32. Le journal disparu (réécriture)

68 15 26
                                    


— Ce n'est pas facile de dire ces choses-là à une inconnue... mais, à la fin, j'ai été un frère minable.

Minhok a tenu à ce que nous nous asseyons pour poursuivre notre discussion, en prétextant un mal au dos. Maintenant, nous sommes côte à côte sur un banc. Je ne peux détacher mes yeux de son profil concentré et triste. Il maintient un port altier, son regard porté sur l'horizon. Pourtant, il ne cherche pas à cacher ses émotions. Je sens sa pudeur, sa tristesse et sa honte également.

— Quand je vous ai montré la photo qui se trouve dans mon bureau, lors de notre première rencontre, vous m'avez dit des choses... Vous vous souvenez ?

J'acquiesce.

— Vous m'avez troublée. Je me suis rendu compte, après toutes ses années, que je ne savais pas vraiment qui était qui sur cette photo. J'ai vu ma grand-mère, pour avoir une réponse fiable... Et vous aviez raison. Je suis celui qui court devant. Tout ce que vous avez dit était vrais : j'allais, il suivait ; je parlais, il écoutait. J'étais né le premier, mes grands-parents le répétaient souvent. J'étais le grand frère. J'avais ce rôle. Vous savez ce que ça signifie ?

Je ne sais pas quoi lui répondre. Je ne suis pas ce que l'on pourrait appeler une spécialiste des relations fraternelles ; je suis née fille unique.

— J'avais un devoir envers lui, poursuit Minhok qui, apparemment, n'attendait pas réellement de réponse de ma part. J'aurais dû savoir que ça n'allait pas et l'écouter. J'aurais dû l'écouter, voir, comprendre. J'aurais dû être attentif. Mais je n'ai rien écouté, rien vu et rien compris. Quand c'est arrivé, cela faisait plusieurs mois qu'on ne se parlait plus. Je ne lui téléphonais plus, je ne lui laissais plus de messages. J'avais très mal pris ce que je pensais être de l'indifférence. J'avais l'impression qu'il me snobait. Je n'ai même pas supposé qu'il était peut-être malheureux.

J'ai envie d'intervenir, de lui expliquer qu'il n'a pas à s'en faire. Il ne doit pas se reprocher le décès de Minsuk puisqu'il ne s'est pas suicidé. Mais je me tais. Je me rappelle sa mise en garde de tout à l'heure. Si j'évoque à nouveau ma certitude devant lui, je peux dire adieu à toute confidence.

— En tout cas, ce que j'essaie de vous dire, c'est que je ne sais pas ce qui s'est passé. Je comprends maintenant que ça allait mal, mais je ne sais pas pourquoi, je n'ai pas la moindre idée de ce qu'a été sa vie, lors des deux derniers mois. Je ne sais pas ce qu'il a vécu, ce qu'il a ressenti, ce qui lui est arrivé de pénible. Je ne sais rien. C'est le néant. J'ai l'impression que j'ai manqué quelque chose d'important. Quelque chose que je devrais savoir et que je ne sais pas. Je ne sais même pas si cette chose est un détail, un événement ou une série d'évènements et de faits. Je ne sais pas vraiment ce que je cherche, mais ça s'est passé pendant ces deux mois, pendant que je ne lui parlais plus. C'est la raison pour laquelle j'ai besoin de vous.

Il ne me regarde toujours pas. Je me demande si, cette fois, il s'attend à ce que j'intervienne. Au bout de longues secondes d'un silence pesant, je me décide à lui faire part de ma confusion :

— Je cherche la même chose que vous, depuis quatre ans. Je peux vous faire la liste de tous les évènements publics auxquels il a participé sur les deux derniers mois, mais ça ne nous avancera pas à grand-chose... Si je savais comment m'y prendre, cela ferait déjà longtemps que je l'aurais fait.

Minhok s'agite, se repositionne sur le banc.

— En réalité, c'est votre infiltration à Pak Entertainment qui m'intéresse. Il y a une personne qui sait exactement ce qu'a été la vie de Minsuk, une personne qui ne le quittait jamais.

— Le manager Gong ?

— Oui. Mais il ne nous dira rien.

— À moi, sans doute, mais vous ?

Pour MinsukOù les histoires vivent. Découvrez maintenant