Depuis mes débuts, je dois me battre pour garder une position qui ne va pas de soi.
La majorité des autres idols de K-pop sont les interprètes de chansons composées et écrites par d'autres. Leur place n'est pas en studio. J'ai un autre point de vue sur la question. Non seulement je suis à ma place dans un studio, mais il s'agit de ma place. L'endroit où nait la musique.
La nuit dernière, j'ai squatté le studio. Cette fois-là, nous étions cinq seulement sur les quinze auteurs-compositeurs que la Pak a engagés pour travailler sur mon prochain album : moi, trois coauteurs et Kim Jinwoo, le producteur musical. Un jour, si je suis patient, je pourrai être producteur musical à mon tour. Pour l'instant, c'est Kim Jinwoo qui détient ce titre et prend toutes les décisions d'ordre artistiques.
Quand je suis arrivé, nous nous sommes tapés dans la main, comme le feraient de vieux amis. Pourtant, la première fois que ces personnes m'ont vu, j'avais pu lire dans leurs regards ce que j'étais pour eux : un enfant idiot et pistonné. Ils m'avaient réservé un accueil encore plus froid que les précédents. Je suis devenu trop connu pour être crédible, je crois. Les compositeurs semblent considérer que si la prod me laisse m'impliquer dans la conception, c'est uniquement parce que les fans aiment voir le nom de leur idol dans les crédits de l'album qu'elles vont acheter. Pour eux, je suis là pour la vitrine. Le pire, c'est que je ne peux pas leur donner tort. La prod m'a placé là moins pour mes talents que pour ma popularité.
Le temps est passé depuis cette première rencontre et j'ai réussi à leur faire oublier une partie de leurs préjugés. Ils m'ont vu composer et savent que j'ai des aptitudes. J'ai même reçu des compliments, nuancés par l'incipit « pour ton âge », mais des compliments tout de même.
Bien qu'on ne m'ait rien demandé, j'ai apporté mes démos aux studios. Kim Jinwoo m'a d'abord demandé les paroles que j'avais la charge d'écrire. J'en ai profité pour lui dire :
— J'ai pensé à un truc pour l'album... Je peux ?
J'ai retenu ma respiration. Je savais qu'il était en droit de m'opposer un refus pur et simple.
— Si ça te fait plaisir, a-t-il dit pour ma plus grande satisfaction.
J'ai fait tourner la musique. Kim Jinwoo a écouté avec détachement, s'attendant par avance à un travail un peu amateur, qu'il allait devoir corriger. Cela m'irrite, cette façon qu'il a de prendre une posture de maître vis-à-vis de moi. Il ne fait pas cela avec les autres coauteurs.
— C'est une idée qui m'excite beaucoup en ce moment, ai-je commenté... j'espère qu'on pourra en faire... un peu... dans l'album. J'ai écouté beaucoup de jazz et puisque dans « Boussoles tordues » on avait pu marier les percussions de la musique traditionnelle coréenne avec le hip-hop, je voudrais exprimer la rencontre du jazz avec celle du hip-hop, à travers une chanson d'Idol...
VOUS LISEZ
Pour Minsuk
Mystery / ThrillerQuand Jeanne, dix-huit ans, débarque à Séoul, elle traine une grosse valise rouge, un lourd passé et des montagnes de questions sans réponses. Le but de son voyage : prouver que l'idole de sa jeunesse, Minsuk, ne s'est pas suicidé quatre ans aupar...