99. Suivez-moi ❗ (réécriture)

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Toutes ces années, je n'ai pu faire mon deuil. Cette douleur vive, cette fêlure jamais cicatrisée. Là, contre mon cœur. En fait, c'était eux. Ce sentiment d'injustice incrusté dans mon âme, cette haine qui me consumait. C'était eux !

Ces menteurs. Ces esclavagistes. Ces enfoirés d'assassins. Maintenant que je sais ce qu'ils ont fait, ne suis-je pas censé vouloir leur mort ?

Ma colère contre eux n'est-elle pas parfaitement légitime ?

Quand l'avocat a suggéré qu'on avait assassiné mon twin, la colère a été la première émotion qui s'est imposée, dans sa version la plus violente et la plus animale. Je ne voyais que des visages d'hommes à l'agonie, des têtes qui tombent et du sang. Un trio de noms se répétaient dans ma tête : Han Jeongtaek, X Park et le manager Gong. Ils étaient les principaux instigateurs de la mort de Minsuk ! J'allais les tuer !

J'en avais le droit.

Cette colère-là, si puissante et instinctive, si je l'avais laissé prendre le dessus, je n'aurais plus été bon à rien. Alors, lentement, mon rythme cardiaque est retombé et j'étais redevenu calme. Pas apaisé, mais calme.

Je n'ai pas cherché à dominer ma colère. Je ne l'ai pas ravalé, je ne l'ai pas étouffé ; c'est même tout le contraire.

D'après Oscar Wilde : « La seul moyen de se délivrer d'une tentation, c'est d'y céder. » J'ai appris aujourd'hui, que pour la colère, c'est exactement la même chose. La meilleure façon de s'en libérer, c'est de lui promettre tout ce qu'elle désire. Alors, la bouillante colère devient une glaçante détermination.

Je sais que je ne pourrai jamais revenir en arrière et cette sensation de tout lâcher, de tout envoyer balader, d'abandonner toute raison au profit de l'action et de la justice... ça me fait un bien fou.

La première chose que je dois à Minsuk, c'est la vérité dans toute son entièreté. Je vais obtenir des aveux.

Plusieurs faits me paraissent encore flous dans cette affaire. Nous savons la victime, nous savons le mobile. Mais moi je veux plus.

Je n'arrête pas de repenser à la lettre qu'il m'a écrite, celle où il me fait ses adieux. Il voulait que je dise à mamie qu'il l'aimait grand comme la mer, ça ne s'invente pas ! Mamie nous répétait souvent qu'elle nous aimait tous les deux grand comme la mer. Personne à la Pak ne serait allé jusque-là dans le détail. Personne n'aurait pu imiter son écriture, sa façon de parler, de penser, avec une telle perfection. Cette lettre d'adieu, il l'a écrite.

Si ce n'est pas un suicide, alors ça signifie que quelqu'un lui a forcé la main. Il a été obligé de m'écrire une lettre d'adieu. Ils l'ont laissé écrire qu'il me léguait des biens. Ils n'ont rien fait pour l'en empêcher, de toute façon, ils piétineraient sans scrupule les dernières volontés de mon frère.

Dans le souci de faire encore plus vrai, ils lui ont demandé d'écrire qu'il se sentait seul, abandonné. Il a écrit : « La vérité, c'est qu'on ne s'est pas vu depuis trop longtemps. » À cause de ça, j'ai longtemps eu des insomnies, à seriner que tout était ma faute.

Minsuk a écrit ça sous la contrainte. Il savait que ça me ferait du mal. Il savait que je ne pourrai jamais me remettre d'un truc pareil ! Et il l'a écrit quand-même. Ces mecs, ces bâtards, non seulement ils l'ont tué, mais ils l'ont forcé à creuser sa propre tombe et à la contempler.

De quelle manière ont-ils pu faire pour le convaincre de faire ça ? Et ensuite. Comment l'ont-ils tué ?

Maintenant que j'en sais trop, j'ai besoin de tous savoir. Je veux connaitre les circonstances précises de sa mort. Même si j'ai conscience que ça peut me faire mal, voire me détruire. Je veux savoir s'il a souffert. Et plus que tout, je veux savoir où se trouve son corps. Je jure que si c'est possible, Minsuk aura le droit de reposer auprès des siens. Je l'enterrerai là où il se doit : dans la montagne près de Papi, près de papa, près de moi.

Pour MinsukOù les histoires vivent. Découvrez maintenant