Chapitre 5: L'orphelinat

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Enfin, me voilà arrivée devant le grand bâtiment en briques de l'orphelinat. Cet endroit est très somptueux, et bien qu'il puisse paraître austère de l'extérieur, l'intérieur est très chaleureux. J'y travaille maintenant depuis quelques années. Je sais que c'est plutôt inhabituel pour une jeune femme comme moi de travailler si tôt dans un orphelinat, mais à côtoyer trop souvent la mort on en oublie vite la vie. Alors travailler ici me permet de revoir la vie dans toute sa splendeur. Et pour cela, quoi de mieux que la jeunesse pleine d'énergie ? Ça y est, je pense que je suis vieille, il n'y a qu'une vieille dame pour sortir ce genre de chose.

Munie d'un gros sac en papier, je gravis les marches du perron et toque lourdement sur la porte à l'aide du heurtoir en forme de main. Aussitôt, plein de petits pas accourent derrière la porte qui étouffe les voix. Puis le lourd battant finit par s'ouvrir, laissant entrevoir une vieille femme. Au même moment, tout un tas de petits monstres sortent en criant. Je souris à la femme dont les traits sont tirés par la fatigue.

- Bonjour, Marlène ! m'exclamai-je toute souriante. Je viens voir les petites terreurs, et j'ai apporté du gâteau.

Je brandis fièrement mon sac en papier sur lequel est imprimé le nom d'une pâtisserie de la ville. Immédiatement, une tignasse blonde m'arrive dessus, et de petits bras m'entourent la jambe. La fillette lève la tête, et ses sublimes yeux bleus brillant de bonheur croisent les miens.

- T'as apporté du gâteau ?!

- Hé oui, mademoiselle Eve.

Je pose ma main sur sa tête et lui ébouriffe ses cheveux de blé. A partir de ce moment-là, la fillette ne me lâche plus une seconde. Elle me suit partout, de l'entrée au salon, en passant par la cuisine.

Finalement, je dépose les deux gâteaux au chocolat finement coupés par mes soins, tous les orphelins me regardant avec attention en attente du signal. Marlène, la directrice de l'établissement, revient avec des verres et des bouteilles de jus de fruits. Tout étant prêt, j'use de mon autorité, ou ce du moins ce qu'il en reste:

- Faites la queue, il y en aura pour tout le monde, pas de panique.

Comme un seul homme, tous les enfants se mettent sagement en file indienne, une assiette dans la main et zieutant sur le gâteau couvert de glaçage. Néanmoins, le premier qui me brandit son assiette n'est autre qu'Eve, les bras tendus dans ma direction, et un grand sourire sur les lèvres. Elle dévore des yeux le gâteau avant même de le goûter.

Pour mon premier jour à l'orphelinat, j'avais préparé des cookies. Et devinez quoi, comme aujourd'hui, Eve était la première à réclamer son dû. A partir de ce moment, une complicité entre Eve et moi s'est développée. Si bien que d'un côté je suis triste qu'aucun adoptant ne voie tout le potentiel d'adorabilité en elle, mais que d'un autre je suis heureuse que personne ne le voie car ainsi je peux la garder égoïstement à mes côtés.

Puis soudain, elle me rappelle à l'ordre, ne perdant jamais le nord lorsqu'il s'agit de manger:

- Angèle, je peux avoir une part ? Hein ? S'il te plait.

Avec un sourire, je dépose une tranche de gâteau au chocolat dans son assiette, mais elle ne bouge pas et continue de me tendre son plat en souriant.

- Je peux en avoir encore une ?

- Il faut aussi en laisser aux autres, Eve.

- T'as dit qu'il y en aurait assez pour tout le monde.

- Oui, à condition que personne ne prenne la part de l'autre.

De l'Autre CôtéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant