Lidia se cale dans un fauteuil, le seul et unique fauteuil de cette chambre. Elle inspire profondément, pose ses bras sur les accoudoirs, et plonge son regard sérieux mais teinté de tristesse dans le mien. Cette scène pourrait se comparer à un scénario cinématographique. Le super beau gosse cliché brun ténébreux s'enfonce dans le fauteuil, cigarette à la main. Il tire un coup sur son mégot, avant de lentement recracher la fumée en relevant la tête avec nonchalance vers l'héroïne apeurée, innocente, et éperdument amoureuse de monsieur Mystère Intense, mais oh non... ce n'est pas réciproque, même si Supercliché nie ses sentiments envers notre demoiselle en détresse. Stéréotypé ? Prévisible ? Le genre de film dont on connait tous la fin mais qu'on regarde tout de même avec enthousiasme, en se disant: « peut-être que ça sera différent ». Mais vous savez quoi ? Ce n'est jamais différent. Et ça me fait penser que... notre scène entre ces personnages emblématiquement clichés, n'a rien à voir avec ma situation actuelle. Toutefois, comprenez-moi, j'angoisse face au regard dénué d'humour de Lidia. En fait, c'est un peu l'équivalent d'un « faut qu'on parle », vous le connaissez aussi ? Vous savez à quel point il met la boule au ventre. Alors imaginez si Lidia fume et me prend pour la jouvencelle en détresse, le tout sur une musique angoissante, avant de me sortir un « faut qu'on parle » d'un ton complètement plat mais contenant tant de sous-entendu qu'on pourrait en écrire un livre. Un scénario digne des plus gros films à suspense angoissant.
- Tu m'écoutes ?
Ma bulle éclate, et tout mon flot artistique part en miettes. Lidia me dévisage, toujours depuis son fauteuil. Je lui offre un petit sourire, et elle pousse un soupir las.
- Cette fois, sois attentive, je n'ai pas envie de me répéter une troisième fois.
J'hoche la tête, et la jeune femme commence, ou plutôt, recommence son histoire:
- Je te l'ai déjà dit la dernière fois, mais je pense que c'est important de te le répéter au vu des circonstances actuelles : nous sommes en Enfer. Ici rien n'est beau, rien n'est gentil, rien n'est sincère, mais surtout, personne n'a de réelle d'importance si ce n'est le Diable lui-même. Monsieur et Madame Richard sont en déclin, ils essaient de se retrouver un nom, mais s'ils viennent à disparaitre dans la journée, personne ne s'en souciera. Alors n'imagine pas que quelqu'un ait un intérêt quelconque pour ta personne. Et avant que tu ne dises quoi que ce soit, ne pense même pas m'apprécier. Tu comprendras rapidement que dans ce monde, il vaut mieux haïr qu'aimer. Les âmes arrivent et partent constamment, personne n'y accorde la moindre attention, nous ne sommes qu'un grain de poussière dans la sablier de Satan. Ils sont nombreux ceux qui pactisent avec lui, ceux qui se pavanent devant lui, ceux qui essaient de le convaincre ou de le soudoyer, tous dans l'espoir d'obtenir un petit truc de rien du tout : de la reconnaissance. Mais... ils sont encore plus nombreux ceux qui tombent dans l'oubli. Donc Angèle, ou peu importe ton vrai prénom, n'essaie rien, ne crois en rien, mais surtout, n'espère jamais. Reste forte et accroche-toi à ton âme, il n'y a plus qu'elle. Ici c'est l'Enfer, pas Disneyland. Je côtoie les Démons depuis bien longtemps, alors si je peux me permettre de te donner quelques astuces pour rendre ton séjour moins... infernal. Fais ce qu'on te dit de manière immédiate, obéis sans réfléchir, et libère-toi au plus vite des tâches qu'on t'incombe. Car de toute manière tu ne peux pas mourir, ton seul but est de rendre ta souffrance plus supportable. Mais à ce propos...
Laissant traîner sa dernière phrase, Lidia se lève de son fauteuil pour s'approcher de moi avant de continuer dans un murmure empli d'interrogation :
- Tu es... vraiment bizarre.
- Je te remercie, répondis-je sarcastiquement.
![](https://img.wattpad.com/cover/236015236-288-k784607.jpg)
VOUS LISEZ
De l'Autre Côté
Paranormal« Vous connaissez l'expression « être une grenouille de bénitier » ? Eh bien je peux vous assurer que tous les membres de ma famille sont des batraciens. Par là j'entends : croix en folie et messes à gogo. Ma famille est si religieuse que Satan lui...