta fille. »

« Il a tué mon ex-mari ! »

« C'est son frère qui l'a fait ! » Ils se criaient dessus maintenant et la jeune femme semblait ressentir chaque vibration de leur voix frapper son corps brutalement.  « Et je te rappelle que ton ex mari était loin d'être un ange. Tout son argent, il le doit surtout à ses magouilles dans les jeux comme dans la loi. Dois-je aussi te rappeler qu'il était manipulateur ? Égoïste ? »

« C'est bon, laisse-moi. J'ai juste peur de ne jamais retrouver ma fille et ça tu peux pas le comprendre. » Adriana put entendre sa mère s'éloigner. « Il faut que tu la ramènes dans sa chambre, s'il te plaît. Elle doit avoir terminé. La dernière fois qu'on l'a laissée, elle a gratté au sang sa plaie sur ses côtes. Moi, j'ai besoin de prendre l'air. »

Le beau père prit plusieurs minutes pour reprendre constance avant de toquer à la porte. Il se précipita vers elle en la voyant au sol. Il ne prit pas la peine de regarder son visage tiraillé par la souffrance et la honte. Il la porta et l'emmena dans la chambre, sans un mot, trop pensif. De plus, il avait pris l'habitude de l'absence de réponse et ainsi, le silence s'imposait dorénavant. Néanmoins, comme touché par les mots de sa femme, il prit la peine de rester un instant au bord du lit à la regarder. Elle s'était recroquevillée, comme à son habitude. Lorsqu'il passa une main pour dégager ses cheveux, elle ferma les paupières, appréciant le geste tendre comme si elle n'en avait pas vécu depuis longtemps.

« J'aimerais pouvoir lire dans tes pensées, Adi. Qu'est-ce qu'il s'est passé là-bas ? Qu'est-ce qu'ils t'ont fait ? » Il secoua la tête tout en détournant le regard, incapable de continuer à voir ce corps si peu animé. « Tu nous as sûrement entendu ta mère et moi et j'en suis désolé. Elle est tellement inquiète et elle culpabilise de ne pas t'avoir protégée de ton père puis... de... je ne sais même pas quoi. On est heureux que tu sois là mais on veut que t'ailles mieux. » Il quitta le lit pour rejoindre la porte.

« Maman me connaît pas. » Il se retourna, à la fois ravi de l'entendre mais effrayé d'entendre ce ton si dur. « Elle sait rien. »

« Alors, dis-moi. » Elle secoua la tête. Il était de son côté et quoi qu'il pouvait arriver, il justifierait son abandon. Elle lui avait pardonné pourtant, du moins, c'est ce qu'elle pensait mais en entendant ses mots dits dans son dos, une certaine rancoeur était réapparue. « Dis-moi Adi. Je suis de ton côté. »

Au lieu de répondre et de vider sa colère, elle se retourna, clôturant la discussion alors il prit la porte. Adriana, elle, ressassa encore et encore les mots entendus. Il était certain que son père n'avait pas été parfait mais lui, avait été là, toujours. Du moins, selon son regard de petite fille. En réalité, il avait été loin d'être une figure paternelle idéale. Il l'avait abandonnée encore et encore dans des hôtels, préférant l'argent, les voyages et les femmes. Il ne revenait que lorsqu'il était appelé par les hôteliers parce que la petite criait ses poumons. Elle avait appris qu'elle n'avait de l'amour que lorsqu'elle pleurait, hurlait ou agissait impulsivement. Seulement, c'était terminé, elle ne voulait plus d'attention , de peur que la foudre retomberait sur elle. Elle voulait disparaître, ne plus bouger, ne plus parler jusqu'à ce qu'on l'oublie complètement.

A jamais.

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