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Adriana tenait fermement sa tasse de café tandis que Mirko, face à elle, s'allumait une cigarette. Ils s'étaient installés sur la terrasse pour profiter du beau temps, malgré l'instance du jeune homme sur le peu de sécurité à être ainsi, il avait cédé face à sa moue têtue. Il avait la tête qui tournait et la nausée au creux de l'estomac, pourtant, il se sentait soulagé d'être ici, les rayons de soleil contre sa peau et le regard de la brune dans sa direction. C'était comme retrouver un peu de force pour refaire surface, au moins quelques secondes pour reprendre son souffle.

« Parle-moi de ta mère. Comment ça s'est passé ? »

Elle ne cacha pas son sourire, ravie qu'il entreprenne la conversation. « C'était l'angoisse, sincèrement. J'étais complètement flippée et elle aussi. C'est son mari qui a fait le premier pas. Les choses se sont déliées avec les jours mais ça reste... étrange. Ma demi-sœur est une petite fille pleine de vie. Je crois que c'est lié au fait qu'elle ait un père et une mère. »

Il acquiesça, la laissant s'exprimer tandis qu'il écoutait attentivement. Elle lui permettait d'oublier ses propres histoires pour les siennes. Tout semblait se résoudre pour Adriana et il en était soulagé. Tous ses actes n'étaient pas horribles, il l'avait au moins aidée, peu importe ce que pouvait dire les autres. Elle lui raconta les repas de famille long mais festif où tout le monde discutait vivement tout en mangeant. Tout deux n'avaient jamais connu ça et malgré son engouement certain, il savait qu'il détesterait. Néanmoins, il fit l'effort de ne pas la contredire, souhaitant lui laisser pleinement le plaisir d'exprimer son bonheur. Du moins, jusqu'à ce qu'elle se rend compte de son regard vide sur elle.

« Mirko ? »

« Je t'écoute. Je t'assure. » Il éteignit son mégot dans le cendrier avant de boire une gorgée de son café. « J'suis content pour toi. C'est tout ce que j'voulais quand je t'ai dit de partir. Et tu dois y retourner. »

« Je vais y retourner. »

« Parfait. »

Il serra la mâchoire tout en se perdant dans le fond de sa tasse. Adriana ne loupait aucune de ses pertes d'attention, de son regard qui s'en allait au-delà du présent, de son faciès blafard et sans émotion. Elle avait conscience que la fusillade était liée à leur enlèvement, que la mort de Leo en était la conséquence et donc il était certain que Mirko était rongé par la culpabilité, elle en était sûre parce qu'elle aurait eu le même sentiment. Néanmoins, ce poids qu'il portait semblait être aggravé par lui-même et ses propres pensées ou pire, peut-être par sa propre famille.

« Mirko. » Elle avait murmuré faiblement, presque effrayée de le ramener à la réalité. Elle posa sa main sur la sienne. « Hey, Mirko. » Il se redressa, quitta le sol pour elle et lui fit un sourire si peu rassurant qu'elle abandonna le contact. « Est-ce que tout va bien ? »

« Tu sais que je déteste cette question. »

« Je sais. » Elle se força à rire légèrement, espérant le détendre un peu. « Qu'est-ce qui s'est passé quand t'es rentré sans moi ? »

« Rien, j'ai dit que t'étais restée là-bas. Beto était content. » Il secoua la tête tout en fronçant les sourcils, détestant son frère pour ses propos, mais surtout pour son absence d'aide. Après tout, même s'ils ne s'appréciaient pas, ils restaient des frères et pour sûr, Mirko se serait mis en danger pour son aîné, pour la famille. « Il savait qu'on était là bas et il a rien fait. »

« Ça a dû être difficile. » Il haussa les épaules tout en serrant la mâchoire. Ça l'avait été et ça l'était encore, surtout depuis la mort de Leo. Il était plus seul que jamais. Et même si Adriana était sa bouffée d'air ce matin, elle finirait pas partir et lui tourner le dos, comme les autres. « Et c'est de sa faute, cette fusillade et... l'accident. Quand est-ce qu'il va se rendre compte de tout ce qu'il provoque ? Tout ça pour le pouvoir et l'argent. »

« T'es pas obligée de faire ça, tu sais. Faire un discours sur les horreurs de mon frère pour me mettre en avant, pour essayer de me faire déculpabiliser de ce qu'il s'est passé. J'ai pas besoin de pitié. J'ai pris mes décisions et je regrette rien. La vie, c'est comme ça. Des gens partent et d'autres restent. » Il termina son café d'une traite, se brûlant la langue. « J'te commande un uber. »

« Pourquoi est-ce que tu fuis la conversation si j'ai tort ? » Il ne répondit pas, pianotant seulement sur son téléphone. « Pourquoi est-ce que tu es ivre si tôt ? Pourquoi est-ce que tu as l'air de ne pas avoir dormi depuis des jours ? Léo était bien plus que ton meilleur ami, on le sait tous les deux. Il était comme un frère. Il était le seul à être cent pour cent honnête avec toi et à ne rien attendre de toi. Pas vrai ? Alors, tu peux te mentir mais tu peux pas me mentir. Je vois les choses, j'suis pas stupide et j'm'en fiche pas. » Elle le vit se tendre, les épaules remontant tant son souffle était coupé et qu'il maintenait sa colère à l'intérieur. « Je te vois. »

« Arrête de prétendre que tu me connais ou pire, que j'ai besoin de toi. » Il ouvrit son portefeuille, jeta quelques billets avant de s'éloigner. Il était trop furieux pour l'attendre réellement mais il marcha suffisamment lentement pour l'inviter à le rejoindre. Elle ne perdit pas une seconde pour prendre son sac et courir derrière lui. Elle attrapa son bras pour qu'il s'arrête et se retourne. « Arrête d'être obsédée, arrête de penser que tu peux me sauver. »

« C'est pas ce que je pense. T'es bien trop imbus de ta personne pour croire ça. J'ai juste de l'empathie. Tu devrais essayer, imbécile. »

Il ria jaune tout en se libérant. « De l'empathie pour le gars qui t'a enlevé et a tué ton père. »

« C'est pas toi qui l'a fait. » Il s'approcha jusqu'à ce qu'il n'y ait plus que quelques centimètres entre leurs chaussures. Elle ne recula pas, relevant seulement le menton pour continuer de le regarder dans les yeux. Il fit de même, son souffle contre le visage d'Adriana. « Tu n'as fait que me protéger et me sortir de cet enfer. Tu n'as rien fait. C'est pas toi. »

« C'est tout comme. »

« T'es pas Beto. » Il quitta ses prunelles pour sa bouche, certain de pouvoir y lire ses secrets. Instinctivement, il s'inclina un peu plus vers elle tandis qu'elle entrouvrait ses lèvres. « T'es pas ton père. »

« T'en sais rien, pulcino. »

« Arrête d'utiliser ce surnom pour me diminuer, ça marche pas. » La commissure droite de la lèvre de Mirko remonta dans un léger sourire. « Peut-être que j'en sais rien mais je le sens et j'ai vu une partie de toi. »

« Il est temps que tu rentres. Ça peut pas continuer, tout ça. » De son index, il montra l'espace entre eux. « Rentre chez toi. Ne reviens pas. »

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