Chapitre 70 : Tue-moi

15 3 0
                                    

Si je meurs, est-ce que je retournerai en Enfer ?

Face à l'étrangeté de ma question, Alastor relève la tête vers moi.

– Oui. Mais pourquoi voudrais-tu y retourner ? Tes parents vont s'inquiéter de ne plus te voir, même si le temps s'écoule bien plus lentement ici. Et ton travail à l'orphelinat ? Eve m'a dit que tu manquais aux orphelins.

– Mes parents n'écoutent plus que Gabriel, il fera en sorte de les rassurer, j'en suis certaine. En même temps, s'ils veulent que notre mariage se passe bien ils ont intérêt à l'écouter... ajoutai-je avec amertume. Et la directrice de l'orphelinat m'a accordé des jours de repos à cause de mon accident et... des morts. Comme tu l'as dit toi-même : le temps en Enfer défile plus rapidement, donc je pourrais y passer quelques jours...

– Tu sembles voir l'Enfer comme un endroit touristique dans lequel on irait pour passer des vacances en famille.

C'est vrai que dit comme ça... L'Enfer n'est pas réputé pour sa qualité de vie, et j'en ai d'ailleurs déjà fait les frais. Mais...

– Juste quelques jours... répétai-je. Je ne veux plus voir Gabriel, et ça me donnera l'occasion de revoir ma tante. Elle a probablement encore changé, mais au moins, elle, ne me considérera pas comme déjà mariée à Gabriel. Et puis... tu veux te venger de ton frère, non ?

– Oui, répondit-il laconiquement d'un ton neutre.

– Eh bien voilà, c'est parfait ! m'exclamai-je en me relevant. Il suffit que je meure.

Je considère mon environnement, mais il n'y a rien à part un quartier vide et probablement abandonné. De vieux immeubles tombent en ruine autour de nous tandis que la végétation reprend ses droits. Cet endroit est sûrement devenu un repère d'affaires louches et mourir dans un combat de gang ne me réjouit pas énormément. Je peux paraître capricieuse en considérant qu'il suffirait d'une simple mort pour me libérer, mais j'estime avoir assez souffert comme ça.

J'étudie le panier de basket constitué d'un simple anneau de fer et m'imagine pendue à une corde. D'après mon expérience de passeuse d'âmes, c'est une morte rapide et relativement peu douloureuse — du moins, si la pendaison marche du premier coup. Le seul problème : je n'ai pas de corde.

Alors que je me retourne pour m'adresser à Alastor, celui-ci me prend de court :

– Mon frère t'a encore fait du mal, n'est-ce pas ?

– Je veux juste m'éloigner de lui, de l'emprise qu'il s'attribue. Le temps d'une journée... ou deux, voire l'éternité.

– L'éternité en Enfer n'est pas un cadeau.

– Ton frère non plus.

Un sourire déride le visage impassible qu'a revêtu Alastor et il s'approche de moi, les mains dans ses poches. C'est alors qu'une idée brillante me vient à l'esprit.

– Tu te pavanes en prétendant que tu as des armes sur toi, c'est vrai ?

– Je ne prétends rien du tout, miss, c'est une simple mesure de sécurité.

Les morts à l'arme blanche ne sont douloureuses que lorsqu'elles ne sont pas exécutées avec précision. Un coup entre les yeux et vous tombez raide mort, il suffit de ne pas se rater. Les armes à feu aussi se révèlent efficaces, peut-être même plus, éclatant votre boite crânienne et répandant tous ses débris dans votre tête. Là aussi, vous mourrez sur le coup.

De l'Autre CôtéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant