Chapitre 79 : Bonjour...

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Alastor découvre les lieux, tout comme nous. La salle est circulaire et la configuration des tables dressées avec soin en fait honneur. Devant chaque baie vitrée qui compose l'entièreté de la pièce, des tables sont disposées de manière à entourer une unique table située au centre. En plus des baies vitrées en verre, nous avons le droit un dôme entièrement vitré laissant transparaître la cime des gratte-ciel illuminées de mille et une couleurs. Malgré la lumière extérieure qui baigne la salle dans une ambiance luxueuse, un lustre en cristal est gracieusement suspendu au dôme pour éclairer la table du centre de son éclat féerique.

Tout sourire, Eve descend les trois marches qui mènent à la table centrale inocecupée comme tout le reste de la pièce. Ruben la suit avant qu'Alastor ne descende à son tour les marches avec la légèreté d'un félin. Une fois en contre-bas, Eve s'empresse de saisir la main de son ami pour le guider et l'asseoir de force à la table centrale.

– Maintenant, tu ne bouges plus.

J'échange un regard amusé avec Alastor, me remémorant le qualificatif de « petit tyran » qu'il a accordé à la fillette. En même temps, je suis sûre qu'elle peut mener tout le monde par le bout du nez, et gare à celui qui lui désobéit, même par la pensée. Ruben s'assoit à côté d'Alastor, ses lèvres ourlées en un petit sourire, tandis que je descends enfin les marches. Aussitôt, Eve me saisit par le poignet et me guide vers l'autre chaise de velours bleu se trouvant à côté d'Alastor.

– Toi, tu restes là aussi.

– Je croyais que—

– C'est moi qui décide, m'interrompit-elle. C'est ma partie du projet.

J'entends Alastor glousser face à la manière dont le « petit tyran » m'a coupé l'herbe sous le pied. La fillette fait d'ailleurs fit du comportement de son ami et part accueillir les Démons qui entrent dans la salle de réception, tous sur leur 31. À cet instant, je me fais petite. Vêtue de mon jean noir et de mon gros chandail bleu marine taché de peinture, je n'ai pas fière allure. Il est vrai que j'aurais pu et dû faire un effort, mais je n'ai pas pensé à prendre ma valise cabine pour mon voyage en Enfer, pourtant ce n'est pas faute d'avoir qualifié cette excursion infernale de « voyage ». Et puis peu importe ! En tenue de soirée ou de bricolage, notre projet reste ce qu'il est : un super projet en l'honneur d'Alastor. Alors en relevant la tête vers l'entrée, je ne sens pas de gêne à voir ces robes satinées, ces éclats de diamants et ces costards hors de prix s'avancer jusqu'à nous. Néanmoins, ce n'est pas l'avis des convives qui me jettent des regards en biais, notamment deux jeunes femmes dont l'attitude et le sourire me rappellent quelque chose. Ce sont les deux vipères qui étaient là lorsque Monsieur Richard a essayé de me vendre à Alastor ! Dont une qui est venue jeter son venin lors de nos retrouvailles avec Eve au gala organisé par Alastor en son honneur. Soudain, je remets le choix des Démons d'Eve en doute. Encore plus lorsque la femme juchée sur ses talons aiguilles de plusieurs centimètres et cintrée dans une robe rouge s'approche d'Alastor pour glisser sa main manucurée à l'effigie de sa tenue sur son bras. Elle penche ensuite sa tête vers lui, laissant ses longs cheveux d'ébène tomber sur son épaule, et susurre quelque chose à l'oreille d'Alastor. Le visage de ce dernier se fend d'un sourire en coin, provoquant chez moi un pincement au coeur inexpliqué. Mais ce n'est rien lorsque je ressens ce véritable coup de poignard en voyant Alastor remonter sa main jusqu'à la chevelure soyeuse de la jeune femme. Celle-ci glousse alors bêtement et chuchote d'autres mots à l'oreille de son bien-aimé dont le sourire n'en pâtit pas. Moi qui croyais ne pas pouvoir malmener mon coeur davantage, je me trompais. Une seconde jeune femme dont le style se dénote des autres convives par ses piercings, sa robe des Rolling Stones outrageusement courte et ses cheveux rouges coupés court, s'approche du beau petit couple. Elle les fusille d'un regard aussi noir que le néant et vient se placer derrière Alastor en posant une main sur son épaule tandis que, de l'autre, elle pince discrètement le dos de sa concurrente. Cette dernière s'esclaffe d'un rire mielleux et se redresse pour regarder la nouvelle arrivante avec pitié. Alastor soupire et bascule sa tête par-dessus le dossier de son siège afin de croiser le regard de la jeune femme manifestement jalouse. Il passe sa main dans son cou pour l'attirer à lui, et alors que je pensais sentir le poignard dans mon coeur se tordre à la vue de leur baiser langoureux, Alastor lui chuchote quelque chose à l'oreille avant de reprendre sa position normale. Un sentiment de victoire inattendue s'empare de moi et je suis comme soulagée que cette pouffiasse ne l'ait pas embrassé. Mais qu'est-ce qu'il m'arrive... mon comportement est ridicule ! Alastor a bien le droit de faire ce qu'il veut avec qui il veut, et puis ce n'est pas comme si je l'avais jamais vu à l'oeuvre. Honteuse des pensées égoïstes qui m'ont traversé l'esprit, j'enfouis mon visage dans mes mains, laissant reposer ma tête à la force des mes coudes plantés sur la table. Je suis ridicule.

De l'Autre CôtéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant