Jamais nous n'avions terminé un cours de danse si tôt depuis bien longtemps. À minuit, nous avons eu l'autorisation de retourner aux dortoirs, pour que les filles qui viennent d'être choisies puissent se laver et se changer, avant de repartir.
L'attitude de Nanae s'oppose parfaitement à la mienne : elle parle quand je reste silencieuse, rit quand je voudrais pleurer d'appréhension. Je ne sais toujours pas ce que je vais dire pour mettre en confiance Gong. Une boule d'angoisse me noue l'estomac. L'insouciance de ma jeune amie, loin de me rassurer, me préoccupe.
— Calme-toi, supplié-je sur un ton sec, tandis que nous sortons des douches.
— Impossible ! Impossible ! Je vais voir des stars. Tu crois qu'il y aura Tah et son groupe. Je pensais qu'en travaillant ici, je pourrais avoir un autographe, mais pour l'instant, je n'ai même pas pu lui parler.
C'est vrai que, même si les Idols de la Pak habitent et fréquentent les mêmes bâtiments que nous, il est très rare de les croiser dans les couloirs.
Le PDG n'a choisi que des femmes pour l'accompagner ce soir, et il a exigé que nous mettions des robes et jupes courtes. Pire qu'une exigence, il a menacé, nous prévenant que s'il ne voyait pas suffisamment nos jambes, il ne nous emmènerait pas.
Dans les vestiaires, les trainees filles ouvrent leur casier, attrapent leurs téléphones et autres sacs à mains. Pendant que je récupère mon propre portable, du coin de l'œil, j'observe la tenue de Nanae : elle porte une petite jupe au motif écossais, un haut noir en dentelle et des chaussures à talon haut. Dans cette tenue elle fait plus vieille que son âge, mais elle ne trompe personne. Impossible de la prendre pour une personne majeure.
Soudain, le son espiègle des notifications KaKaoTalk résonne dans les couloirs alors que mon téléphone vibre dans mon sac à main : « Ka – To ! Ka – To ! ». Un peu surprise, je vérifie l'expéditeur des messages, qui n'est autre que Rémi. Je consulte aussitôt le contenu, tout en suivant Nanae pour prendre l'ascenseur.
« Vous allez à la soirée de X Park, ce soir ? »
Je pianote une réponse sur mon clavier, tandis que la porte automatique se referme. Nanae essaie de lire par-dessus mon épaule.
— Arrête !
Elle râle, mais se détourne, me laissant terminer d'écrire mon message en toute intimité :
« Oui. Nanae aussi, je ne pouvais pas la laisser seule. »
Je me demande bien pourquoi j'ai ressenti le besoin de me justifier en utilisant Nanae comme prétexte. Mon téléphone prend moins de temps à sonner de nouveau que l'ascenseur n'en met à nous descendre de cinq étages.
« Bien. », répond Rémi. « Dans ce cas, je viens aussi ! On n'a pas fini ce qu'on a commencé tout à l'heure... »
« Qu'est-ce qu'on a commencé tout à l'heure ? En plus, tu n'es pas invité à cette soirée, je crois ?? »
« Je sais où vous allez. J'irai et je rentrerai par mes propres moyens, à tout de suite. »
J'ai à peine le temps de ranger mon appareil que nous arrivons en bas de l'immeuble.
Devant le grand hall, six voitures de luxe, des Bentley noires, ont été garées et nous attendent. Pour Nanae, cette soirée commence de la meilleure des façons elle trépigne de monter à bord de l'un de ces véhicules.
Savoir que Rémi sera peut-être là, ce soir, me tranquillise beaucoup. Je sais que sa présence pourrait troubler mon enquête, mais, étonnamment, je serais bien plus rassurée s'il se trouve dans les parages. Cette pensée m'aide à mieux supporter les nœuds désagréables dont la position varie sans raison depuis presque une heure, le bas ventre, la gorge ou le cœur.
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Pour Minsuk
Misteri / ThrillerQuand Jeanne, dix-huit ans, débarque à Séoul, elle traine une grosse valise rouge, un lourd passé et des montagnes de questions sans réponses. Le but de son voyage : prouver que l'idole de sa jeunesse, Minsuk, ne s'est pas suicidé quatre ans aupar...