66. Cher journal... (réécriture)

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Dans la nuit du 3 au 4 aout, j'ai enregistré « La grève du son »

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Dans la nuit du 3 au 4 aout, j'ai enregistré « La grève du son ». Je n'ai enregistré qu'une seule version et la composition que j'ai choisie pour accompagner le texte était déjà dans nos disques durs depuis des mois. J'avais proposé ce son pour « Ange & Démon ». Refusé, comme tant d'autres. Tant mieux, grâce à ça, il m'appartient toujours.

J'ai mis la chanson sur Soundcloud, la plate-forme qui permet de partager librement de la musique. J'avais déjà mis des compositions personnelles sur ce site, une petite dizaine. Presque toujours des titres qui ne correspondaient pas à la catégorie étroite de l'Idol. Les retours sont positifs, bien que peu nombreux il faut le reconnaitre. Une composition que je mets sur Soundcloud peut être écoutées des milliers de fois. Mais les musiques de Song Minsuk mises en ligne par la Pak sont écoutées des millions de fois, cela met bien en avant l'importance des labels.

La Pak ne m'a jamais rien reproché à ce sujet. Elle me laisse publier des musiques, tant que je ne vends rien, tant que je ne conclus pas de marché avec une autre agence, ils n'interviennent pas.

Le 06 aout, nous sommes repartis pour poursuivre la tournée. J'étais exténué car je n'avais pas dormi depuis trois jours et trois nuits, à cause de tous ces évènements et du besoin impérieux d'écrire cette chanson. Depuis que « La grève du son » est en ligne, je me sens mieux, comme quelqu'un qui a retiré de son corps un poison laissé là depuis très longtemps. Même si les gens n'aiment pas, même s'ils critiquent mes propos, je suis prêt à les assumer. Ceux qui n'aiment pas n'auront qu'à ne pas m'écouter.

Même si j'ai décidé de ne plus me faire de souci à propos de la haine de ces gens sur les réseaux, je redoutais tout de même le concert de Melbourne. Après mon expérience à Séoul, j'ai eu envie d'annuler... comme si c'était possible. La salle de Melbourne est une salle de 5400 personnes. Mon agence refusera de rembourser.

J'ai dû m'assoir plusieurs fois durant les répétitions, les jambes coupées, et mon cœur qui palpitait dans ma cage thoracique comme un colibri qui serait devenu fou. J'ai regardé les chaises vides devant moi, la fosse qui ressemblait à une gigantesque piscine en hiver. J'étais hanté par cette image de salle vide et par l'écho qu'elle me renvoyait pendant que nous testions le son. J'entendais l'écho de ma propre voix et j'avais l'impression qu'il n'y avait plus que moi sur cette planète. J'étais au milieu d'un désert, je hurlais et personne ne me répondait. À part cet écho.

Je n'entendais pas la voix de Gong qui me rassurait. Je ne sentais pas sa main sur mon épaule. J'étais seul avec ma terreur, seul à tenter de trouver à l'intérieur de moi un refuge pour la contenir.

L'équipe devait être inquiète, pourtant, personne ne m'a proposé d'annuler le concert.

Un peu avant l'ouverture des rideaux, j'ai retourné une boite de pilules antistress dans ma main gauche, ma maladresse en a fait tomber une vingtaine au creux de ma paume. D'une manière aussi soudaine qu'absurde, j'ai été tenté de tout avaler.

— Qu'est-ce que tu fais ?

Gong m'a attrapé le poignet. Ses yeux étaient exorbités.

Même si l'idée m'a effleuré, je ne pense pas que je serais allé au bout. C'est comme regarder le vide, en haut d'un gratte-ciel, il nous attire, ça ne veut pas dire que nous allons sauter. Je n'allais pas le faire. J'ai rangé toutes les pilules, à l'exception de deux, qui m'ont fait du bien.

Je sais qu'à présent, à cause du blackocean, je ne remonterai jamais plus sur scène sans prendre mes médicaments avant.

~

À l'instant où le spectacle a commencé, je me suis senti beaucoup mieux. Je pense qu'on peut dire que l'énergie que m'ont donnée les E.T. y est pour quelque chose. La peur du vide a disparu quand j'ai vu les lumières, quand j'ai entendu les cris salvateurs de ma chimère à mille têtes préférées. J'ai dansé et j'ai chanté. J'ai compris que le scandale de la semaine dernière n'avait pas ébranlé le cœur de ma fanbase, mes admirateurs les plus solides. Les voix féminines ont scandé mon nom, comme un mantra. Mon amour-propre est passé soudain du sentiment de n'être qu'un cafard, à celui d'être un dieu vivant.

À mi-concert, la régie a éclairé la salle, comme cela était prévu, pour que je prenne une photo avec mes fans. Des dizaines de banderoles se sont levées et j'ai lu : « Redevenons des amoureux, devant et sur la scène ». Portant ma main devant la bouche, je n'ai mis qu'une fraction de seconde à reconnaitre ces mots, mes mots. Dans un balbutiement cacophonique, des voix se sont élevées pour chanter. J'avais bien du mal à comprendre le sens des paroles et de la mélodie. Mais au bout de quelques phrases, la foule s'est mise en harmonie, chantant en chœur le refrain. Les passages en anglais ont été d'une clarté absolue : « Because of you », « I would strike the sound ».

Je me suis mis de dos, aussi vite que j'ai pu. Je ne voulais pas montrer mes larmes. 

Pour MinsukOù les histoires vivent. Découvrez maintenant