Bangangté, Ouest Cameroun.
Cabrelle s'était rendue à l'hôpital en trombes après avoir reçu le coup de fil de son frère très tôt ce matin. À son arrivée, elle l'a trouvé dans un piteux état.
_ Qu'est-ce qui s'est passé ?
Il n'a pas osé lui dire la vérité.
_ On m'a agressé.
_ Mince ! Heureusement qu'on ne t'a pas poignardé. C'est terrible ça !
Il a soupiré car au fond , il savait qu'il avait mal agi.
_ Du coup, comment tu vas faire maintenant ?
_ À quel sujet ?
_ Les factures, tu sais que je suis limite et avec ta soutenance les parents sont à sec.
_ Je vais me débrouiller.
Il ne savait pas encore comment il allait procéder mais comptait bien trouver une solution.
_ Je vais t'aider ...
Dit-elle d'un air dépité.
Il a semblé stupéfait.
_ Hum, ne fais rien de bizarre.
_ T'inquiète.
La seconde qui suit, son portable a sonné. Elle s'est éloignée pour répondre.
_ Allô ?
_ Tu es où ? Les clients seront bientôt là il faut se préparer.
_ J'ai eu un contretemps, j'arrive !
_ Okay, dépêche-toi.
Elle a raccroché et a expiré tout l'air qui se trouvait dans ses poumons. Un long weekend l'attendait au cours duquel, elle allait s'introduire dans un monde plein de vices afin d'obtenir tous les petits plaisirs de la vie dont elle avait tant rêvé. Quand elle a rejoint son frère, il a remarqué son air hagard et s'est empressé de la questionner mais de manière intelligente elle a réussit à contourner ses questions.
_ Tu quittes quand ?
Dit-il enfin, après s'être rendu compte qu'elle ne voulait pas s'ouvrir.
_ La semaine prochaine.
_ Pourquoi ? Les cours sont terminés et tu n'as pas de matière à valider au rattrapage. Qu'est-ce qui te retiens encore ici ?
_ J'ai pas envie de retourner sur Douala, avec tout ce que ça implique .
Il secoue la tête.
_ Maman aura besoin de ton coup de main et tu sais que c'est en majeure partie grâce à ses efforts qu'on est là.
Elle écoute son frère d'une oreille, il n'a pas tort. Leur père est devenu invalide suite à un accident de travail et depuis lors c'est leur mère qui se charge de tout.
_ CABRELLE !
Il hausse le ton et elle sursaute.
_ Je vais rentrer t'inquiète. Peut-être on fera le chemin retour ensemble.
Sa réponse semble le rassurer et il se calme.
_ C'est mieux, je ne serais plus là l'année prochaine. Je te prie d'être sage. Pense à tout cet argent que les parents ont investi , ne gâche pas tout. Donne le meilleur de toi je t'en prie .
_ C'est compris !
Par la suite, elle dévie leur conversation et ils échangent pendant une bonne heure. Quand ils se séparent, elle lui promet de revenir le voir en soirée mais se charge tout de même de lui laisser de quoi manger.
Richard l'observe s'en aller, même si elle a essayé de faire semblant il sait qu'elle a des choses en tête et prie pour qu'il ne lui arrive rien de mal. De fil en aiguille, ses pensées s'orientent vers Aline. Il l'avait souillé et elle ne l'avait pas supporté. Aujourd'hui elle n'était plus là mais il lui arrivait des fois de penser à elle.
Acceptera t'elle de lui pardonner un jour ? Et Stéphanie ? Le cycle s'était répété. Il devait trouver un moyen de se contrôler sinon ça allait lui coûter cher à l'avenir.
....
Bangou, Hôtel T.
Après le bain Kylian et moi avons passé la journée à nous distraire. Il était d'excellente compagnie et pendant un bon bout j'ai eu l'impression de revivre nos premiers instants. Tout était simple et fluide, sans prise de tête ni réflexion. En soirée, nous avons dîné en tête à tête. L'ambiance était romantique et j'ai fait l'effort de capturer chacun de ces instants dans mon esprit. On discutait de tout et de rien , il me racontait comment s'était passé son stage académique à Bafoussam. Je l'écoutais attentivement car bien évidemment, le moment venu j'allais passer par là moi aussi. En pleine causerie, son portable s'est mis à sonner. Il n'a pas décroché mais a plutôt renvoyé l'appel.
Son geste m'a attristé, j'aurais voulu le questionner afin qu'il me donne des explications mais je n'avais plus le droit de le faire.
_ Qu'est-ce qu'il y'a ?
Dit-il ensuite en me fixant de ses yeux noisettes.
_ Rien !
J'essaie de masquer mes émotions en me rappelant qu'il ne me doit aucune explication.
_ Okay !
Il n'insiste pas et fait comme si de rien était.
L'instant d'après, son portable sonne à nouveau mais il préfère l'éteindre cette fois-ci. Ça m'irrite, je n'arrive pas à me contenir cette fois-ci et sans crier gare, je l'assome de questions.
_ Stéphanie calme-toi !
_ C'est Stef ! Pourquoi tu fais exprès de m'appeler sans mon diminutif ?
_ C'est ton prénom, pourquoi ça t'énerve ? Et si j'ai bonne mémoire au départ tu n'appréciais pas que je t'appelle ainsi.
_ Mais ce n'est plus le cas maintenant. Fais-le s'il-te-plaît.
Ma voix devient suppliante et ça m'offusque. Instinctivement, je me mords ma lèvre inférieure pour cacher mon angoisse.
_ Stefy, tu es difficile à cerner , capricieuse et vraiment égoïste. Tout doit se faire comme tu veux au moment où tu le désires.
_ Ce n'est pas vrai ce que tu dis.
_ Cite moi un exemple d'une situation où tu as fait preuve de bon sens ?!
_ ...
_ Tu vois ? Tu t'es retrouvée face à une situation malencontreuse je t'ai secouru mais après cela comme par magie tu t'es dit: il faut que cet homme soit avec moi. Tu l'as fait par dépit ? Par crainte ? T'ai-je manqué ? T'es-tu demandée si j'avais été touché par ton attitude égocentrique ? Nonnnn tu ne t'es posée aucune question. Le train s'est arrêté sous tes ordres et il reprendra de la même manière.
_ Je...
J'essaie de m'exprimer mais je n'arrive pas.
_ Ne te fatigue pas Stéphanie. Tu veux une relation sans attache mais tu n'es pas en mesure de contrôler tes sentiments.
_ Je...j'ai fait une erreur mais tu peux me comprendre et m'excuser.
_ Je t'ai déjà excusé.
_ Merci !
Je sais que ça prendra du temps mais j'ai foi en l'avenir. Notre relation n'est pas totalement perdue en fin de compte.