67. Cheveux verts (réécriture)

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J'ai attendu qu'Ajeong soit en congé pour fouiller son dortoir en pleine nuit. C'était difficile. Il ne fallait laisser aucune trace de mon passage. J'avais attaché mes cheveux et enfilé une paire de gants de cuisine. J'avais conscience que c'était ridicule. Personne n'allait relever les empreintes après mon passage. Pourtant, je me sentais plus à l'aise avec mes gants.

J'ai fait très attention de remettre chaque objet à sa place. J'ai regardé sous les tiroirs, sous les lits. J'ai minutieusement inspecté les sols, à la recherche de trappes, et j'ai regardé derrière tous les posters. J'ai soulevé tous les bibelots, secoué toutes les peluches, tâté les couettes, les oreillers et les matelas. J'ai retiré les abat-jours des lampes, ouvert un à un tous les livres. J'ai même regardé dans la chasse d'eau des chiottes. Rien. Pas même des indiscrétions qu'aurait tenté de dissimuler Ajeong. Je n'ai trouvé qu'un paquet de cigarettes, qui n'avait pas l'air d'être caché ; une boite à bijoux qui fermait à clé (mais bien trop petite pour dissimuler un carnet).

Je n'ai trouvé aucune trace prouvant que Minsuk avait logé ici. Il n'y avait que des affaires appartenant à Ajeong. J'ai passé trois heures de ma vie dans cette chambre, à tout retourner, la boule au ventre à l'idée qu'on me découvre. Et rien. J'ai pris le risque de voler cette carte dans les vestiaires et fouiller les appartements de quelqu'un pour rien.

Bredouille, je rentre aux dortoirs des trainees filles. En ce moment, je sors en cachette toutes les nuits. Mme Cho n'est pas une gardienne très efficace, elle dort trop profondément, un vrai loir. Les autres filles m'ont peut-être vu faire. Un jour ou l'autre, l'une d'entre elles risque de me dénoncer. Je pense souvent à ce site sur lequel nous pouvons écrire tout ce que nous pensons de mal à propos de nos camarades. Il doit y avoir des dossiers sur moi. J'espère seulement que cela ne retombera pas sur Rémi. La nouvelle de notre relation a très bien pu faire le tour de l'école.

Je me glisse tout habillée dans mon futon et tourne la tête vers Nanae. Elle dort paisiblement.

Je ne trouverai jamais ce journal intime. Je ne trouverai jamais la preuve qu'il ne s'est pas suicidé. Jamais.

Cette fouille était ma dernière chance, la seule piste que je n'avais pas encore explorée jusqu'au bout. Il ne me reste plus rien.

Le plus surprenant, c'est que cet échec, cette soudaine résignation que je ressens, ne m'afflige pas. Je dois admettre que j'ai changé. Si je ressens du désappointement, ce soir, ce n'est pas parce que la piste n'a rien donné, mais parce que j'aurais préféré faire autre chose de ma nuit. Rejoindre Rémi, nous cajoler tous les deux dans le canapé du studio. Mon enquête est à deux doigts d'être classée sans suite, et moi, je rumine parce que j'ai raté une occasion de passer du temps avec lui.

~

Le lendemain, je profite d'un cours de communication avec les médias pour composer quelques SMS sous le bureau. L'enseignante de cette discipline s'avère moins attentive que les autres. Je ne suis pas censée avoir mon téléphone sur moi pendant les cours et je risque une grave sanction. Mais quand on a fouillé la chambre d'une professeure en pleine nuit, on apprend à considérer le mot infraction avec une certaine relativité.

Je rédige discrètement un message sous le bureau à l'intention de Minhok :

« Le journal de Minsuk ne se trouve pas dans la chambre qu'il occupait à la Pak. Il ne l'a pas caché là-bas. J'ai fouillé partout, il n'est pas à la Pak. »

Quelques minutes plus tard, je reçois une réponse :

« Vous passez vos journées là-bas. Vous devez forcément avoir trouvé ou entendu quelque chose ? »

Pour MinsukOù les histoires vivent. Découvrez maintenant