De l'Autre Côté

Chapitre 94 : James Marrow

L'assassin est retenu dans le sous-sol d'un bâtiment qui ne paie pas de mine de l'extérieur. En fait, en voyant sa face en béton froid on se demande même ce qu'il fait là, en plein milieu des lumières étincelantes de la ville.

Un seul Démon monte la garde, et je ne suis pas étonnée qu'il ne porte aucun trait distinctif. C'est juste... un Démon tout vêtu de noir. Il ne nous adresse pas un mot lorsque nous entrons, pas plus que nous ne lui en adressons un. En temps normal je me serais sentie gênée d'entrer sans un bonjour, mais ce type est un Démon et je m'apprête à confronter le meurtrier de ma jumelle. Alors disons que les temps normaux sont révolus.

Après une dizaine de marches bétonnées nous entraînant à l'intérieur d'un couloir éclairé par de vieilles ampoules, je m'arrête un instant, observant tous les Démons présents. Tout comme celui de la porte, rien ne les différencie, et leur nombre important me donne cette étrange impression de ne pas avoir ma place dans ce sous-sol. Bien sûr, je ne compte pas y résider mais... rien qu'y descendre fait naître en moi ce sentiment de malaise. Ou alors est-ce la proximité avec un réel tueur ?

– Tu ne veux plus lui parler ? me demanda Alastor.

– Si si, m'empressai-je de répondre en me lançant à sa suite.

Nous arrivons devant une porte en métal comme toutes celles que nous avons croisées dans le couloir. Deux Démons se tiennent là, encadrant les montants. Toujours sans aucun mot, l'un d'entre eux insert une clef dans la serrure puis entre un code sur le digicode, et enfin, la porte se déverrouille après un simple « bip ».

Le Démon entre en premier puis nous le suivons à l'intérieur. Un second Démon s'y trouve, appuyé contre le mur en béton d'un air las. Toute la cellule est grise, il n'y a aucune touche de couleur, même la salle de bain plus que rudimentaire et le lit sont faits d'acier. Puis il a cette forme que je refusais de voir depuis notre entrée dans la cellule. Néanmoins, mon regard finit par se poser dessus. Marrow le remarque aussitôt et un ignoble sourire digne du Joker étire son visage. Il porte un simple t-shirt noir et un jogging tout aussi sombre, pourtant, je ne peux qu'apercevoir sa dangerosité. Il a fait du mal à ma jumelle et il a manqué de m'en faire à moi aussi... Ce type est une ordure.

Assis sur un minuscule lit, une jambe repliée contre sa poitrine et le bras posé sur le genou, il éclate d'un rire gras.

– Comme on se retrouve, trésor. Et dire que tu aurais pu me rapporter une sacrée somme d'argent...

– Pourquoi vous avez tué ma sœur ? lâchai-je de but en blanc.

– Ah ces éternels « pourquoi ». Pourquoi vous faites ? Pourquoi moi ? C'est trop injuste, ajouta-t-il d'une voix nasillarde, surement dans le but d'une imitation moqueuse.

– Répondez ! m'écriai-je, sentant ma patience s'étioler.

– Tu veux une réponse, trésor ?

Au même moment, il s'approche brusquement. Je recule d'un pas malgré moi, heurtant le dos d'Alastor qui vient poser une main sur mon bras, tandis qu'un bruit métallique résonne. Je découvre alors que Marrow a un poignet attaché au mur bétonné par une chaine en métal. Il l'avait caché derrière son dos, et vu l'effroyable sourire qu'il affiche en voyant ma tête, son acte était prémédité.

Le tueur jette un regard par-dessus mon épaule, sans perdre ni sa contenance ni son sourire, puis se recule lentement pour revenir se mettre dans sa position initiale: sur son lit. Il baisse les yeux sur ses pieds nus en passant sa main dans ses cheveux déjà en bataille.