Face à moi se tient mon vieux voisin: monsieur Braham. C'est un homme qui vit seul depuis la mort de son époux, et qui avait l'habitude de recevoir des balles dans son jardin lorsque nous jouions avec Victoire. Mais aujourd'hui, tout est différent, tout le monde passe de l'Autre Côté.
La mine attristée mais emplie de compassion, mon voisin s'avance vers moi, claudiquant.
- Mademoiselle Roy...
Et jamais monsieur Braham nous appelait par notre prénom, il est un peu de la vieille école mais il a toujours été très gentil et prévenant, alors ça ne nous dérangeait pas tant que ça.
- J'ai appris pour votre jumelle, je suis vraiment peiné de cette triste nouvelle. Mademoiselle Roy s'est toujours montrée polie et discrète avec moi, mais je savais qu'au fond elle cachait une personnalité en or. Alors apprendre sa mort... ça a été aussi difficile pour moi. Mais aujourd'hui on dirait bien que c'est mon tour, dit-il avec un petit sourire. Peut-être vais-je la rejoindre. Si c'est le cas, je lui transmettrai vos salutations.
- Monsieur Braham...
- Angèle ? s'inquiéta mon amie à côté de moi.
Un rire un peu rocailleux échappe à mon vieux voisin.
- Votre amie m'a l'air complètement perdue, et ce jeune homme... est tout à fait charmant, si vous voulez mon avis. Mais... il semble cacher quelque chose en lui, comme un lourd secret qu'il tente de dissimuler. Néanmoins...
Il contemple le tueur avec fascination, avant de reposer un regard bienveillant sur moi tout en souriant chaleureusement.
- Faites attention à vous, mademoiselle Roy.
Que je fasse attention à moi ? Que je me méfie de ce tueur psychopathe ? De ce type qui ne va peut-être pas tenir sa promesse ? Bien entendu que je m'en méfie... Il a toute de même poignardé quelqu'un devant moi sans aucun remords, et s'ajoute à cela qu'il se balade la nuit dans les cimetières et qu'il se drogue. Alors bien évidemment que je m'en méfie !
Sur ce, monsieur Braham me tend sa main. Je prends une profonde inspiration avant de la lui serrer. Aussitôt je me retrouve emportée dans son passé, il est assis sur son canapé à regarder son poste télé tout aussi vieux que lui, puis il ferme les yeux pour ne jamais les réouvrir (de son vivant).
Tout est noir autour de moi, et je sens mes jambes céder sous mon propre poids et ma fulgurante fatigue. Aucune douleur ne menace mon corps, mais un puissant sommeil m'attire à lui.
- Angèle !!
A la voix de mon amie, je cligne lentement des paupières tout en retrouvant petit à petit mes esprits. C'est alors que j'aperçois plein de nuages blancs glisser sur un ciel bleu.
Dans un soupir, je prends appui sur mes mains et redresse mon buste qui ne m'a jamais semblé peser aussi lourd. La route devant moi tangue quelques secondes avant de se stabiliser. Pour une raison que j'ignore, il y a des passages plus épuisants que d'autres.
- Tu vas bien, Angèle ?
Inquiète, Anaïs s'accroupit devant moi.
- Tu m'as fait flipper ! Qu'est-ce qu'il t'est arrivée ?
- Je... Monsieur Braham, mon voisin, il est mort.
Je ne lui laisse pas le temps de répondre que je m'agrippe à elle pour me relever. Au début surprise, on manque de s'écraser toutes les deux au sol, mais rapidement elle retrouve son équilibre et m'aide à me relever. C'est alors que je découvre, à mon grand étonnement, que le tueur psychopathe ne nous a pas abandonné comme de vieilles chaussettes. Non mais parce que c'est bien son genre de nous planter. Et je pense qu'il va vite le regretter car je ne perds pas le nord, encore moins lorsqu'il s'agit de ma soeur.
- Comment on entre en Enfer ?
Le type éclate de rire avant de reprendre sa route, une nouvelle fois. Tu rêves si tu penses que je vais lâcher l'affaire ! Ce coup-ci, je l'attrape par le bras et tente de le retourner face à moi. Néanmoins, ce bougre a bien plus de force que ce que je me l'imaginais, alors comprenez mon embarras lorsque c'est lui qui m'amène face à son visage exaspéré.
- Ecoute-moi bien, miss, commença-t-il avec sérieux, toi et moi on a passé un pacte. Je te dis comment entrer en Enfer et t'en donne les moyens, en échange tu me dois un service. En revanche, je n'ai pas dit « tu me questionnes toutes les secondes sur comment entrer en Enfer », donc maintenant tu arrêtes de me le demander et tu me suis.
Je fronce les sourcils et me dégage de sa poigne. Heureusement il me relâche, car je peux vous assurer que si ça n'avait pas été le cas mon poignet serait resté dans sa main. Je souffle bruyamment, plus qu'agacée par son mutisme sur ma part du contrat, et aussi sur la sienne. Je vous jure que si je dois finir gogo danseuse à cause de ce tueur psychopathe je lui dévisse la tête et la donne aux cochons.
Il reprend sa route en lançant:
- On arrive bientôt.
Je le suis en conservant plusieurs mètres de distance, les mains dans mes poches, le visage fermé, et mon amie à mes côtés. Elle n'est d'ailleurs pas plus rassurée, en même temps il n'y a rien de rassurant...
- Angèle, je le sens pas ce mec... Et arriver où ? Si ça se trouve il nous emmène dans une ruelle sombre pour nous égorger et violer nos cadavres.
- Rassurez-vous, dit-il avec amusement, je ferai l'inverse.
- En quoi c'est censé nous rassurer ?!?! s'emporta Anaïs.
- Vous préférez que je vous dise que j'ai des armes cachées dans ma veste ?
Ok, cette fois je crois que mon amie est sur le point de faire une tachycardie. Son visage blêmit et si elle ne prend pas ses jambes à son cou dans la seconde c'est un vrai miracle. Quand à moi, je m'abstiens de lui dire que j'ai vu ce type tuer quelqu'un pas plus tard qu'hier et avec une arme qu'il avait effectivement cachée dans sa veste.
- On y est, annonça le tueur psychopathe.
Je m'arrête donc de marcher pour considérer les lieux. Eh bien, il s'avère qu'il s'agit tout simplement de la cour de l'église dans laquelle nous avons l'habitude d'aller avec ma famille. Est-ce une de ses mauvaises blagues ? Ou compte-il vraiment mettre ses plans macabres à exécution ?
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De l'Autre Côté
Paranormal« Vous connaissez l'expression « être une grenouille de bénitier » ? Eh bien je peux vous assurer que tous les membres de ma famille sont des batraciens. Par là j'entends : croix en folie et messes à gogo. Ma famille est si religieuse que Satan lui...