Chapitre 60 : Encore

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Avec un profond soupir, je me laisse lourdement retomber sur mon lit. Ça me fait trop à assimiler en si peu de temps, mon cerveau surchauffe. Mais comment vous régiriez, vous, si vous viviez une agression nocturne doublée de révélations divines ? Mal, exactement.

Dans un nouveau soupir, je jette un coup d'oeil circulaire à ma chambre. Si quelqu'un y entre — bien que j'ai eu ma dose d'intrusions — il ne pourrait pas se douter de la quantité de sang qui a maculé le sol plusieurs minutes auparavant. Néanmoins, il se douterait de quelque chose en me voyant, car je dois faire peur à voir. Donc mieux vaut que j'évite les miroirs pour les prochaines minutes, voire les prochaines heures.

Au sol, traîne toujours ma croix dont le fermoir est cassé. Et je vous avoue qu'en ce moment je n'ai pas très envie d'aller la récupérer, de toute manière ma mère m'a déjà réprimandée pour l'avoir brisée. Ce n'est pourtant pas la première fois, le métal y garde d'ailleurs des séquelles. Mais mes parents s'obstinent à me voir la porter, au risque de la casser de nouveau. Si ça se trouve, toutes ces merdes m'arrivent à cause d'un simple fermoir ouvert. Qui sait, c'est peut-être comme les miroirs brisés ? Vous pensez que j'écope de combien d'années de malheur ? 5 ans ? 20 ans ? 666 ans ?

Ma cage thoracique s'abaisse lourdement, expulsant tout l'air de mes poumons. Et puis qu'est-ce que ça peut me faire ? Je m'éloigne de la foi et celle-ci me quitte. Je suis maudite. Non ! C'est ce que Gabriel veut me faire croire, je ne dois plus retomber dans ses pièges dignes des plus grandes basses de l'Histoire. Alastor a raison, j'ai fini par l'écouter et je le crois enfin. Gabriel n'est pas celui qu'il prétend être. J'ai beau ne pas avoir vu l'ampleur de sa jalousie maladive, son aparté m'a permis de l'entrevoir. Il sait bien dissimuler son jeu, c'est un maître dans l'art du paraître. Encore, cet aspect de sa personnalité pourrait être acceptable dans la mesure où il ne fait pas de victimes, ce qui est négociable selon la définition de « victime » que l'on emploie. Parce qu'en plus de ses faux-semblants, Monsieur a la prétention de me déclarer comme sa propriété soit disant parce qu'il m'a offert des dons. Mais qu'il les garde ses dons ! Et puis comment ose-t-il autant s'immiscer dans ma vie ?! Non, ne répondez pas, il le fait depuis des centaines d'années, je sais. Et ce constat me révolte ! Comment nous sommes nous laissés tous bernés ? Pourquoi personne n'a jamais rien vu ? Ah oui, car il n'a jamais rien fait de mal. Rectification : si quelque chose tourne mal, pointez le Diable du doigt. Comment n'ai-je pas pu m'en rendre compte plus tôt ? Mais surtout, comment ai-je pu lui faire confiance ? On ne cesse de répéter que la perfection n'existe pas, dans ce cas pourquoi Dieu devrait l'être ? Et envoyer son propre frère croupir en Enfer témoigne bien d'un comportement des plus enfantin et vicieux. Maintenant je comprends. Gabriel est tout aussi jaloux d'Alastor qu'il a peur de lui car il est le seul à pouvoir le compromettre. C'est pour ça que Gabriel s'obstine à effacer son frère. Il le rabaisse autant aux propres yeux d'Alastor qu'aux yeux du monde entier. En même temps si les gens se mettaient à écouter Alastor, à le traiter avec respect et à lui faire confiance, ils apprendraient la vérité sur Gabriel. Et là, s'en serait fini de lui ; bye-bye Dieu, bonjour le Diable.

Je me couvre les yeux de mes bras, mes pensées se bousculant toujours dans tous les sens. Une désagréable sensation de picotement parcourt mon avant-bras, bien que rapidement chassée par un craquement sinistre en provenance de ma vitre. Je sursaute et me tourne immédiatement vers celle-ci. Rien, juste la lune projetant un ballet de feuilles sur le rebord de la fenêtre. 666 ans de malheur pour une croix cassée, on avait dit ? Et vous pensez qu'on ajoute combien pour du verre brisé ?

Le vent souffle et gronde contre la fenêtre, tentant de s'infiltrer dans chaque espace vide, laissant derrière lui un horrible sifflement. Ma vie pourrait être un film d'horreur, non ? Je vais la proposer à Spielberg. Soudain, un second craquement me fait sursauter, cette fois il provient de ma bibliothèque. Ça serait aussi super si je parvenais à voir le film... Et puis c'est bête un film d'horreur où l'héroïne meurt à la fin, je préfère clairement ceux où elle reste saine et sauve, pas vous ?

De l'Autre CôtéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant