Chapitre 38 : Dure réalité

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Je presse mes oreilles et ferme les yeux sous toutes ces informations qui surgissent en moi pour m'engloutir dans un douloureux tourment. Je me sens céder sous mon poids, la désagréable sensation dans mon cou ne cessant toujours pas, tandis que des giclées de sangs couvrent mon imaginaire. Des voix inconnues hurlent, supplient, une odeur soufrée flotte dans l'air, puis un violent flash m'aveugle et une chaleur étouffante m'encercle. Un brasier intérieur commence à se propager dans chacun de mes membres, avant que mes yeux me brûlent sous la chaleur pendant que ma peau se met à faire des cloques à cause du feu qui la lèche. J'aimerais hurler, bouger, respirer, mais je ne peux rien faire de tout cela.

Puis soudain, tout se dissipe, comme emporté par une bourrasque de vent. Mes oreilles sifflent aussitôt, ma vue se trouble, et tous mes muscles sont endoloris. D'un mouvement affaibli, je porte ma main à mon nez que je sens couler étrangement. Et lorsque je regarde mes doigts, bien que flous, j'y aperçois une tache rouge.

- Grand Maître, veuillez—

Je n'entends pas grand-chose aux paroles de ce qui semble être Monsieur Richard, mes oreilles bourdonnant trop. C'est alors que la main qui me retenait par le cou me lâche. Je m'effondre en avant sans pouvoir retenir mon corps trop lourd. Aussitôt que ma tête rencontre la moquette, je sens mes poumons se comprimer. L'air tente de s'y expulser mais se retrouver à moitié bloquée dans ma trachée. Je tente immédiatement de me relever, sans toutefois y parvenir. C'est alors que quelqu'un vient m'y aider. Une fois le buste droit, je tousse misérablement dans ma main, dégageant l'air resté coincé dans mes poumons. Toutefois, je sens ma peau se couvrir d'un liquide chaud. Et lorsque j'observe ma paume, j'y vois une nouvelle tache rouge.

- Ça va aller, Angèle, ne t'en fais pas, me rassura Lidia qui me maintient contre elle.

Petit à petit je reprends possession de mes sens et ma respiration se fluidifie.

- Je vous en prie, acceptez notre présent en échange de bons procédés, continua Monsieur Richard.

C'est alors que les jambes de la femme fatale entrent dans mon champ de vision. Elle s'accroupit devant moi pour prendre mon menton entre ses doigts afin de me forcer à regarder son beau visage, tandis que Lidia détourne la tête et se tasse.

- Tu sais, petite créature... j'admire ton courage et ta bravoure. Mais si je peux te donner un conseil face à la pitié que tu me procures, le voici : sache que notre Grand Maitre n'est jamais satisfait. Oh tout comme toi ils sont nombreux à passer un pacte avec lui, mais aucun ne parvient à remplir sa part du marché, puisqu'ils finissent tous par être jetés dans les Limbes des mains de notre Maître Absolu lui-même.

- Luxure, interrompit timidement Lidia.

- Romane, appelle-moi, Romane.

- Ro— commença Lidia avant de se faire couper la parole par cette Romane alias femme fatale.

- La pitié, petite créature, voilà la seule chose que tu suscites chez les gens. Et il n'y a pas de place pour la pitié ici, alors puisses-tu te faire à jamais oublier.

Sur ce, Romane retourne s'asseoir à côté d'Alastor qui montre des signes d'ennui face au discours de Monsieur Richard.

- Elle fera tout ce que vous voudrez, elle est notre bien le plus précieux. Marion est arrivée très récemment, ce qui fait d'elle un produit de choix. De plus, comme vous avez surement pu le constater elle est d'excellente composition.

- Ah oui ? ricana Alastor. Elle m'a paru plutôt fragile face à la manipulation de votre femme.

- C'est ce qui la rend unique ! s'exclama le vieux avec enthousiasme.

- Elle est tout aussi ennuyante que les autres, Monsieur Richard, donc arrêtez de m'assommer avec vos récits.

- Oh vous savez, commençai-je avec hargne, je me suis beaucoup inspirée de votre vie. Et nous en sommes au point où nous nous demandons si c'est ce n'est pas plutôt l'ennui qui prend exemple sur votre vie. Ce qui, en soi, n'est pas si étonnant pour quelqu'un qui aime autant se regarder et se complimenter. C'est sûr que vous vous ennuyez, votre personne est si petite que vous en avez vite fait le tour. Donc peut-être essayez de faire le tour de votre égoïsme, ça devrait vous occuper plusieurs années.

La gifle part si vite que je n'ai pas le temps de la voir, mais un silence de mort règne dans tout le casino. Je fusille Monsieur Richard, tandis que Lidia part en retrait. Le couple de vieux m'assassine sur place, mais Alastor ne sourcille même pas. Ce dernier ose même soupirer avant de nous congédier d'un geste de la main afin de pouvoir retourner à ses occupations douteuses.

C'est ainsi, sans rien attendre de plus, que Monsieur Richard m'attrape brutalement par le bras pour me relever et me tirer vers la sortie, suivant les pas de sa femme qui garde la tête haute malgré les regards froids qui lui sont adressés.

Une fois dehors, papi ne cesse de me secouer en m'incendiant :

- Ne refais plus jamais ça ! Ou es-tu trop sotte pour parler ainsi au Diable en personne ?

J'écarquille immédiatement les yeux sans pouvoir m'empêcher de dévisager Monsieur Richard. Sous la stupéfaction, le choc de la nouvelle parle pour moi :

- Attendez une minute, vous voulez dire que ce type-là, avec sa condescendance et son autosatisfaction, c'est le Diable ? Lucifer ? Satan ?

- Appelle-le comme tu veux ça ne change rien à qui il est, répliqua froidement le vieux.

- C'est lui... murmurai-je pour moi-même.

Soudain, je m'arrête net mais suis emportée en avant lorsque Papi Muscle m'oblige à avancer.

- Dépêche-toi, plus vite tu seras cachée moins tu nous feras honte. Lorsque nous rentrerons...

À ce moment, j'arrête de l'écouter, sa voix se transformant en un lointain bourdonnement. C'est lui... C'est ce type, ça a toujours été lui, depuis le début ! C'est lui qui a tué ma soeur ! Je vais l'étriper.

- Je pense qu'on devrait le faire, me ramena à la réalité la voix exaspérée de Madame Richard. Si nous la vendions aux enchères lors du gala cela pourrait nous faire remonter en cote.

- Si tu le dis... répondit son mari. De toute manière nous n'avons rien à perdre.

Je vais l'étriper. La prochaine fois que je le revois, je lui bondis dessus sans aucune hésitation pour lui arracher les yeux. Ça, ça sera la première étape. Ensuite, je lui déboîterai tous ses os, avant de peler la peau de son ventre pour y verser de l'acide, et je finirai par lui embrocher le coeur. On sera enfin débarrassé d'un type complètement inutile et mauvais. Et moi, j'aurais vengé ma jumelle. Super plan, même le meilleur que je n'ai jamais eu.

De l'Autre CôtéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant