102. Cher journal... (réécriture)

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Il faut bien partir un jour

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Il faut bien partir un jour. Qu'on le veuille ou non, nous rejoindrons tous nos ancêtres et les poussières de notre terre.

J'y pense de plus en plus sérieusement. Il faut que je m'en aille avant de devenir aussi pourris qu'eux. Je ne pourrai plus jamais être un modèle. Les fans qui m'admirent se trompent sur mon compte, je ne suis rien de plus qu'un pantin maintenant. Tant que je serais cette marionnette entre leurs mains, que mon nom servira à couvrir leurs sales affaires, que leur pouvoir sur moi couvrira ma bouche. Tant que tout cela existera, je ne pourrai plus être un modèle. Il faudrait d'abord redresser mon nom, rétablir ma réputation. Et cela n'adviendra jamais.

Lorsque j'ai commencé à écrire ce journal, il y a presque un an déjà, je voulais raconter la gloire, l'amour d'une foule en liesse et l'extase d'une tournée à travers le monde. Je pensais que ce serait le bonheur, alors que je me précipitais hors de la lumière. J'ai finalement raconté l'histoire d'un homme trompé, soumis, infiniment seul et qui, peu à peu, a perdu le goût à la vie.

Je ne m'alimente presque plus. Je ne prends même plus la peine de me mentir à moi-même. Mon métabolisme n'y est pour rien, mon appétit d'oiseau non plus. Non, je n'ai pas toujours été désintéressé par la nourriture. Non, ce n'est pas par manque de temps. Si je ne mange plus, c'est parce que je me laisse mourir de faim. C'est ça. Je me laisse mourir.

J'avais déjà commencé à m'autodétruire avant de connaitre la vérité sur la Pak, et avant les menaces de Han. Les choses ne risquaient pas de s'améliorer.

Ce que j'avale, je l'avale sous la contrainte. Comme hier, à la cafétaria, lorsque Gong m'a demandé :

— C'est une grève de la faim que tu nous fais ?

J'ai nié, répétant encore une fois que je n'avais pas d'appétit.

— Je t'ordonne de manger.

Le ton, le choix des mots employés. Il me rappelle une fois encore que je ne suis plus un homme libre. J'ai pris du riz que j'ai avalé une cuillerée après l'autre, sans réussir à dissimuler mon dégoût.

J'ai l'impression d'être entouré d'une membrane semi-perméable. Elle laisse tout sortir, mais n'accepte plus rien en échange. Je continue de donner, j'écris des textes, je compose, j'apprends la prochaine chorégraphie, je souris encore aux fans que je croise – même si le cœur n'y est plus –. Et je ne reçois plus rien en échange, cela vaut pour la nourriture, mais aussi pour la compassion qu'on essaie de m'offrir. Plus que jamais, je rejette tous les appels téléphoniques et je déchire les lettres des fans avant de les ouvrir.

Rien ne peut plus entrer. Je me vide. Inexorablement.

Alors que j'avalais le riz, Gong s'est soudain détendu. C'est là que j'ai compris : je peux encore les faire trembler.

Si je parle, ils tueront ma famille. Si je désobéis, ils tueront ma famille. Si je meurs accidentellement – ou si je me suicide –, ils les laisseront enfin tranquille.

Il n'y a pas un jour, pas une heure, où je n'ai pas peur de commettre une erreur. Je n'ai jamais su garder un secret. Je n'ai jamais su mentir. Gong m'a déjà fait remarquer plusieurs fois que je n'y mettais pas assez de cœur, que si je continue à me comporter comme une pâle réplique de moi-même, les fans vont finir par se poser des questions. J'ose à peine imaginer ma réaction face à une question trop directe.

Et si je croise Minhok ?! Je ne pourrai pas l'éviter éternellement. Combien de temps lui faudra-t-il pour flairer ma détresse ? Combien de temps ? Une heure ? Une minute ?

Et si je craquais. Si je fondais en larmes en public. Si, durant un coup de folie, j'hurlais la vérité à la gueule d'un flic, d'un fan ou d'un paparazzi.

Chaque jour où je vis, je prends le risque de me trahir, parce que c'est dans ma nature. Avec la motivation de protéger les miens, je pourrai la repousser pendant quelques jours, quelques semaines. Mais dans un mois, avec la fatigue mentale qui s'accentue toujours plus, puis-je sincèrement croire que je ne me trahirai jamais ?

Si je meurs, la menace que je fais courir à ma famille disparait avec moi ; tout comme l'argent que ces requins continuent de gagner grâce à moi ; tout comme l'illusion qu'ils ont construite autour de mon nom : Song Minsuk, l'Extraterrestre, le surhomme. Je suis censé être un homme heureux, accompli et reconnaissant ! La Pak devra répondre de ma mort prématurée, auprès de mes milliers de fans, de la police et de ma famille. Ses mensonges éclateront peut-être au grand jour.

Si je me fous en l'air, je ruine leur réputation, je les endette et je les entraine dans ma chute.

Avec un peu de chances, la police ouvrira une enquête, lira ce journal intime ou interrogera maître Kim, puis elle les inculpera. X Park ira en prison, Gong finira au chômage, Han sera exécuté. L'opprobre tombera sur « L'agence des talents qui durent » et nul après moi n'aura à subir ce traitement injuste et cette exploitation.

Depuis l'au-delà, dans les bras de papi, j'observerai leur fin et veillerai à ce que mon nom soit redressé.

J'ai pris ma décision : il faut que je meure.

Pour MinsukOù les histoires vivent. Découvrez maintenant