Je longe le mur à tâtons, aussi vite que possible, recroquevillée. Je cherche une cachette désespérément. Impossible dans cette obscurité. Comment se cacher quand on ne voit rien ?
La porte s'ouvre et la lumière s'allume, me mettant totalement à découvert. Morte de trouille, je tourne la tête et je le vois : Rémi.
— Jeanne, qu'est-ce que... ?
Il était là ? Je ne l'avais pas vu, trop obnubilée par le Sosie. Le soulagement de le découvrir lui plutôt qu'un autre... je me précipite sur lui. Ça me rassure tellement qu'il soit là. Je le serre contre moi, tandis qu'il pose une main sur mon dos.
— Cette manie de vous jeter dans mes bras, plaisante-t-il.
Un peu gênée de ma propre réaction, je le lâche et m'excuse. Nous sommes bien dans des vestiaires, une grande pièce, encombrée de longues tringles où pendent des manteaux, avec au fond, des sacs disposés sur des étagères. Dans un coin, sur une grande table surmontée d'une nappe bleue, des paniers contiennent les cartes numérotées qu'on nous a distribuées en échange de nos affaires.
— Vous pouvez me dire ce que vous faites là ? Si l'objectif était de...
Je ne le laisse pas finir sa phrase, ma main s'applique sur sa bouche pour le faire taire, tandis que je tends l'oreille. Quelqu'un approche.
J'éteins la lumière et j'entraine Rémi avec moi sous la table. Une seconde plus tard, la porte des vestiaires s'ouvre et la pièce s'éclaire. Je remarque que la nappe ne descend pas jusqu'au sol, il manque une dizaine de centimètres. Je prie pour que cela ne nous trahisse pas.
Rémi me questionne du regard. Je mets un doigt sur les lèvres. Pitié, ne me trahis pas. Nous nous serrons l'un contre l'autre dans notre minuscule cachette. Ma tête se rapproche de sa clavicule. Tout autour de nous, la lumière se diffuse au travers de la toile bleutée. J'ai l'impression de me trouver sous une toile de tente, au camping. Je retiens difficilement mon souffle.
— Il demande 4 000 000 de wons.
Tout doucement, je quitte le torse de Rémi et me baisse. J'aperçois les pieds de deux individus. Je frissonne en reconnaissant les mollets squelettiques, revêtus de noir, du Sosie. L'autre personne porte la tenue de travail d'un employé du Burning Sun. C'est lui qui vient de parler. M. Han lui répond :
— Il exagère. Propose-lui 1 800 000, c'est la même chose que l'année dernière et c'est largement suffisant pour un mec comme lui.
C'est la première fois que j'entends sa voix. Plus aigüe que je ne l'aurais imaginée ; elle siffle légèrement, très peu d'émotion y transparait.
— S'il n'est pas content, rappelle-lui que X Park est mon ami et que je connais très bien son prix habituel.
Le Sosie marche beaucoup en parlant. Il part d'abord dans la direction opposée à la table, suivi de près par son subordonné. Puis, soudain, il change de cap. Il se rapproche de nous, tout en continuant sa conversation.
— On fait comme d'habitude, 1 800 000 et une bonne soirée.
Je me redresse pour me plaquer à nouveau contre le mur, dans le coin, collée à Rémi. Bien qu'il ne comprenne rien au but du jeu, il accepte les règles de ce cache-cache improvisé, silencieusement et sans bouger. Je me ratatine, éloigne mes jambes le plus possible de la nappe trop courte. J'ose à peine respirer. Les pieds du mafieux parviennent au niveau de la table, aux frontières de notre cachette. À tout moment, j'ai peur qu'il se baisse et qu'il regarde sous la table.
Minhok m'avait pourtant prévenu de me tenir éloignée de ce type. Et moi, qu'est-ce que j'ai fait ? Je lui ai fourni la meilleure occasion de me prendre la main dans le sac. Avec Rémi en plus, qui n'a rien fait du tout. Merde !
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Pour Minsuk
Mystery / ThrillerQuand Jeanne, dix-huit ans, débarque à Séoul, elle traine une grosse valise rouge, un lourd passé et des montagnes de questions sans réponses. Le but de son voyage : prouver que l'idole de sa jeunesse, Minsuk, ne s'est pas suicidé quatre ans aupar...