Chapitre 47 : Touchée

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Quelques membres de notre famille entrent dans l'église. En ce moment, il n'y a que les enterrements pour nous réunir. Je connais très mal les personnes ici présentes car elles vivent, pour la plupart, dans un autre pays. Certains peuvent trouver ça bien dommage, je dirais que cela a permis de souder notre petite famille à Tantine qui était la seule à habiter à côté. Enfin... ça c'était lorsque ma jumelle et Tantine étaient encore parmi nous. Aujourd'hui, il ne reste plus que moi et nos parents, ainsi que mon intarissable envie de retrouver Victoire.

Sous un arbre situé en face des deux portes en bois, j'observe le défilé de noir accompagné les pleurs. Egalement toute vêtue de noir, ma mère s'approche de moi et me sourit tristement. La seconde d'après, elle détourne le regard et sanglote. Tantine était sa soeur, la personne la plus proche d'elle, je suis très bien placée pour comprendre le vide que cela crée. D'un pas lent, elle suit le cortège à l'intérieur de l'église, embrassant sa croix et murmurant de douces prières. C'est alors que mon père la rejoint, habillé de son costume foncé. Il me lance un regard tristement invitant, puis entre dans l'église à son tour. Au fond de cette dernière, j'aperçois le prêtre serrer des mains et murmurer quelques paroles évangéliques aux membres de ma famille en deuil.

Je finis par rentrer à mon tour dans l'enceinte du bâtiment, m'approchant du bénitier disposé à l'entrée. Comme tout le monde je trempe le bout de mes doigts dans l'eau bénite pour tracer une croix. Toutefois, le liquide se met à désagréablement picoter ma peau. Je n'y prêtre pas plus attention et m'avance dans le nef, fondue dans la foule de tissus noirs. Mais lorsque j'arrive au bout de l'allée, je m'arrête net face à la brutalité de la vision qui s'offre à moi. Comme pour ma soeur, ce moment est difficile. Le cercueil est disposé devant tout le monde, nous rappelant tous inévitablement pourquoi nous sommes ici. Bouleversée par une nouvelle vague de réalité, je détourne les yeux avant de m'avancer vers mes parents assis à la première rangée, faisant fit de la lourde atmosphère qui pèse sur mes épaules. Lorsque mon dos repose enfin sur le dossier en bois, une sensation désagréable remonte le long de ma colonne vertébrale pour se loger au creux de ma nuque. A côté de moi, mon père réconforte ma mère qui tente de dissimuler ses pleurs.

Le prêtre s'avance jusqu'au pupitre sur lequel repose sa Bible. Il tourne quelques pages, plonge son regard dans le nôtre, puis embrasse l'assemblée chagrinée, avant de commencer sa messe :

– Dieu est ravi de vous accueillir dans sa maison, tout comme il accueille en ce moment même un membre de votre famille. Ne pleurez pas mes enfants, il veille sur nous ici-bas et là-haut.

A ces paroles, une chape de plomb affaisse nos mes épaules, si bien que j'appuie mes avant-bras sur mes cuisses, accablée par un mal invisible.

– Le Seigneur l'accompagne, elle est à ses côtés, à sa place. Soyez fort pour elle, ne vous laissez pas tourmenter par vos démons, ce n'est pas ce qu'elle aurait voulu, et ce n'est pas ce que Dieu veut. Il veut que vous soyez bon, comme vous l'êtes envers votre famille. Et pour preuve : nous sommes tous réunis ici, ensemble. Prions tous une dernière fois pour accompagner son âme au Paradis, aidons les Anges à l'élever jusqu'aux cieux.

A ce moment, tout le monde se lève, moi y compris. Un étau invisible se resserre alors tout autour de mon corps, comme si chacun de mes mouvements m'emprisonnait un peu plus dans une cage transparente.

Le prête commence une prière en latin, mais à chaque mot, cet étau se resserre, allant même jusqu'à enserrer mes organes. Je grimace sous cette désagréable gêne qui ne veut pas s'en aller.

Amen.

Soudain, la croix autour de mon corps devient bouillante et me brûle la peau. Je retiens de justesse un petit cri, m'empressant d'enlever le pendentif qui reste chaud au contact de ma paume.

De l'Autre CôtéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant