Ce jour est le dernier où j'écrirai dans mon journal intime. Il reste encore des pages, mais il n'y aura plus personne pour les noircir.
J'ai fait mon lit, arrosé ma plante verte, rangé mes disques et fait la vaisselle. Ensuite, j'ai écrit mes lettres d'adieu. Il y en a une pour Minhok et une autre pour mes fans ; une qui sera rendue publique et une autre qui restera dans l'intimité de mon cercle familial.
J'ai préparé le grand saut. Je ne pourrai plus revenir en arrière. J'ai commencé ce journal en me disant qu'il serait le témoignage de ce que peut être la vie d'un Idol. Il y a de ça quelques mois, jamais je n'aurais pensé que les évènements tourneraient de cette manière. Ma vie d'Idol est terminée, je clos donc ce journal. En écrivant ces dernières lignes, j'ai de la peine. Je retiens mes larmes pour qu'elles ne souillent pas le journal. Si j'ai autant de peine, c'est parce qu'aujourd'hui, je vais faire beaucoup de mal à ceux qui m'aiment et je le sais, je le regrette. Je ne serai plus là pour leur expliquer que je n'agis pas de gaieté de cœur, que j'ai envisagé toutes les autres solutions, moins brutales, moins définitives. Il n'y a que comme ça que je pourrai rester celui que je suis. Celui que je suis vraiment, à l'intérieur. Pas l'Idol, l'Homme.
Je m'en veux pour le mal que je vais causer. Mes lettres d'adieu relatent mes excuses, mais ça ne sera pas suffisant. Il y aura de la haine. Il y aura de la rancune. On me traitera de lâche, de faible. Pourtant, ils ne savent rien. Et s'ils savaient, est-ce qu'ils comprendraient ? Il faut beaucoup de courage pour faire ce que je vais faire.
Il ne me reste plus, à présent, qu'à terminer ce journal. Je cherche une dernière phrase spirituelle et éloquente à y inscrire, quelque chose qui s'incrusterait dans la tête des historiens, lorsqu'ils retrouveront ce manuscrit dans cent ans ou dans mille ans. Je voudrais, en quelques mots, laisser une belle image de moi, une parole qui marque les esprits pour toujours. Le genre de maximes célèbres qui clôturent les pièces tragiques des plus grands auteurs. Quelles auraient été les dernières paroles de Martin Luther King, Confucius ou Kurt Cobain, s'ils avaient été à ma place ?
Je suis là, proche de la fin, et tout ce qui me vient me parait futile et sans originalité. J'ai regardé la couleur du ciel, par ma fenêtre. Il est rougi par le smog. Même lui ne m'inspire plus. Je ne veux pas faire une phrase de météo pour terminer mon journal, je cherche une idée si forte qu'elle resterait après moi des siècles ! Comment conclure l'histoire d'une mini-star telle que moi ? Comment finir en beauté, là où je n'ai pas su vivre avec panache ?
J'ai beau me creuser la tête, je ne trouve pas de point final.
C'est l'histoire de ma vie, je n'ai pas de fin à proposer. Je n'ai été qu'une petite star qu'on oubliera bien vite. Pire, probablement qu'on ne retiendra de moi que ma fin, ma fin tragique... Les gens retiennent les drames plus durablement que les victoires.
On dira :
« Tu te souviens de Song Minsuk ?
— Non ! Qui ?
— Mais si ! L'Idol qui s'est suicidé en se jetant dans le fleuve Han.
— Ah ! Lui. »
C'est injuste.
J'ai bossé comme un chien toute ma vie et c'est la fin qui restera.
Non, vous qui lisez ce journal, que vous soyez mon frère ou quelqu'un d'autre, ne retenez pas que ce dernier chapitre. S'il vous plait. Revenez au début et lisez ce qu'a été ma vie cette année. Il y a beaucoup de moi dans ce journal. Il y a aussi des vérités sur un milieu qui n'est pas ce que l'on croit. Lisez, parce que je suis convaincu que ma vie vaut la peine d'être racontée.
S'il vous plait.
Dites-moi qu'elle vaut la peine !
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Pour Minsuk
Mystery / ThrillerQuand Jeanne, dix-huit ans, débarque à Séoul, elle traine une grosse valise rouge, un lourd passé et des montagnes de questions sans réponses. Le but de son voyage : prouver que l'idole de sa jeunesse, Minsuk, ne s'est pas suicidé quatre ans aupar...