76. La fan sasaeng (réécriture)

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Je m'approche des tentes, les bras croisés sur la poitrine. À mes pieds, des détritus pourrissent sur l'herbe folle, le trottoir et le caniveau. Je tends mes vertèbres, comme si cela pouvait m'aider à repérer plus facilement les personnes qui se camouflent dans ce jardin devenu camping de fortune.

Une première fille, une adolescente, s'extrait d'un abri et passe devant moi comme si j'étais transparente, une bouteille d'eau vide à la main.

— Eh ! je hèle sans conviction.

Pas de réaction. La petite s'éloigne sans se retourner, me laissant là, les bras ballants. Comment vais-je faire ? Comment annoncer mon arrivée dans un lieu qui ne possède pas de sonnette ? Et même pas une porte sur laquelle frapper.

— Excusez-moi ! crié-je en coréen, optant finalement pour la solution la plus primitive. Excusez-moi ! Je cherche quelqu'un.

Plusieurs fermetures éclairs crissent en même temps, puis des têtes sortent des toiles de tente, me toisent. Soudain, une personne s'enfuit en courant. J'ai tout juste le temps d'apercevoir une silhouette féminine, qui n'a ni les cheveux verts, ni la carrure de la personne que je recherche. Je la laisse donc fuir. Qu'est-ce qui a pu lui faire peur comme ça ? Peut-être une fugueuse qui croit que je suis venue là pour elle ?

Soudain, une voix s'élève et aboie contre moi.

— Va-t'en ! On sait pas qui t'es. Dégage !

Je me tourne en direction de celle qui me crie dessus et je n'en crois pas mes yeux. C'est elle : cheveux verts. Toujours aussi repoussante que dans mon souvenir.

— C'est... c'est à vous que je veux parler. S'il vous plait.

Je m'avance de plusieurs pas, en faisant attention de ne pas marcher sur une bouteille de bière. Je m'arrête à deux mètres d'elle, préférant rester à bonne distance de la sasaeng. On ne sait jamais.

Cheveux verts grimace. À la voir ainsi, devant moi, je remarque des détails que je n'avais pas notés la première fois. Elle est grande. Cheveux courts, coupés au système D, vêtements amples, en mauvais état, un collier de chien autour du cou. Sa teinture capillaire ne couvre pas correctement ses racines. Des boutons d'acné tavèlent son menton. Malgré son allure négligée et son agressivité exacerbée, elle a une présence qui impressionne, une hauteur dans le regard, des lèvres plaines et des pommettes élevées. Elle dégage quelque chose de féroce, qui me fascine et me repousse en même temps.

Je tente de me convaincre que, dans le fond, il ne s'agit que d'une pauvre fille désorientée, pas beaucoup plus âgée que moi et pas beaucoup plus dangereuse non plus.

— L'étrangère parle notre langue ? dit-elle avec mépris.

— J'ai appris le coréen à l'université. Je ne veux pas vous déranger, juste vous parler.

— À moi ? s'exclame-t-elle, peu convaincue. Tu dois faire erreur.

J'ai bien fait de ne pas trop m'approcher. La jeune femme postillonne énormément quand elle parle.

— Je voudrais vous parler de Song Minsuk.

Ça y est. J'ai dit son nom. La sasaeng me fixe farouchement. Plusieurs longues secondes de silence s'écoulent, durant lesquelles cheveux verts se gratte la nuque avec acharnement. Je soutiens son regard, imperturbable. J'ai l'impression de tourner le remake d'il était une fois dans l'Ouest. Plusieurs campeuses suivent la scène avec intérêt. Sentant que Cheveux verts refuse de me répondre, j'insiste :

— On m'a dit que vous le connaissiez bien.

— Bien ? Très bien, tu veux dire ! Song Minsuk et moi, nous étions très proches.

Pour MinsukOù les histoires vivent. Découvrez maintenant