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Beto et Mirko s'étaient tout deux assis sur le canapé, chacun à une extrémité tandis que leur père faisait face. Il était tard dans la nuit mais pourtant, le chef de famille était encore habillé d'un costume. Adriana ne put s'empêcher de penser qu'il dormait ainsi, toujours prêt, ou pire qu'il n'était pas vraiment humain et n'avait besoin de dormir. Elle, en tout cas, s'était assise sur le canapé du côté de Mirko, instinctivement mais surtout, se sentant plus en sécurité. Malgré tout, elle se recroquevilla sur son siège, ses genoux contre sa poitrine pour se protéger.

« C'est quoi ce bordel ? Depuis que cette gamine est là, vous êtes encore plus insupportables ! Je commence à en avoir marre ! Les choses sont claires depuis le début, chacun ses missions et ses rôles. Mirko, j'veux plus te voir auprès d'Adriana, t'entends ? »

« Désolé de pas soutenir les actes de torture de Beto. »

« De quoi tu parles ? »

L'aîné se redressa. « Il dit n'importe quoi ! Il est juste jaloux parce qu'il veut la baiser ! »

« Montre. » Il regarda la brune qui essaya d'avoir toute sa pitié par un regard. Elle n'avait aucune envie de montrer à tout le monde son corps lésé. « S'il te plaît. »

Elle ferma les paupières quelques secondes, touchée par sa supplication. Alors, elle se leva pour soulever son t-shirt jusqu'à montrer ses côtes. Le regard du patriarche devint noir. Il était loin d'avoir le cœur sur la main mais il détestait voir un de ses fils n'avoir aucun limite, notamment sur une jeune femme qui n'avait aucun moyen de se défendre. Les trois jeunes adultes le virent virer au rouge tandis qu'il serrait les poings pour retrouver son calme.

« Descendez votre t-shirt, mademoiselle. » Elle obéit, les larmes aux yeux. « Allez dans votre chambre. » Elle acquiesça. Avant de prendre le couloir, elle jeta un dernier regard à Mirko qui se força à lui faire un hochement de tête réconfortant. Il se tenait, debout, contre eux, pour elle, mais aussi pour lui même ainsi que les valeurs qu'il portait. « Vous deux... je vous supporte plus. » Le père se pinça l'arrête du nez avant de se servir un whisky. Habituellement, c'était leur mère qui gérait les conflits fraternels, maintenant, c'était lui qui devait s'en occuper et il se rendait bien compte qu'il n'était pas doué pour être un parent. « Beto, je ne changerai pas d'avis et il est temps que tu te calmes. Tu vas venir en Sicile avec moi. »

« ....papa ! »

« Tais-toi. Je t'ai laissé plusieurs chance et je crois que retrouver certains de nos amis te permettra de revoir tes valeurs. » Il pointa son index vers lui. « Lève toi, fais tes valises, tu pars ce soir. » Il n'essaya pas d'argumenter plus et quitta le salon. « Qu'est-ce qu'il se passe avec elle, Mirko ? »

« Rien. Seulement, on ne manque pas de respect à une femme, à sa future femme. Il l'a scarifiée, sans raison, à la maison. Imagine ce que maman dirait. »

« Ta mère n'est plus là. »

« Alors tu cautionnes ce qu'il a fait ? On ne respecte plus aucune règle ? On torture qui on veut, on tue sans réfléchir. » Son père lui servit un verre qu'il accepta volontiers. « Adriana n'a rien à voir avec Cascio. Elle ne savait pas ce qu'il faisait. Elle était juste là, au mauvais moment. Et si Beto avait bien travaillé, jamais elle n'aurait été là. »

Le chef de famille commença à faire les cents pas tandis que Mirko se servait un autre whisky. Lui-même était anxieux mais il ne pouvait se permettre de le montrer. Pourtant, depuis qu'il avait vu l'initiale de son frère sur les côtes d'Adriana, son cœur n'avait pas arrêté de cogner comme s'il frappait pour la venger de son manquement. Il lui avait dit qu'il serait là, ce n'était pas une promesse faite mais c'était tout comme. Il prit place paresseusement sur l'accoudoir pour se retenir d'imiter son père. Ce dernière s'arrêta enfin pour regarder son fils. Ils n'étaient pas particulièrement proches mais pourtant, il arrivait à voir un changement d'humeur chez son cadet si apathique habituellement.

« Je n'ai pas énormément de solution. »

« Papa... » Mirko secoua la tête, refusant de l'entendre dire qu'il fallait se débarrasser d'elle, définitivement. « C'est pas elle le problème mais bien Beto. S'il savait se tenir un minimum... »

« Tu ne veux pas qu'on l'élimine, alors ? »

« On peut. » Il haussa les épaules malgré la sueur d'angoisse dans son dos. « Mais la prochaine souffrira tout autant. »

« Je vais partir avec Beto, en Sicile. Je devais y aller seul parce que je dois voir de anciens amis. » Mirko serra la mâchoire pour retenir un souffle de soulagement. La maison serait vide. Il ne resterait plus que lui et Adriana. « Mais je te préviens, rien ne doit se passer entre vous deux. Elle a confiance en toi alors si ça peut l'aider à accepter sa nouvelle vie et à nous aider, tant mieux, mais elle reste promise à Beto. »

« J'suis pas intéressé. » Il se redressa et déposa son verre. « Ça fait bien longtemps que je ne crois plus aux relations amicales ou amoureuses. »

Son père ne chercha pas à réagir puisque Mirko fuyait les relations depuis longtemps. Il avait un ami, Léo, qu'il connaissait depuis toujours mais sinon, il détestait tout le monde, pour des raisons superficielles mais qui ne prouvaient que son aversion sociale. Son père tapota son épaule alors qu'il s'éloignait pour rejoindre Adriana afin de lui annoncer la nouvelle. Sa porte était encore branlante et il n'eut besoin que de la pousser légèrement pour qu'elle s'ouvre. Il tomba sur la brune, debout, son t-shirt relevé. Elle frottait, presque avec ses ongles, sa peau écorchée, espérant qu'elle pourrait faire disparaître cette lettre. Il se précipita vers elle pour attraper son poignet et l'empêcher de continuer à se mutiler.

« Arrête tes putains de conneries. »

« C'est horrible. » Il n'essaya pas de la retenir alors qu'elle se libérait pour s'éloigner, les mains tirant ses cheveux vers l'arrière alors que de grosses larmes coulaient déjà. « Ça fait mal et... et c'est humiliant. Je lui ai rien fait, Mirko, je te le jure que je lui ai rien fait. » Il resta silencieux tout en se retenant de s'approcher d'elle. « J'veux l'effacer. J'veux pas avoir ça sur moi. »

« Ça va guérir. »

« Ça restera et tu le sais ! » Elle se rapprocha de lui, hurlant contre lui. Elle remonta une nouvelle fois pour lui montrer. Les coupures étaient épaisses et profondes et pour sûr, elles laisseraient une trace à vie. « Regarde Mirko ! »

« J'ai vu, je sais. » Elle souffla, agacé de son flegme ainsi que du peu de mots qu'il disait à la minute. « Calme-toi, ça n'arrangera pas les choses. »

« Ça ne te fait rien, ce qui m'arrive. » Elle sécha ses larmes d'un revers de main. Elle avait espéré qu'il soit de son côté, qu'il se révolte, mais il restait là, presque muet. En réalité, il était seulement dépassé par la situation, coupé en deux entre sa famille et elle. Il se devait d'être loyale, comme toujours. « Laisse-moi. »

« Beto part avec mon père en Sicile quelques jours. »

« Eh bien tu devrais partir avec eux ! »

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