Adriana fut incapable de dormir. Elle s'était tournée de droite à gauche, avait bu son verre d'eau, avait même fait les cent pas mais rien n'y faisait. Elle ne se sentait pas suffisamment en sécurité pour fermer les paupières et se détendre. Elle abandonna sa chambre pour rejoindre la cuisine mais à peine elle n'eut le temps de passer derrière le canapé qu'elle se faisait happer. Sa gorge prise dans une main et le regard sombre de Mirko sur elle. Il la lâcha subitement en croisant le sien, effrayée. Il se recula d'un bon mètre, apeuré par son propre comportement.
« Merde, désolé. » Il s'enfonça les ongles dans la nuque. « Qu'est-ce que tu fais là ? T'es censée être dans la chambre. »
« J'arrive pas à dormir. »
« Ok, désolé, je m'attendais pas à ce que... désolé. »
« C'est rien, c'est bon. Je comprends. » Elle passa à côté de lui sans un geste. « J'reprends juste un verre d'eau et je repars. J'avais besoin de sortir de la pièce, j'étouffais. » Adriana s'approcha de l'évier pour se resservir. Il fit de même, espérant qu'une eau gelée calmerait la brûlure d'anxiété qui rongeait sa poitrine. « Je crois que je suis claustrophobe maintenant. »
« C'est compréhensible. » Il reprit sa place sur le canapé, assis cette fois, certain d'être incapable de se rendormir après avoir manqué de tuer la brune. « Mais c'est terminé, soit rassurée. » Il regarda sur le côté pour la voir et préféra l'interrompre alors qu'elle ouvrait la bouche pour rétorquer. « Demain, je t'emmène à la gare routière et on t'achète un billet pour que tu te barres de cette putain de ville. Tu auras de l'argent liquide pour recommencer une nouvelle vie. »
Pendant qu'il lui annonçait son plan qu'il avait construit depuis leur enlèvement, elle s'approcha, attirée par cette issue favorable. Elle allait peut-être être libre, finalement, sans un mari violent et sans enfant de lui, sans trahir les amis de son père. Comme elle l'avait prié pendant des semaines, Mirko était sa sortie. Elle ne se rendit compte de ses larmes que lorsqu'elle essaya de se plonger dans ses prunelles, assise sur la table basse face à lui. Elle essuya ses cils et ses joues d'un geste rapide.
« Vraiment, et le contrat ? Beto ? L'héritier ? Le membre de ta famille enfermé ? »
Il haussa les épaules. « Tu ne mérites pas tout ça. Je l'ai toujours dit. Beto finira pas trouver une fille qui veut bien de lui et je trouverai un autre moyen de faire sortir de prison m... » Il préféra se taire. Avec elle, il semblait que sa bouche avait sa propre pensée. « Alors, prends cette chance. » Elle laissa échapper un sanglot qu'elle étouffa trop tardivement dans sa paume. « Me fait pas regretter. »
« Désolée. J'me sens juste...soulagée. » Il se laissa choir dans le canapé, les mains contre ses paupières. « Et toi ? Mirko, comment tu te sens ? » Il ne bougea pas d'un pouce, soudainement paralysé parce que personne, non, jamais personne, ne lui avait posé cette simple question. Il n'avait aucune idée de la manière dont on y répondait alors, il resta muet, figé. Adriana le vit se tendre sans relâcher la pression. Et, cette fois, ce fut elle qui eut pitié. « Est ce que tu as des douleurs ? » Il secoua la tête, les antalgiques morphiniques donnés par le médecin faisaient largement leurs effets, en particulier avec une bonne dose de whisky. « Pressé de retrouver ta vie habituelle ? Avant que je sois dedans ? »
« Je crois que ton départ apaisera les choses. » Il évita la question, incertain que son départ serait une bonne chose pour sa vie. « Mais même si tu étais... un facteur favorable au problème... tu n'étais pas la cause. »
« On dirait mon père qui parle. » Elle ne retint pas son rire jaune tandis qu'elle s'asseyait sur le canapé à son opposé. « Tu sais, ma mère est partie parce qu'il était jamais à la maison. Elle a rencontré un homme qui prenait soin d'elle et la suivit. » Il fronça les sourcils, confus de ses révélations. « Je ne lui en veux pas parce que j'ai fait la même chose dès mes dix huit ans. »
« Elle aurait pu te prendre avec elle, nan ? »
« C'est moi qui ai refusé, bêtement. J'étais en colère contre elle parce qu'elle le quittait. » Elle reposa sa tête contre le dossier, le regardant pleinement tandis qu'il faisait de même. « Elle m'envoie des cartes mais j'ai jamais répondu. »
« C'est l'occasion de la rejoindre, tu crois pas ? » Elle acquiesça, hésitante. C'était une grande décision à ne pas prendre à la légère. Néanmoins, lorsqu'il lui avait suggéré cette proposition, son cœur s'était emballé. Peut-être qu'elle ne serait pas complètement seule finalement. « Tu n'as rien à perdre. Si je pouvais revoir ma mère, crois-moi que je donnerai ma propre vie. »
Il l'avait murmuré simplement, comme un aveu qui s'était faufilé entre ses lèvres sans préavis. Adriana en resta songeuse et le laissa se perdre dans ses pensées. Il se demanda comment les choses se seraient passées en présence de sa mère. Pour sûr, la jeune femme ne se serait jamais retrouvée dans la maison. Ils ne se seraient jamais rencontrés. Néanmoins, il était certain qu'il serait apaisé. Beto n'aurait pas eu un deuil si complexe et peut-être qu'ils seraient devenus de vrais frangins et que leur père ne serait pas devenu ce voleur d'âmes errant dans la ville.
« Je crois qu'inconsciemment je savais que mon père ne faisait pas des choses bien. » Il quitta sa rêverie pour elle, encore. « Quand on voyageait, il me laissait souvent seule à l'hôtel ou dans l'accueil des hippodromes et il revenait avec de l'argent. Beaucoup d'argent. Il m'achetait plein de cadeaux et me faisait plein de câlins pour se faire pardonner de mes larmes. J'avais toujours peur qu'il oublie de revenir me chercher. Il m'a jamais oublié, bien sûr, et il m'aimait profondément, je n'ai aucun doute. Je n'ai jamais manqué de rien. »
« On paye toujours pour nos actes. »
« Et tu n'as pas peur de payer pour les tiennes ? »
« Pourquoi est ce que je devrais avoir peur si je sais à quoi m'en tenir ? »
« Oui, peut-être. »
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Cosmos
Romance« Je me battrai jusqu'à mon dernier souffle. » Elle se retira, se retenant de gémir alors que le fil arrachait sa peau. Le sang se mit à couler de nouveau, encore plus abondamment. « Alors, crois-moi, c'est moi qui ai l'avantage. » Cette fois, le ca...