X Park ne me quitte pas des yeux alors que je joue, regardant moins les mouvements de mes doigts que ma gorge en sueur. Je joue mal, je rate même plusieurs reprises. Pourtant, le PDG sourit, d'un petit rictus mutin, asymétrique, qui lui creuse les joues.
Je perçois qu'Ajeong observe la scène en silence, je n'ose pas la regarder elle non plus. Les minutes s'égrènent au ralenti. Temps durant lequel personne ne tente de prendre la parole. Dans la salle de danse, mes camarades continuent leurs exercices, mais obséquieusement. M'envient-ils d'avoir toute l'attention de cet homme ? Me plaignent-ils ? Impossible à dire.
À la fin du morceau, X Park hoche la tête.
— Ce sera suffisant, mademoiselle...
Il avance sa main vers mon décolleté et j'ai un mouvement de recul. Mes muscles se contractent en sentant ses doigts effleurer ma peau, au-dessus de ma poitrine. Sa main se referme sur le cordon autour de mon cou et tire pour extraire mon badge, que je sens remonter, sous mon t-shirt, entre mes deux seins, jusqu'à devenir accessible. Là, X Park l'attrape et l'inspecte.
— Ga'din, dit-il avec un tel accent que j'ai du mal à reconnaitre mon propre nom. Jaa-neuh Ga'din. D'où venez-vous ?
Puisqu'il ne me touche plus, je m'autorise à respirer, mais je n'arrive pas à croire qu'il a fait ça : extraire à la main un objet coincé entre mes seins. Je croyais que les Asiatiques évitaient les contacts physiques avec les inconnus. Outrée, je me tourne vers mon enseignante, qui fuit aussitôt mon regard.
— D'où venez-vous ? insiste-t-il.
— ... De France.
— De France, répète-t-il en se penchant toujours plus vers moi. Et donc, toutes les femmes sont jolies comme vous, en France ?
Je ne sais pas quoi répondre à ce compliment. Dois-je être flattée qu'un homme important remarque ma beauté ?
— Vous avez aimé l'air de piano ? intervint Ajeong.
— Oui, oui.
Sur cette parole, il m'autorise à rejoindre mes camarades. Je me dirige directement vers Nanae. L'adolescente et moi échangeons un regard signifiant que nous en reparlerons plus tard. Un rapide coup d'œil dans le coin de la pièce me confirme que le sosie n'a pas quitté son ombre. Plus personne ne fait vraiment attention à lui désormais.
X Park claque soudain dans ses mains. Bruit qui ne manque pas de me faire sursauter.
— Et si nous faisions une speed-dance ? Uniquement les garçons. Allons-y !
Je soupire de soulagement, en m'éloignant du centre de la piste, pour laisser la place aux garçons. Je suis heureuse de ne pas avoir à participer à ce défi. J'ignore encore de quoi il s'agit exactement, mais je pressens que l'énergie m'aurait manqué. Les joueurs sont enthousiastes, même si l'horloge digitale, au-dessus des portes d'entrée, indique une heure qui est plus matinale que tardive.
Les garçons se placent devant le grand miroir, tous de face et à des distances raisonnables les uns des autres. La musique démarre et les trainees masculins découvrent l'enchainement que leur présente Ajeong. En résumant grossièrement : ils doivent avancer, en boxant le vide, faire un tour sur eux-mêmes, balancer leur jambe droite en restant en équilibre sur la gauche, se laisser tomber au sol en se réceptionnant sur les bras, et d'un mouvement de pompe, se redresser. Ensuite, ils reculent et recommencent.
Au bout de trois démonstrations, Ajeong s'écarte et retourne vers la chaine hifi. Une manipulation lui permet d'accélérer artificiellement la rapidité de la bande. Les voix des chanteuses s'en trouvent modifiées et sifflotent dans des aigus inhumains.
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Pour Minsuk
Mystery / ThrillerQuand Jeanne, dix-huit ans, débarque à Séoul, elle traine une grosse valise rouge, un lourd passé et des montagnes de questions sans réponses. Le but de son voyage : prouver que l'idole de sa jeunesse, Minsuk, ne s'est pas suicidé quatre ans aupar...