Chapitre 1: Visite matinale

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J'aurais pu passer une nuit tranquille, mais non, ma condition me l'empêche. Qu'est-ce qui m'a réveillé ? Ma grand-mère. Elle est là, debout au pied de mon lit, les cheveux blancs, la peau flétrie, les mains tremblantes, mais le regard qu'elle pose sur moi est doux. Dans un grognement, (il est tout de même 5 heures du matin) je me frotte les yeux et me redresse. Ma voix est pâteuse, même après un bruyant bâillement.

- Mamie, je suis désolée.

- Ce n'est rien, ma petite chérie, me dit-elle en souriant tendrement. C'est même à moi de m'excuser de t'avoir réveillée pendant ta nuit... Tu sembles épuisée, est-ce que tu dors bien au moins ?

- Oui oui je dors très bien, disons juste que je ne suis pas du matin.

- Tant mieux, ça me rassure... 

Elle m'offre un grand sourire avant de reprendre:

- Tu diras à ma petite Marie de ne pas trop s'en vouloir de ne pas m'avoir rendu visite récemment. Je n'aime pas la voir triste. Tu lui diras aussi que je l'aime. Tu peux faire ça pour moi, ma petite chérie ?

- Je le ferrai, compte sur moi, mamie.

- Maintenant je suis prête à retrouver mon mari.

Puis avec un mouvement qui se veut empreint de volonté, je m'extirpe des couvertures, et m'avance vers ma grand-mère. Elle conserve son sourire rayonnant, alors je lui tends la main. Sans hésiter, mamie me la saisit, et une vague de fatigue se propage en moi, voulant m'attirer dans un endroit très lointain, trop lointain. Mais ce n'est pas ma fatigue, c'est celle de ma défunte grand-mère. Alors encore un peu épuisée par ce passage, je retourne me coucher.

Mon comportement peut paraître un peu rosse, mais sachez que cette situation est mon pain quotidien. On me réveille en pleine nuit, on me surprend en train de me doucher, on interrompt mon repas, et j'en passe... Alors il ne faut pas s'attendre à ce que je vous accueille à bras ouverts, surtout si vous avez été tué (oui, ça arrive) ou si vous avez été empoisonné (ça arrive aussi). Une fois, j'ai même eu le droit à une overdose, un type complètement amoché est venu interrompre mon bain. A ce moment, je peux vous affirmer que j'ai passé sur les présentations et que je l'ai directement expédié là où est sa place.

La première fois que ça m'est arrivé j'avais 13 ans, c'était avec mon grand-père maternel. J'étais dans le jardin en train de jouer avec Victoire, quand papi est arrivé de nulle part. Je ne vous dis pas la frayeur que j'ai eue en voyant mon grand-père apparaître de je ne sais où. Le pire pour moi reste lorsqu'il a posé sa main sur ma tête, ce geste se voulait rassurant, mais je me suis mise à hurler comme un putois. C'était la première fois que je la ressentais, la mort. Elle m'a habité une fraction de seconde, s'appelant attaque cardiaque, puis elle m'a quitté en même temps que mon papi. Avec mes cris, je me demande toujours comment je n'ai pas ameuté toute la ville. En tout cas, mes parents et Tantine se sont précipités vers moi. Maman a paniqué, papa était pétrifié, Tantine essayait de me rassurer, tandis que Victoire ne comprenait rien à la situation. Une fois la vague d'émotions passée, mes parents ont attribué mon pouvoir à « un don de Dieu ». Je ne vous dis pas à quel point ça les a émus que Dieu leur parle à travers moi, enfin c'est ce qu'ils disent. Parce qu'en toute honnêteté, Dieu ne m'a jamais adressé la parole, qu'on soit clair.

Mais bon... ce n'est pas tout, moi j'ai une nuit à rattraper et je tombe de sommeil.

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De l'Autre CôtéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant