Mirko jeta sa cigarette dans les égouts avant d'entrer. C'était un de ces restaurants où on vérifiait sa tenue avant de réserver, un mois plus tôt, pourtant, malgré sa veste en jeans et son bonnet gris, il s'engagea à l'intérieur comme s'il était chez lui. Il salua d'un simple hochement le patron qui se tenait à gauche, un journal dans les mains et un air supérieur. Il le détestait sincèrement parce qu'il était imbus de lui-même comme s'il valait quelque chose, comme si sa vie valait quelque chose. Pourtant, c'était bien le père du jeune homme qui gérait sa boutique. Il n'était qu'une petit main, comme tant d'autres.
Il s'approcha directement du comptoir et s'y appuya nonchalamment. Il n'eut à attendre qu'une serveuse arrivait pour prendre sa commande. Comme toujours, il demanda les lasagnes du chef. La demoiselle prit note comme s'il avait commandé dix plats différents, le rose à ses joues devenant rouge, avant de s'éclipser dans la cuisine. Il ne put s'empêcher de secouer la tête face à sa réaction peureuse. Toutefois, lorsqu'il tourna vers la droite, son regard s'arrêta sur une femme et ce fut à son tour d'être distrait.
Aux premiers abords, elle était simple, brune, yeux marrons, comme beaucoup d'autres ici. Néanmoins, il semblait intrigué par cette prestance et élégance générales. De plus, elle portait le genre de robe qu'on ne mettait que dans les grands événements et qui faisait oublier quiconque dans un rayon de plus de cinq mètres. Son radar visuel descendit jusqu'à ses jambes dont une était dénudée grâce à l'échancrure, puis à ses talons. Inconsciemment, il s'humecta les lèvres avant de la quitter, interpellé par la serveuse qui lui ramenait un carton chaud mais aussi une enveloppe épaisse où était inscrit son nom Castellano.
D'un millième de secondes, il manqua de croiser son regard avec celui d'Adriana.
« Tu m'écoutes ? » Elle inspira profondément tout en fermant ses paupières lentement. Lorsqu'elle les ouvrit, le jeune homme avait disparu et elle ne put que s'intéresser à celui devant elle, bien plus âgé, bien moins beau à regarder. Il était rouge, la peau épaisse et les traits épuisés. Il était usé par la vie, et son costume pourtant cintré et coûteux n'améliorait pas son allure. « Adriana, j'ai besoin que tu m'écoutes. Je dois partir rapidement en Italie et j'aimerais que tu viennes avec moi. »
Elle se força à rire tout en secouant sa tête. Depuis sa majorité, elle ne le suivait plus dans ses voyages. Elle avait construit sa vie en parallèle à la sienne, tout en faisant une halte pour les fêtes. « Papa...Tu sais que je ne suis plus une gamine ? »
« On n'a pas le choix. J'ai quelques... » Il souffla avant de plaquer le peu de cheveux restants contre son crâne. «...soucis. »
« J'ai un travail. »
« Je te ferai le retrouver quand on rentrera. Je te trouverai même mieux. » Son ton insistant n'arrivait à camoufler les tremolos d'inquiétude. Elle se pinça les lèvres tout en acquiesçant, agacée mais surtout frustrée. C'était aussi simple que ça et ça l'avait toujours été. Son paternel n'avait besoin que de quelques appels pour qu'elle ait une nouvelle vie, une nouvelle profession. « Tu mérites mieux, de toute manière, que ce simple... boulot. » Elle tiqua face à son jugement. Il ne lui pardonnait pas son refus de devenir comme lui. Elle souffla tout en pliant sa serviette pour se calmer mais surtout retenir les mots vénéneux de sortir de sa bouche.
« Est-ce que j'ai le temps de prendre un dessert, au moins ? Je suis venue ici pour ça. »
Il lui demanda de prendre à emporter et elle le fit, prenant la même place au comptoir que Mirko quelques minutes plus tôt. Elle dut attendre un peu plus longtemps que lui, étant sur un terrain étranger, mais finalement elle commanda un tiramisu qu'ils mirent dans un carton. Son père paya la note avec quelques billets froissés puis la guida jusqu'à la voiture où un chauffeur les attendait déjà. Elle se blottit dans son siège arrière, appréciant le chauffage, contraste avec la nuit hivernale. Elle fut désagréablement surprise de voir son petit sac de voyage entre son paternel et elle. Pour sûr, il avait envoyé quelqu'un dans son propre appartement pour lui prendre quelques affaires.
« Vous avez été dans mon appartement ? » Le conducteur regarda dans son rétroviseur tout en plissant les lèvres. Le ton d'Adriana n'annonçait rien de bon. Elle avait quitté la maison familiale pour gagner un peu de liberté mais il semblait que celle-ci n'était que virtuelle. « Papa, c'est mon appartement ! »
« Il fallait bien qu'ils fassent tes valises. »
« Et si j'avais refusé de venir ? »
« Je savais que tu allais accepter. »
Il haussa les épaules paresseusement et elle préféra regarder les lumières de la ville plutôt que d'envenimer la situation. Elle se mordilla la lèvre inférieure presque au sang pour se taire.
Néanmoins, elle n'eut le temps de s'adoucir que la vitre avant explosait par une balle. Celle-ci se logea précisément dans le crâne du chauffeur qui perdit la vie immédiatement, laissant le volant vaguer selon les obstacles sur la route, son pied bloqué sur l'accélérateur. Par réflexe, Adriana se camoufla derrière le siège tandis que d'autres balles fusèrent. Ses cris se mélangèrent à ceux des passants tandis que son père n'eut le temps de la rassurer qu'il tombait sur elle, quelques secondes plus tard, mort sur le coup à son tour.
Finalement la voiture arrêta sa course en s'enfonçant dans un lampadaire dans un bruit sourd. Le silence envahissait la rue pendant que les piétons fuyaient tous en courant. La brune resta immobile, espérant que les meurtriers ne s'approchent pas. Toutefois, c'était peine perdu, les quatre portes s'ouvrirent simultanément.
« Prenez leur visage en photos. On a besoin de preuves. »
Ils tirèrent sur le bras de son père pour le retourner, la découvrant, recroquevillée, les paupières closes comme s'il ne pouvait pas la voir parce que, elle, ne pouvait pas. « Les gars, on a une meuf. »
« En vie ? »
Il lui fit une chiquenaude sur le front qu'elle ne put s'empêcher d'esquiver. « En vie. » L'homme qui semblait être le meneur depuis le début approcha pour jeter un coup d'œil. Il était habillé chiquement d'un costume d'une marque hors de prix.
« Mettez-la dans le coffre. Je la veux. » Elle lui envoya son tiramisu qui s'écrasa seulement contre le bitume, à quelques centimètres de ses chaussures en cuir. Il ricana devant sa tentative désuète. « Et attachez-la. J'ai pas de temps à perdre comme ça. »
« Où est-ce que tu veux qu'on l'emmène ? »
« Au hangar. »
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Cosmos
Romance« Je me battrai jusqu'à mon dernier souffle. » Elle se retira, se retenant de gémir alors que le fil arrachait sa peau. Le sang se mit à couler de nouveau, encore plus abondamment. « Alors, crois-moi, c'est moi qui ai l'avantage. » Cette fois, le ca...