Chapitre 55 : Lieu onirique

15 3 0
                                    

Allongée sur l'herbe, je contemple les nuages. Une douce brise caresse mes cheveux tandis qu'un splendide pommier m'abrite des rayons du soleil. Des champs verdoyants s'étalent à perte de vue. Il n'y a personne, seulement mon pommier et moi. Intriguée par cette absence de vie, je me redresse. Le cadre est idyllique, pourtant... un étrange sentiment s'immisce en moi. C'est alors que Gabriel apparaît tel un mirage et s'approche. Une chaleureuse bienveillance se dégage de son être ainsi que de ses paroles.

– Tu profites du calme pour te reposer un peu, mon amour ?

Je ne réponds pas, légèrement ébranlée par ce qu'il se passe. Gabriel ne m'en tient pas rigueur et vient s'accroupir face à moi pour porter sa main à ma joue.

– Comment te sens-tu ?

– Où sommes-nous ?

Comme si Gabriel ne voyait pas où je voulais en venir, il jette un coup d'oeil circulaire au lieu, puis m'offre son plus beau sourire.

– On dirait bien qu'il s'agit d'un champ et... d'un arbre, ajouta-t-il en observant avec amusement le pommier dans mon dos. C'est toi qui nous as amenés ici.

– Nous ?

– Oui, mon amour.

Il dépose un doux baiser sur le coin de mes lèvres. Je me recule brusquement, dévisageant Gabriel comme s'il venait de me gifler. Le vent se lève, provoquant la chute d'une feuille morte sur mes genoux. Perplexe, je relève la tête vers l'arbre et constate que la grande majorité de son ramage vire à l'orange desséché. Au même moment, des pommes se mettent à tomber des branches, pourrissant à vue d'oeil dès qu'elles rencontrent le sol. De peur de m'en prendre une sur la tête, je me redresse brusquement et m'éloigne de plusieurs pas. Le vent se lève, le ciel s'assombrit, l'herbe se met à faner et l'écorce craque avant de se fissurer. Seul Gabriel garde son éternel sourire. Alors que j'étais préoccupée par sa venue, son expression me file maintenant les jetons.

– Calme-toi, mon amour. Tout ira bien... murmura-t-il en s'approchant de moi. Ici, rien ne peut t'atteindre.

Le temps d'une seconde, sa voix déraille tel un vinyle raillé et son apparence s'estompe comme l'image d'un vieux téléviseur.

– Reste avec moi, mon amour.

Il continue de s'approcher, mais je recule. Le pommier perd toutes ses feuilles et ses pommes pourries. L'herbe morte autour de nous se décompose avant de devenir un tapis de terre brûlée. Entendant un gros fracas, je lève la tête vers le ciel maintenant complètement gris, annonciateur d'orage. C'est alors qu'une vive douleur pique  ma poitrine, y laissant une désagréable sensation lorsque le vent vient violemment souffler dans mes cheveux, retournant toutes les feuilles mortes du sol. Rien chez Gabriel ne semble affecté par les intempéries ; ni ses habits en lin, ni sa chevelure, ni même son expression. Ce type est vraiment étrange. D'ailleurs, même si Gabriel m'a révélé son vrai visage, il n'est pas aussi terrifiant que celui se tenant face à moi, tout sourire.

– Viens à moi, mon amour, je te protégerai, affirma-t-il en me tendant la main. Mon frère n'en est pas capable, moi si.

Soudain, la douleur revient pincer ma poitrine mais la sensation s'éternise plus que la première fois. J'y porte ma main et fronce les sourcils. C'est alors qu'un détail auquel je n'avais pas prêté attention jusque-là me frappe : Gabriel ne parle pas. Les paroles proviennent de mon esprit, expliquant pourquoi le vent violent n'altère pas ses paroles. Ça commence vraiment à devenir étrange... Non pas que ça ne l'était pas avant, mais la bizarrerie de ce lieu augmente de seconde en seconde. On passe tout de même de la prairie verdoyante à un désert chaotique. Une nouvelle détonation me fait sursauter, mais la seconde d'après c'est la douleur qui me plie en deux. Je pousse un gémissement en m'effondrant sur mes genoux, la main pressée sur la poitrine. Face à moi, Gabriel est immobile et le pommier, complètement dénaturé avec son tronc fracturé en deux, plie tristement vers le sol dénué de vie.

– Mon amour...

Sa voix s'enraye de nouveau pendant que sa silhouette s'estompe étrangement. Puis soudain, le pique de douleur est si violent que je pousse un affreux hurlement.

Brusquement, j'ouvre les yeux et tente de me redresser sous la douleur qui ne diminue pas. Malheureusement, mon corps est plaqué contre mon lit. C'est alors que je découvre trois inconnus tentant de s'accaparer de moi.

De l'Autre CôtéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant