Quelques minutes plus tard, la porte de l'ascenseur se referme sur Rémi et moi. Personne ne nous a vus monter. Dès que les deux panneaux métalliques se rejoignent, nous nous jetons l'un sur l'autre. Il m'embrasse comme dans les vestiaires. Mieux encore que dans les vestiaires. J'ai moins d'alcool dans le sang, pourtant ça ne diminue en rien le plaisir que j'ai à le toucher et à être touchée par lui.
Il ne se détache de moi que pour glisser une carte électronique dans la liseuse et sélectionner un étage.
— Attends ! Attends ! Tu as mis quel étage ?
— Le deux.
— Arrête, on n'a pas le droit. Tu utilises la carte de Gong.
— Ça non plus, on n'a pas le droit.
Pour illustrer sa phrase, il m'attire à lui, m'embrasse encore. Dès qu'il se décolle, je plaisante :
— Totalement défendu.
Vigilants, nous vérifions que personne ne traine dans les couloirs. À cette heure-ci – il est pratiquement 4 heures du matin – même les artistes les plus zélés ont rejoint leur lit depuis un moment. Par contre, je m'inquiète de ce que je vois dans les angles, au-dessus de nous. Petites caméras de surveillance, dont le voyant rouge clignote.
— Rémi, il y a des caméras ! Ils vont nous voir !
— Tu as peur qu'on nous voie dans un couloir où on ne devrait pas être ?
— Évidemment. Pas toi ?
— Jeanne, tu crois vraiment que la Pak paie quelqu'un pour regarder ces images en direct ?
Je m'imaginais un peu quelque chose comme ça, en effet.
— Ils enregistrent tout le temps et, s'ils ont besoin, ils peuvent les consulter. Mais s'ils ne savent pas qu'ils ont quelque chose à regarder...
Il fait un geste avec la main, comme un oiseau qui s'envole.
— Personne ne saura.
Il s'arrête devant une porte. Je lis : « Studio d'enregistrement 4 ». Malgré moi, des interviews concernant Minsuk me reviennent. Il répétait si souvent que les studios lui servaient de refuge, qu'il s'y sentait chez lui. C'est étrange de se retrouver dans un lieu qui a été son domaine.
Rémi glisse la carte de son manager dans le mécanisme et la porte s'ouvre.
— Viens !
— Pourquoi les studios ? questionné-je.
Il m'attrape par la taille pour me faire rentrer. En claquant la porte derrière moi, il se justifie :
— Parce qu'ils sont insonorisés.
J'aurais dû y penser.
La pièce est plus vaste que je ne l'aurais imaginée. Séparée en deux par une vitre, comme dans les films. Des panneaux acoustiques en mousse, noirs et hérissés de structures pyramidales, recouvrent les murs et les plafonds. Les précédents occupants sont partis sans faire le ménage, laissant derrière eux leurs mégots usagés dans un cendrier et une odeur âcre, un peu herbeuse.
Je m'exclame :
— Mais... ce n'est pas que du tabac ! Ils ont fumé du cannabis !
Rémi confirme en riant.
— Apparemment, il n'y a pas que nous qui enfreignons les lois à la Pak. Quand je pense à ce qu'ils risquent s'ils se font prendre !
Je sais très bien à quoi il fait référence ; la législation est beaucoup plus stricte en Corée du Sud qu'en France sur l'usage du cannabis. Pour un simple joint, un consommateur occasionnel peut écoper de cinq années de prison. Pour un Idol, un scandale lié à la drogue signifie la fin de sa carrière. Je pense à Top, le chanteur condamné pour consommation de cannabis à dix mois de prison avec sursis. C'était l'année dernière et il a dû démissionner, faire un trait définitif sur la musique. Il a avalé une boite entière de tranquillisants, s'en est heureusement sorti après quelques jours dans le coma. Ils ont comparé sa tentative de suicide à celle de Minsuk. Comme si les deux cas avaient quelque chose à voir !
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Pour Minsuk
Mystery / ThrillerQuand Jeanne, dix-huit ans, débarque à Séoul, elle traine une grosse valise rouge, un lourd passé et des montagnes de questions sans réponses. Le but de son voyage : prouver que l'idole de sa jeunesse, Minsuk, ne s'est pas suicidé quatre ans aupar...