Chapitre 26 : Bienvenu chez nous

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Ma tête me vrille, mes os s'écrasent, et mon corps se compresse. Un dernier choc, puis plus rien. Je n'ai ni le temps de crier ni de pleurer. La douleur s'est envolée aussi vite qu'elle est apparue. Maintenant, tout est complètement noir. Un poids invisible pèse sur ma poitrine, mes oreilles bourdonnent, tandis que mes yeux papillonnent.

Pas de passeur d'âme pour moi ? Surement un genre de lien emphatique entre collèges tiraillés par la mort et la vie. Dommage... J'aurais bien vécu l'expérience en tant que défunt. Attendez, quoi ?! Mais qu'est-ce que je raconte ?!

Soudain, ma bulle éclate et j'ouvre brusquement les yeux en levant mon buste. QUOI ?! Non... Impossible. Tout bonnement impossible. Cette rue bondée, ces hôtels luxueux, ces répliques de monuments, ces casinos éclairés de toutes parts, cette immense fontaine, cette foule dansante, ces bijoux hors de prix, ces robes satinées, ces costumes trois pièces, ces rires tonitruants... Qu'est-ce qui m'arrive ? Où suis-je ?

Les gens m'évitent en rigolant, chancelant, ou baragouinant des mots incompréhensibles. Ce luxe, cette suffisance, cette lubricité, cette haine... Où suis-je tombée ? A première vue je vous dirais Las Vegas, mais... il y a ce ciel complètement orangé.

Je vous avoue qu'on est loin des champs de blé que j'imaginais au Paradis... De plus, il n'y a aucune personne nue qui court dans la rue, mais la peau est toutefois mise à l'honneur.

Soudain, on m'attrape par le coude pour me remettre sur pied sans aucune délicatesse. Je redresse alors la tête vers cet inconnu, prête à en découdre. Toutefois, lorsque j'aperçois ses cheveux grisonnants, ses pattes d'oie, son beau costume trois pièces, et son regard malicieux, je me ravise.

- T'es à moi maintenant, déclara-t-il avec assurance.

- Alors désolée de vous décevoir, mais je n'appartiens à personne.

- Tu comprendras rapidement que ton opinion ne m'intéresse pas le moins du monde.

Il m'entraîne alors à sa suite, d'une main de fer, tandis que j'essaie désespérément de me débattre. Malheureusement pour moi, le vieux schnock a de la force.

Nous remontons ce qui s'apparente au Strip de Las Vegas, entourés par des bâtiments tous plus somptueux les uns que les autres. Sous ce ciel orangé, la fête semble battre son plein. De la musique se dégage de plusieurs casinos et bars, pendant que des personnes en sortent en riant à gorge déployée. Des moteurs rugissent, deux voitures de sport haut de gamme descendent l'allée, se doublant à diverses reprises sous les cris euphoriques des spectateurs alignés sur le bord de la route. Une route également empruntée par des passants en colère mais qui se reculent à l'arrivée des bolides.

Sous un lampadaire, un homme au visage découvert donne de petits sachets aux piétons extatiques ou amorphes en échange de plusieurs billets.

Des hommes et des femmes accostent plusieurs riches, minaudant, cajolant, susurrant, et s'aventurant.

Puis soudain, des cris fusent à un coin de rue. L'attroupement créé se scinde brusquement en deux, laissant tomber au sol quatre jeunes hommes qui se battent à l'aide de poings américains. Malgré les arcades ouvertes, les nez tordus, les torses griffés, et les visages tuméfiés, la foule s'excite, se nourrit du spectacle. Les billets passent de main en main, et les murmures vont d'oreille en oreille.

En détournant mon regard de la scène de combat, je les remarque ; ces personnes qui suivent les riches, ces personnes qui subissent les caprices de ceux possédant le pouvoir... des âmes en peine. Voilà ce que je suis devenue, traînée par cet homme qui m'est inconnu mais dont le sourire en coin me fait pâlir.

- Que... Que se passe-t-il ici ? bégayai-je.

L'homme s'arrête pour se tourner vers moi, m'offrant son plus beau sourire amusé.

- Bienvenue en Enfer, ma belle.

De l'Autre CôtéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant