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Mirko attendit impatiemment l'arrivée de la nuit puis du beau père d'Adriana. Néanmoins, lorsqu'il le vit, il n'eut le temps d'ouvrir sa portière qu'il lui faisait un signe de tête en refus. Ils avaient besoin de parler, de faire le point sur la soirée précédente. Le contrat était clair, ses visites devaient avoir des conséquences positives. L'aîné entra dans le véhicule tout en soufflant de fatigue. Il était encore en robe de chambre et pour sûr, c'était pour que Catherine ne se doute de rien. Le brun ouvrit la vitre pour s'allumer une cigarette.

« Vous avez un truc à me dire ou je peux aller la voir ? » Il était impatient de la retrouver, de s'assurer qu'elle allait mieux et peut-être même de rester un peu plus longtemps que la dernière fois. « Elle a mangé aujourd'hui ? »

« Qu'est-ce qu'elle a dit ? »

« Ce qu'elle me dit, ça reste entre elle et moi. » Jamais il ne trahirait la confiance de la jeune femme. Puis, de toute manière, ils n'avaient que discuter de lui. Il voyait très clairement qu'Adriana n'était pas prête à parler de ce qu'il s'était passé. Elle avait besoin de temps pour digérer par elle-même avant de verbaliser son vécu. « Il faut la laisser tranquille et guérir. Elle parlera quand elle le voudra et ça l'aiderait de ne pas entendre de propos négatifs à son encontre. Elle est pas sourde. » Son ton était ferme et coléreux. Son caractère protecteur semblait s'amplifier à sa pensée. Le passager ne se laissa pas impressionner pour autant, à l'inverse, il ricana silencieusement dans sa barbe. « Qu'est-ce qu'il y a de si drôle ? »

« Tu la connais à peine. »

« Et vous pensez mieux la connaître ? » Il secoua la tête et jeta son mégot avant de sortir de sa voiture. Il avait besoin de marcher, d'éliminer cette énervement qui électrocutait ses membres. « Moi je prétends rien. »

« Je connaissais son père. » Il voulut lui dire que lui aussi, qu'il l'avait même vu jusqu'à sa mort mais il se retint. Tout ce qu'il voulait, c'était voir Adriana et il était là seule personne à lui permettre. « Il faut que tu saches qu'elle a pas eu une enfance rose comme on le croirait... »

« ... Vous ne m'apprenez rien. Et si je dois connaître des détails sordides de sa vie, ça sera elle qui me le partagera. Ok ? Dois-je vous rappeler que vous ne l'avais jamais protégée ? Moi si. Vous pensez être en position de force mais c'est pas le cas. Je reste seulement diplomate parce qu'elle tient à vous et que je le veux bien mais ne testez pas non plus ma patience. »

Il n'attendit pas qu'il dise quoi que ce soit et entra dans la maison. Celle-ci était calme et faisait contraste à son humeur. Il ne prit pas le risque de sa faire prendre par Catherine et se dirigea vers la chambre d'Adriana. Lorsqu'il ouvrit la porte, celle-ci était dans la pénombre mais grâce au volet ouvert, il pouvait voir la silhouette de la jeune femme. Celle-ci était dans son lit, allongée et sûrement endormie. Il resta silencieux et immobile, la détaillant un instant, du moins, s'imaginant chacune de ses formes jusqu'à ses plus fins traits de son visage. Il la connaissait par cœur tant il avait regardé ses photos sur son téléphone lors de son absence mais rien ne valait de voir son visage s'animer. Il retira ses baskets à l'entrée puis déposa sa veste sur la chaise de bureau. Il se pencha au-dessus d'elle pour vérifier qu'elle dormait mais ses yeux grandes ouverts lui prouvèrent le contraire.

Il sursauta tout en jurant. « Putain, merde, j'vais faire une crise cardiaque. » Il souffla. « J'pensais que tu dormais. »

« Je dormais mais j'ai entendu le parquet grincer. T'es pas des plus discrets. » Elle tira sur la couette pour l'inviter à entrer. Il s'allongea à ses côtés, expirant de plénitude. Il avait attendu ce moment toute la journée et même si la raison exprimée ouvertement était son besoin de repos, il ne pouvait s'empêcher d'être soulagé d'avoir Adriana à ses côtés. « T'as vu mon beau-père ? »

« Ouais. » Il s'installa sur son dos, sa main contre son front, lasse. « C'est pas important, en vrai. Comment était ta journée, toi ? »

« J'ai mangé, comme tu me l'as demandé. » Elle tira sur sa manche pour attraper son poignet puis jouer avec ses doigts distraitement. Il tourna la tête vers elle, elle était cernée et ses pommettes étaient bien trop saillantes. Il voulait la revoir comme avant, souriante, les joues roses et les yeux brillants. Toutefois, il avait conscience que six semaines d'horreur secrète ne pouvait se réparer si aisément. « T'es dans tes pensées. »

« J'suis juste crevé. »

« Tu restes combien de temps ? » Il haussa les épaules tout en refermant ses paupières. Il voulait rester jusqu'à ce qu'on le mette dehors, il était prêt à prendre le risque. « Il t'a parlé de mon père. »

« Il a voulu mais je lui ai pas laissé la chance. Si quelqu'un doit parler de toi et de ton histoire, c'est toi. »

« Et tu veux que je t'en parle ? » Il ne répondit pas, lui laissant le choix. S'il avait pu, il aurait refusé, simplement pour se protéger un peu. Plus il la connaissait, plus il semblait attiré. Et c'était si effrayant qu'il en avait le cœur qui cognait. « Papa... mon père voyageait beaucoup, ça je te l'ai déjà dit. Quand ma mère est partie, il est devenu encore plus accro au travail et je devais le suivre partout... On faisait la collection de tasses à chaque villes et il m'achetait toujours plein de cadeaux quand il revenait. On allait dans de grands restaurants et on mangeait jusqu'à avoir mal au ventre. C'était chouette. »

Il s'installa de profil pour la regarder pleinement. Elle semblait heureuse face à ses souvenirs, oubliant complètement les larmes et les crises causées par ses abandons. Et lui-même n'en avait pas encore conscience. « Ça avait l'air chouette, en effet. Tu ne te sentais jamais seule ? En étant toujours dans différentes villes... on se fait difficilement des amies. »

« Mon père me suffisait. »

« Pourquoi est-ce que ton beau-père ne l'apprécie pas alors ? Juste pour ses magouilles ? Juste parce que c'est l'ex de ta mère ? » Elle quitta ses yeux pour leur lien. « Pulcino... qu'est-ce que tu me dis pas ? »

« Rien. Tout va bien. »

« Comme tu veux. J'suis là, si tu changes d'avis. »

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