42. Cher journal... ❕ (réécriture)

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Lorsque nous sommes sur le point de nous évanouir, ce n'est absolument pas l'obscurité qui nous avale

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Lorsque nous sommes sur le point de nous évanouir, ce n'est absolument pas l'obscurité qui nous avale. En réalité, c'est plutôt l'inverse, un excès de lumière. J'ai cru être ébloui par un projecteur, avant de me rendre compte que l'électricité venait de l'intérieur. Ce halo m'a rendu totalement aveugle, alors que dans la salle, le bruit s'amplifiait. Les cris d'hystérie ont accompagné ma sortie de scène précipitée. Ils étaient étonnamment semblables à ceux que j'entends quand j'y entre. Que je m'élève ou que je tombe, cela fait-il une différence ?

J'ai tout juste eu le temps d'atteindre les coulisses, avant de commencer à suffoquer. L'air n'entrait plus. Je n'ai pas pu appeler au secours. Heureusement pour moi, je n'en avais pas besoin. J'ai été conduit jusqu'aux vestiaires, alors que petit à petit la crise passait d'elle-même. Ensuite, on a obligé mon doigt à se positionner dans une sorte de pince en plastique branchée à une machine. Des chiffres se sont affichés sur un boitier grossier. Quelles constantes vitales sont mesurées ainsi ? Je l'ignore.

En plus, sur le coup, j'étais persuadé que c'était inutile. Il me semblait que j'allais mieux, que la crise était derrière moi. Quel que soit la nature de cette chose, c'était passé. Même si j'avais toujours chaud, même si mon cœur battait encore trop fort, pas vite, mais fort, contre une poitrine qui me semblait aussi fragile qu'un mur de verre. Mon corps entier clignotait de sueur. Mais il me semblait que j'allais mieux. Je pouvais tenir debout, parler... parler :

— Ça allait bien, ai-je expliqué d'une voix étouffée, et tout d'un coup, je n'arrivais plus à respirer.

J'ai plongé mes narines dans une serviette humide et blanche. La chaleur m'étouffait. C'était terrifiant. Ça n'avait pas duré longtemps, mais c'était comme mourir. Mes poumons s'étaient bloqués. J'avais cru me noyer.

En coulisse, c'était l'agitation et la panique. Tout le petit univers qui gravite autour de moi, jour après jour, s'inquiétait. J'ai essuyé encore mon visage et je me suis forcé à sourire. J'ai tenté de les rassurer. J'ai eu envie de leur dire quelque chose d'apaisant. Aucune parole ne m'est venue.

Il y avait tant de regards sur moi. De quoi avais-je l'air ? Je ne pouvais pas voir de quoi j'avais l'air ! Une femme de l'équipe médicale m'a obligé à m'assoir. Je n'y tenais pas. Pourtant, dès que me suis posé sur le siège, j'ai compris que j'en avais besoin. J'étais comme placé dans une atmosphère très dense et lourde ; une force invisible pesait sur mon corps, ma tête, mes épaules et mes cuisses. Je n'étais plus sûr de pouvoir me relever. Je me suis senti si faible, si vide. J'ai levé les yeux et j'ai vu deux choses s'avancer vers moi : un masque à oxygène et une caméra.

De quoi avais-je l'air ? Je me suis obligé à paraître plus détendu, mais ma tentative de sourire a disparu derrière le masque qu'on me collait sur le nez. J'ai fait un signe d'encouragement à la caméra.

Je vais bien ! Je vais bien !

Soudain, l'air pur que j'ai respiré grâce au masque m'a surpris. Je ne m'attendais pas à un tel soulagement. J'ai repris mon souffle, après une longue apnée. Mon corps tout entier m'en remerciait. J'ai ouvert les lèvres et j'ai inspiré plus profondément. Mes poumons me brulaient toujours. Mes yeux piquaient. Un peu de fraicheur est arrivée sur mon visage. La dame de l'équipe médicale (je ne sais plus comment elle s'appelle) m'éventait. Je devais vraiment avoir l'air mal pour qu'elle agisse de cette façon. Et le pire, c'était que cette attention me faisait du bien. La transpiration s'évaporait au contact de cette petite brise et emmenait avec elle un peu du feu qui me malmenait. L'atmosphère était si lourde, ça manquait de circulation d'air. Il n'y a jamais d'air, jamais de vent là où je me trouve. C'est toujours lourd, plein, étouffant. Je vis sous l'eau, depuis trop longtemps.

Malgré les efforts de la soignante, la terreur est revenue. Je ne comprenais pas pourquoi ça m'arrivait. Je n'y comprenais rien.

Je devais être malade, une maladie grave. C'est ça. Ça devait être une maladie grave.

Je retenais le masque moi-même. J'avais peur qu'on me l'arrache. J'étais définitivement devenu un plongeur, avec son masque, son tuba et sa bouteille d'oxygène presque vide. Mes yeux piquaient. Est-ce que c'était le sel de la mer dans laquelle je me noyais ? J'ai préféré fermer les yeux.

Alors, j'ai entendu clairement les bruits indistincts de la foule, de l'autre côté du mur. Sa voix chimérique, française ce jour-là, semblait m'appeler. J'ai été pris du désir d'y retourner, parce que je m'en voulais de les avoir abandonnés. C'était une faiblesse ; une faiblesse qui ne me ressemble pas. Ce n'est pas ça être un modèle. Ce que je devais avoir l'air minable, avec mon masque et mes yeux rouges, mes yeux qui piquaient. Ce n'est pas ça être un Idol.

J'ai rouvert les yeux, levé la main et j'ai fait un signe à la caméra. Qu'elle s'éloigne un peu !

— Laissez-moi ! dis-je sous mon masque de plongée. Ça ira !

Qu'elle dégage ! Je vais décevoir trop de monde.

L'angoisse ne me lâchait pas, bien au contraire. Mes yeux piquaient. Je me suis saisi de la serviette qui trainait encore sur mes épaules. J'ai caché mon visage et surtout mes yeux piquants derrière cette couverture humide et blanche.

J'ai alors entendu clairement les bruits indistincts de la foule, de l'autre côté du mur. Sa voix chimérique, française ce soir-là, semblait m'appeler. J'ai été pris d'un fort désir d'y retourner. Je m'en voulais de les avoir abandonnés. C'était une faiblesse ; une faiblesse qui ne me ressemble pas.

Ce n'est pas ça être un modèle.

Ce que je devais avoir l'air minable, avec mon masque et mes yeux rouges, mes yeux qui piquaient. Ce n'est pas ça être un Idol.

Une vieille phrase de Gong m'est subitement revenu à l'esprit : « Nous saurons si tu es vraiment fait pour ce métier ». Je suis fait pour ce métier et, quelle que soit l'origine de ce moment de faiblesse, il ne signifie rien.

J'ai fait un signe d'encouragement à la caméra qui n'était pas partie loin.

Je vais bien ! Je vais bien !

Puis j'ai arraché moi-même le masque de mon visage.

— Attendez ! Qu'est-ce que vous faites ?

La soignante a voulu me forcer à remettre le masque, mais j'ai refusé, catégoriquement.

— Je veux y retourner, ai-je crié. Je vais bien ! Ce n'était rien, je veux poursuivre.

— Vous êtes sûr ?

J'ai regardé une fois encore la caméra. Je risquais de décevoir trop de monde. Nous avons ajouté cette date pour répondre à un élan spontané d'amour. Les E.T. m'attendaient et moi, je n'avais pas le choix, je devais répondre présent.

— Oui, je suis sûr. Est-ce que vous pensez que ce que j'ai eu été grave ? Que disent vos machines ?

Je pouvais lire, en direct, ma fréquence cardiaque et ma tension sanguine. Cela devait bien indiquer si oui ou non j'étais en état de retourner sur scène ! La soignante ne me répondait pas pourtant.

— Si vous ne m'en empêchez pas, je vais y retourner.

J'ai essuyé ma sueur. J'ai retiré mon doigt du dispositif et je me suis levé. Personne n'a rien fait pour me retenir.

Je suis retourné sur scène. Les acclamations que j'ai entendues à ce moment-là, je n'en avais jamais entendu de pareilles. C'était magique d'entendre autant d'amour et de soulagement s'unir pour m'accueillir après toute cette inquiétude. J'imagine que perdre connaissance sur scène, c'est un peu comme tomber de cheval, il faut remonter tout de suite.

Pour MinsukOù les histoires vivent. Découvrez maintenant